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Le thème du congrès de cette année était « La traduction comme forme de diplomatie culturelle ». Ce sujet reflète à la fois le climat géopolitique instable qui règne actuellement et les principes ayant inspiré la fondation de l’Institut de la Traduction lui-même.
Combler le fossé
« Nous souhaitions créer un forum dans lequel les traducteurs du monde entier pourraient échanger leur vécu et leur expérience professionnelle sur cette forme d’art », indique Vladimir Grigoriev, directeur adjoint de l’Agence fédérale russe pour la presse et les médias et un des fondateurs clés de l’Institut. « Mais nous gardons également à l’esprit que l’objectif principal et hautement philosophique de la traduction est d’unir les gens de différents pays. Même si elle est hautement technique par nature, la traduction n’est toutefois pas une science mais un art, et un certain degré d’alchimie intervient lorsque l’on traduit. Vous ne remplacez pas simplement un mot par un autre, vous créez un pont visible entre les mentalités culturelles de deux pays ».
a été fondé par l’Institut de la Traduction en 2010. Le premier événement a attiré plus de 150 participants venant de 20 pays. Le second congrès, qui a eu lieu en 2012, a séduit des traducteurs de 30 pays différents.
Le congrès accueillait durant deux journées une série de conférences d’une grande diversité, près de 300 au total. Toutes les sessions du matin et de l’après-midi étaient composées de neuf « sections » distinctes, chacune se concentrant sur son propre thème qui était exploré par cinq ou six traducteurs et un modérateur. La traductrice Hélène Henry-Safier a dévoilé ses secrets de la traduction de la poésie d’Anna Akhmatova. Le discours d’Anne Coldefy-Faucard, traductrice des œuvres de l’écrivain russe contemporain Vladimir Sorokine, a porté sur les problèmes liés à la popularité de la littérature russe en France aujourd’hui.
Les sujets comprenaient des questions pratiques comme « Comment éviter le plagiat involontaire dans les œuvres classiques qui ont été traduites plusieurs fois ? » et « Comment traduire le contexte culturel ? ». Plusieurs conférences étaient consacrées aux dilemmes spécifiques à une langue comme « les difficultés de traduire Nabokov et Tchékhov en japonais » ou « comment refléter la musicalité de la poésie russe dans les expressions idiomatiques américaines ». Ces conférences ont permis un échange culturel véritable et passionné, car elles concernaient des cas de figures que les traducteurs littéraires rencontrent fréquemment.
Le congrès a également abordé des sujets pédagogiques tels que « Quel est le rôle de l’université dans la formation des jeunes traducteurs ? » et « Comment apprendre aux étudiants à préserver l’« âme » d’un texte », ainsi que plusieurs autres questions ontologiques comme « Le traducteur doit-il tout connaître ? » ou « La traduction est-elle plus une science ou une passion ? ».
Des airs de foire intellectuelle
Le fait marquant de la première journée du congrès fut la discussion animée de la soirée entre les écrivains russes qui montaient sur scène par deux, chaque duo représentant des points de vue opposés sur différents sujets ayant trait à la vie et à l’art.
Le congrès a également vu l’attribution des « Read Russia Prizes » (seule récompense dans le domaine de la traduction littéraire russe) dans quatre catégories. Le prix pour la traduction d’un classique de la littérature russe du 19ème siècle est revenu à Alejandro Ariel Gonzales pour sa traduction en espagnol du Double de Fiodor Dostoïevski. Dans la catégorie des œuvres russes du 20ème siècle, le prix a été décerné à Alexander Nitzberg pour sa traduction en allemand du Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov. Marian Schwartz a quant à lui remporté le prix dans la catégorie littérature russe contemporaine grâce à sa version anglaise du Costume d’Arlequin de Léonid Youzéfovitch. Enfin, le lauréat dans la catégorie « Poésie » était Liu Wenfei, qui a traduit en chinois une sélection de poèmes d’Alexandre Pouchkine.
Alexander Livergant, rédacteur en chef du magazine russe Inostrannaïa literatura (« Littérature étrangère ») et modérateur de l’une des sections du congrès, a partagé ses impressions sur l’événement. « Nous ne nous attendions évidemment pas à voir autant de monde à Moscou cette année : on a observé une augmentation significative par rapport aux éditions précédentes. Beaucoup plus de visiteurs venaient des anciennes républiques soviétiques, par exemple. Le congrès se distinguait également par un grand nombre de projets de publications, ainsi que par l’élargissement de la géographie de la traduction des textes russes : la France, l’Allemagne et la Scandinavie traduisent toutes de la littérature russe. C’est cependant beaucoup moins le cas au Royaume-Uni et aux États-Unis. Il est intéressant de noter que l’intérêt ne se limite pas aux classiques : nos auteurs contemporains sont très populaires et très connus dans le monde entier ».
Cette diversité et cette profondeur indéniables ont cependant constitué une arme à double tranchant car beaucoup de traducteurs ont estimé que le choix était trop vaste. Ils se sont plaints d’avoir des difficultés à trouver à quelle section ils participaient, courant souvent dans le dédale des bâtiments en recherchant désespérément la prochaine conférence novatrice.
Vladimir Grigoriev indique en réponse que l’un des principaux objectifs de l’Institut de la Traduction sera d’assurer une meilleure organisation. Il a également parlé de l’importance de garantir une expansion continuelle, notamment pour inclure les pays dont la littérature (ou l’existence même) est très peu connue. Les traducteurs du monde entier peuvent donc s’attendre à un cortège de nouveautés lors du prochain congrès.
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