Dans les années 2000, 50 à 100 cas de perte de pièces étaient enregistrés chaque année. Crédit : PhotoXPress
L’histoire commence en 2006, lorsque les enquêteurs découvrent la disparition d’un certain nombre de pièces de la collection de bijoux. La conservatrice de la collection Larissa Zavadskaïa est accusée de ce vol à titre posthume car elle était décédée de thrombophlébite sur son lieu de travail au tout début de l’enquête. La valeur des biens volés est officiellement estimée à 150 millions de roubles, mais les mauvaises langues disent que la valeur réelle est bien plus importante. Les enquêteurs cherchaient à établir comment les biens volés étaient écoulés. Les dernières années de sa vie, Larissa Zavadskaïa s’était souvent rendue en Finlande. Les enquêteurs soupçonnaient que les pièces volées avait été écoulées lors de ces voyages. Quel que soit le cas, afin d’éviter que cela se reproduise, la conservatrice en chef de l’Ermitage Svetlana Adaskina a annoncé en 2007 qu’un marquage secret serait développé pour les douanes. Le marquage devait se dérouler sur deux ans, mais s’est finalement achevé en 2013. Rien d’étonnant : l’Ermitage compte 150 000 pièces exposées et environ 3 millions dans les réserves. On peut imaginer le nombre d’heures, de jours, de mois, voire d’années de travail qu’il faut pour marquer chaque pièce.
Vols d’œuvres d’art : la Russie en tête des pays européens
On peut faire toute sorte de suppositions sur la façon dont la technologie secrète fonctionne à la douane : bip, lumière, un sms disant « je suis la pièce N°3456, je suis au terminal douanier...». La critique d’art Yulia Saraieva, qui dispose d’une solide expérience de travail dans les musées et galeries, explique que dans la pratique muséale le marquage secret n’est pas utilisé ou alors le secret est si bien gardé que personne ne le connaît. « Avant, raconte-t-elle, le système de marquage des pièces était barbare : les numéros d’inventaire étaient marqués à la peinture à l’huile, alors que sur les petites pièces, on pouvait attacher une étiquette. Aujourd’hui, on utilise des matériaux plus cléments, mais le principe reste le même – le numéro doit être indélébile. Aussi, si la pièce se retrouve sur le marché noir, il est tout de suite clair qu’elle a été volée ».
Une chose est sure : des mesures renforcées de conservation des pièces dans les musées sont indispensables. L’histoire des vols dans notre pays est, hélas, riche. En URSS, la plupart des vols concernaient les objets de culte dans les églises. C’était assez simple. Les églises n’étaient pas vraiment gardées, aucun inventaire n’y était jamais fait. Ce n’est qu’au début des années 1980 que le gouvernement s’est avisé et a commencé à réaliser l’inventaire des biens culturels qui restaient encore dans les églises en service.
Dans les années 2000, 50 à 100 cas de perte de pièces étaient enregistrés chaque année. Et ce ne sont que des cas avérés. Généralement, cela résultait de l’absence de contrôle – les pièces sortaient souvent des musées avec la complicité des employés.
Il y avait également des vols traditionnels. Aussi, en 1999 le chômeur Dmitriy Roukavitsine, âgé de 29 ans, et ses complices ont volé des tableaux de Vassili Pérov au Musée Russe de Saint-Pétersbourg. Les tableaux se trouvaient au rez-de-chaussée où les voleurs se sont introduits en cassant les vitres. Aux demandes des gardes de rendre les biens volés, les voleurs ont répondu en ouvrant le feu, puis ils se sont enfuit.
Il y a également eu une multitude de petits vols. Aussi, cette année, le musée de Viazniki dans l’oblast de Vladimir a été cambriolé. En pleine nuit, les cambrioleurs ont volé des tableaux de Chichkine, Korovine et Joukovksi. L’alarme n’était pas activée, la gardienne a simplement oublié de l’allumer pour la nuit. Alors qu’à Biïsk (kraï de l'Altaï), une femme a dérobé une fiole contentant… des embryons de jumeaux siamois. La femme a été arrêtée.
La liste pourrait être poursuivie, la douane n’a vu ni les tableaux de Chichkine, ni la fiole avec les jumeaux siamois.
Nous avons interrogé Ilya Wolf, directeur général de Fineartway, une société spécialisée en transport d’œuvres d’art. Il estime que s’il s’agit d’arrêter les œuvres en douane, alors il faut parler d’équipements techniques pour les douanes : « Quels niveaux de contrôle devons-nous passer en douane ? Le contrôle radiologique. Si l’on prend cette option, toutes les œuvres peuvent être équipées de micro-isotopes. Par ailleurs, nous sommes soumis au contrôle olfactif : les chiens cherchent des drogues ou des explosifs. Théoriquement, on peut imaginer que les œuvres sont aspergées de substances spéciales. Je doute très fort que les malfaiteurs ne trouvent pas comment les œuvres d’art sont marquées. Alors ils pourront éviter les douanes, c’est le principe même de la contrebande. Les frontières avec la Biélorussie, le Kazakhstan et même avec l’Ukraine ont pas mal de « trous »… Aussi, il faudrait équiper les douanes de tous ces pays également ».
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