La motivation des gens qui viennent s’inscrire à des stages de théâtre est souvent d’ordre personnel. Crédit : Getty Images/Fotobank
Les ateliers de théâtre pour hommes politiques se sont répandus aux Etats-Unis et en Angleterre dès les années 50. En Russie, nous avons commencé dans les années 2000. Le premier cours d’essai était gratuit. Dans la salle, un vendeur de voitures, un responsable marketing d’une chaîne de magasins, un agent immobilier… Tout de suite, j’ai vu leur regard s’illuminer, ils se sont immédiatement inscrits au stage.
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Après dix ans d’enseignement à l’école-studio du MKhAT (Théâtre d’Art de Moscou), je ne comprenais pas tout à fait le rapport qu’il pouvait y avoir entre le milieu théâtral et politique. Mais un monde différent s’est ouvert à moi, un monde riche, puissant, créatif. Les dirigeants d’entreprise sont souvent des gens doués et très ouverts. Bien que le milieu des affaires en Russie a mis du temps à comprendre l’intérêt d’être tiré vers le haut.
J’ai commencé à faire ça pour l’argent. Dans le milieu artistique, il faut toujours une « soupape de sécurité » financière. Cela donne la possibilité de réaliser ses projets théâtraux. Ainsi, l’un de mes élèves a entièrement pris en charge deux séjours à New-York pour l’école-studio du MKhAT pour cinq représentations au Centre d’art Mikhaïl Barychnikov. Un autre a financé la pièce Ya Boyus’ lubvi (J’ai peur de l’amour) au Théâtre Doc, où je joue. Mais, très vite, je me suis pris au jeu de ces ateliers.
J’ai eu plus de 300 élèves. D’habitude, je commence à travailler avec un groupe, puis au cas par cas selon l’objectif fixé (qu’il s’agisse de réussir une négociation importante ou de donner une bonne interview). J’ai eu des dirigeants de grosses sociétés comme SAS, Technoservice, Sberbank, Kommersbank, Gazprom, Monet, Huawei, RZhD, etc. Je travaille aussi avec les hommes politiques, j’ai organisé un atelier pour toute l’administration de la région de Kalouga : le gouverneur, les ministres et maires des centres régionaux. Il y a un lien direct entre la prospérité d’une région et le désir de se surpasser. Dans les régions pauvres, ils ne comprendraient pas pourquoi perdre son temps à faire du théâtre.
Je prends plus de plaisir à travailler avec les chefs d’entreprise qu’avec les politiques. Ils ont tendance à s’impliquer davantage. Les politiques sont habitués à exécuter les ordres des supérieurs. Mais aujourd’hui, ces deux milieux sont très proches.
Des chefs timides
Certains sont maladroits, d’autres sont tendus, d’autres bafouillent. Les hommes de pouvoir ont une telle pression, ils croulent sous les secrets financiers et politiques, ils sont habitués à ce qu’on leur obéisse et ils ne comprennent plus parfois s’ils ont raison ou s’ils sont drôles car tout le monde se force à rire avec eux.
Les exercices portent sur l’attention, la coordination, la rhétorique et l’art oratoire, les techniques de séduction, le travail avec l’énergie positive. L’accent est mis sur l’improvisation et la libération. Quelqu’un de tendu a les jambes flasques, les mains froides mais aussi des problèmes de concentration. Un artiste qui a le trac oublie plus facilement son texte, le politicien peut omettre des informations importantes. Durant le premier cours, on apprend à se lever, s’assoir, se présenter. Ça n’a l’air de rien, mais c’est difficile de rester naturel sous le regard des autres.
Je n’ai jamais eu d’élèves qui étaient odieux avec moi. Bien sûr, je ne sais pas tout d’eux. Par exemple, j’ai travaillé avec la société Mirex group et j’ai eu pour stagiaire Sergueï Polonski, qui m’a paru très intéressant à l’époque. S’il était venu me voir aujourd’hui, après tous les scandales, j’aurais peut-être réfléchi à deux fois avant de travailler avec lui.
Des problèmes intimes
La motivation des gens qui viennent s’inscrire à mes cours est souvent d’ordre personnel. Le dirigeant d’une très grosse société, m’a avoué ne pas réussir à séduire une femme, puis est venu à mes cours. « Oui, je peux tout acheter, tout organiser au plus haut niveau mais ce n'est pas par moi qu'elle est attirée mais par mes moyens », d’où les complexes, propres à tous les hommes normaux.
Un autre de mes élèves, patron d’une société informatique, était très timide : petit, à lunettes, maladroit, tendu, incapable d’un sourire sincère. Il faisait beaucoup d’efforts, mais n’y arrivait pas et faisait rire tout le monde. Un jour, il me proposa de me déposer chez moi. Je l’imaginais dans une quelconque Wolksvagen. Quelle ne fut ma surprise quand il débarqua dans un bolide décapotable et fonça à toute bringue en ignorant le code de la route. J’ai eu la peur de ma vie. Il s’est avéré qu’il faisait aussi de l’alpinisme, avait un yacht et pilotait des avions. Mais au travail, il était perdu, jusqu’à ce qu’il se libère grâce à mes cours. En côtoyant des gens comme lui, je me suis dit qu’on est entouré d’extra-terrestres, qui survolent notre monde avec tous leurs problèmes. On ne sait rien les uns des autres. Et le théâtre est là pour nous unir et nous faire parler la même langue.
Tiré du journal de l’Institut International de Théâtre ITI-Info No21
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