Le film Chapiteau-show réunit plusieurs portraits de vacanciers très différents. Créddit : Itar-Tass
Les cinéastes russes ont l’intention de développer, avec le soutien du gouvernement, l’industrie du septième art en Crimée. La société de production Mosfilm compte délocaliser une partie de ses tournages sur la péninsule, et Lenfilm a déclaré son intention d’y ouvrir une filiale. La société de production Yalta, qui existe depuis l’époque soviétique et qui connaît aujourd’hui des difficultés, sera transformée en centre de formation pour cinéastes débutants.
La Crimée a toujours été un lieu important pour le cinéma russe, notamment en raison de la beauté de ses paysages. Si l’action se déroule sur fond de palmiers et de cyprès, et qu’au loin on aperçoit le bleu profond de la mer, c’est que le film a été tourné en Crimée. Les villas des stations balnéaires et les ruelles typiques ont souvent servi de décor aux films historiques.
Expérience pré-révolutionnaire
Le cinéma est apparu en Crimée bien avant la révolution de 1917. Les premiers réalisateurs russes ont choisi la Crimée pour… sa lumière. « En 1910, il était techniquement compliqué et particulièrement coûteux d’utiliser un éclairage artificiel, et la luminosité naturelle des latitudes nordiques restait insuffisante. C’est pourquoi les équipes de tournage se rendaient dans le sud, qui connait objectivement plus de jours d’ensoleillement », a expliqué à RBTH le critique de cinéma Sergueï Philippov.
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C’est le réalisateur et producteur Alexandre Khandjonkov qui a découvert parmi les premiers le climat ensoleillé de la Crimée. En 1909, il réalise son premier long métrage, La Défense de Sébastopol. En 1917, Khandjonkov revient en Crimée avec son équipe de tournage et crée sa propre société de production du nom de la ville où elle est établie, Yalta. Très vite, les réalisateurs se retrouvent bloqués en Crimée en raison de la guerre civile qui sévit. Les subventions cessent, les acteurs fuient à l’étranger… Même les pellicules viennent à manquer. Malgré la situation et la pauvreté des moyens, Khandjonkov arrivera à réaliser près de 30 films en trois ans.
Dans L’Esclave de l’amour (1975), Nikita Mikhalkov revient sur le travail d’Alexandre Khandjonkov. Le film raconte comment un producteur arrive à rassembler une équipe de tournage en exil, et comment il déniche avec ferveur les pellicules pour finir son travail. Les scènes de tournage ont elles aussi eu lieu en Crimée, aux endroits mêmes où Khandjonkov a travaillé à l’époque.
Un Hollywood soviétique
Les scènes de tournage du film L’Esclave de l’amour ont aussi eu lieu en Crimée. Crédit : kinopoisk.ru
A la fin des années 1920, le pouvoir soviétique a l’idée de créer sur la base du studio de Khandjonkov une ville entière qui deviendrait le centre historique des studios du cinéma soviétique. La Crimée devient un analogue géographique d’Hollywood dans l’espace soviétique : le climat y est particulièrement clément, un point important pour le tournage d’un film, et les lieux sont également surplombés de montagnes, où pourraient très bien briller les lettres « CRIMEE », comme à Los Angeles.
A l’époque, le projet fait beaucoup de bruit, mais il restera sur le papier. « L’idée était irréalisable, car dans les années 30, tous les studios internationaux étaient depuis longtemps passés à l'éclairage artificiel. Le climat ensoleillé n’était plus d’une grande utilité », fait remarquer Sergueï Philippov.
Malgré l’échec du projet d’« Hollywood soviétique », le monde du cinéma continue à travailler de façon intensive en Crimée, toujours au moyen de la modeste société de production Yalta. Et si la luminosité n’y est plus l’enjeu principal, c’est sans compter le rôle important de la société de production et de ses studios. Le rideau de fer ne permettant pas aux cinématographes de réaliser leurs films à l’étranger, ils allaient donc en Crimée. Ainsi, dans les années 1950-70, une sorte d’Hollywood a spontanément fleuri sur la péninsule.
Les cinématographes soviétiques ont beaucoup utilisé les paysages criméens dans leurs films historiques et fantastiques. C’est le cas du palais de Livadia et de ses jardins rappelant l’Espagne du 17ème siècle dans le film Le chien du jardinier. Les fontaines ombragées et les salles pompeusement décorées se sont révélées le cadre idéal pour mettre en scène les passions amoureuses des héros de Lope de Vega.
Quant au fabuleux blockbuster L’homme amphibie, c'est un hommage à la Crimée et à sa nature tropicale. Le film raconte l’histoire d’un professeur argentin qui greffe des branchies de requin pour sauver son fils d’une grave maladie, mais le jeune garçon va se transformer en « monstre marin ». Amoureux, il va chercher à conquérir le cœur de la fille d’un pêcheur.
Le film L’homme amphibie, c'est un hommage à la Crimée et à sa nature tropicale. Crédit : kinopoisk.ru
Dans le film, on ne ferait pas la différence entre les côtes et les baies rocheuses de la péninsule criméenne et les environs de Buenos Aires. La seule chose qui ne se trouve pas en Crimée, c’est le monde sous-marin du Pacifique. Il a donc fallu décorer le fond de l’une des baies de Crimée d’algues et de coraux. Et bien qu’ils aient l’air terriblement faux, cette expérience fascine par le travail des décorateurs qui ont dû à l’époque s’adapter aux contraintes de la profondeur des mers.
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Le premier film de guerre russe Pirates du XXème siècle a détourné à son tour les paysages de la Crimée, ainsi que son architecture. Un port asiatique, une île tropicale, le camp d’une tribu sauvage… A l’écran, impossible de reconnaître la Crimée si vous n’êtes pas familier de ses montagnes et de ses rives.
La Crimée, station balnéaire russe
La vie trépidante des vacanciers en Crimée est un sujet récurrent dans le cinéma russe. Adapté d’une nouvelle de Tchékhov, le film La dame au petit chien (1960) redonne au front de mer de Yalta l’allure qu’il avait au XIXème siècle. Sur les séquences, la promenade sur laquelle, à l’époque, les vacanciers, dont Tchékhov lui-même, prenaient du bon temps, reprend sa vie d’antan.
La prisonnière du Caucase, l’une des meilleures comédies soviétiques, a elle aussi été réalisée en Crimée. L’histoire raconte comment un jeune chercheur participe sans le vouloir à l'enlèvement d'une jeune femme du Komsomol dont il est amoureux. A partir de là, tout devient sujet à comédie : les nuits pittoresques dans les falaises, les courses poursuites dans les rochers et même une chute dans la rivière escarpée. Le paysage criméen recrée parfaitement les montagnes sinueuses du Caucase.
Le cinéma russe continue de s’intéresser à la Crimée et à ceux qui aiment s’y reposer. En 2012, une équipe de jeunes cinéastes y a réalisé Chapiteau-show, un film qui réunit plusieurs portraits de vacanciers très différents. Un père et un fils qui gravissent les montagnes, un jeune homme et sa fiancée à la mer, un homme d’affaires rusé qui tente d’arnaquer les vacanciers en jouant sur leur simplicité gustative. Chapiteau-show fait découvrir toute la diversité de la péninsule criméenne sous un angle moderne.
« Nous avons tourné notre film en Crimée pour un certain nombre de raisons. D’abord, la péninsule a conservé l’infrastructure et l’âme des studios de cinéma de la société Yalta, a confié à RBTH la scénariste du film Chapiteau-Show, Marina Potapova, La richesse de la nature était également un facteur important pour nous : les différents types de montagnes, les plaines, les lacs, la mer. A quelques heures de la ville, on retrouvait les paysages du film Gerry de Gus Van Sant. On se croirait presque à Las Vegas. Réaliser un tournage en Crimée est une expérience fantastique ! ».
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