Ivan, fils d’Amir. Réalisation de Maxime Panfilov. Source : kinopoisk.ru
S’il s’agit d’un film de guerre, comme Circles (Krugovi) du réalisateur serbe Srdan Golubovic, alors la guerre opposera forcément des Musulmans et des Chrétiens et il y aura automatiquement des tentatives de trouver un compromis à la fin. S’il parle d’amour, comme le travail du réalisateur russe Maxime Panfilov Ivan, fils d’Amir, cela traitera obligatoirement de l’amour d’une femme russe pour un paysan ouzbek ou d’un jeune homme russe pour une jeune Bouriate, comme également dans le film russe du réalisateur Baïr Dychenov Un chasseur, premier amour. Ici sont d’ailleurs enfreintes les limites formelles du festival, car, comme chacun sait, les Bouriates pratiquent le bouddhisme. Si l’on se tourne vers le film documentaire Rudolf Noureev, le démon rebelle (scénario et réalisation de Tatiana Malova) sur le célèbre danseur homosexuel, alors il n’est plus possible de parler du respect d’un quelconque concept.
Rudolf Noureev, le démon rebelle. Scénario et réalisation de Tatiana Malova. Source : kinopoisk.ru
Les organisateurs ne cachent pas le fait que le festival ne s’est pas avéré du tout aussi musulman qu’il l’était pendant les premières années de son existence. Il s’appelait alors encore Le Minbar d’Or (dans les mosquées, le minbar est le lieu surélevé d’où les prédicateurs s’adressent aux croyants). D’après la directrice artistique du festival Albina Nafigova, il ne faut pas considérer le festival comme une démonstration de films religieux. L’islam y a un rôle modeste « d’entité culturelle », et rien de plus. Toute l’attention est portée sur le problème des interactions entre différentes cultures et civilisations, ce qui correspond parfaitement à l’idéologie du festival, exprimée dans son credo : « Du dialogue des cultures vers une culture du dialogue ».
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Les directeurs de quatre festivals internationaux de films viendront observer ce dialogue à Kazan. Le directeur du Festival des sept rivières, l’Italien Emilio de Lachiese, le directeur du festival international de films documentaires Aljazeera, Abbas Arnaout, l’expert cinématographique serbe Miroljub Vuckovic, qui a dirigé les programmes du festival de Belgrade de 1997 à 2010, et le directeur du festival international du film oriental de Genève Tahar Houchi. Parmi les hôtes russes du festival sont attendus Vladimir Menchov, qui présente le film Courrier, Alexandre Pankratov-Tchiorny, ainsi que Dmitri Dioujev, qui occupait le premier rôle dans le film Ivan, fils d’Amira.
Vingt films de fiction et vingt films documentaires (dix longs métrages et dix courts métrages dans chaque catégorie) seront soumis au jury, qui est présidé par le directeur du groupe cinématographique Mosfilm, Karen Chakhnazarov. Dix films d’animation seront aussi départagés, dans la catégorie « L’âge tendre ». Le programme non officiel est composé de soixante films. Les experts recommandent déjà de prêter attention aux films inclus dans le programme hors-concours « Une fenêtre sur l’Europe ». Des films français et hongrois y seront présentés. Sont aussi intéressantes la section « Après l’URSS » (ce sont des films des pays de l’ancienne Union soviétique), « Dès la première prise » (ici sont présentés les débuts de jeunes réalisateurs russes), « Cinéma indien » et les rétrospectives des films de Chakhnazarov lui-même.
Ivan, fils d’Amir. Réalisation de Maxime Panfilov. Source : kinopoisk.ru
En 2010, le festival a perdu son nom, Le Minbar d’Or, à cause d’un conflit entre le ministère de la Culture du Tatarstan et la direction moscovite du festival. A l’automne 2011, c’est un vrai scandale qui a agité le festival, lorsque le grand prix a été remis à l’actrice allemande d’origine turque Sibel Kekilli, qui par le passé était une star du porno allemand. Certaines personnes au Tatarstan y ont vu une tentative de décrédibiliser les leaders de la direction spirituelle des musulmans du Tatarstan. Ces derniers n’avaient pourtant aucun rapport avec la sélection du concours. Pour les croyants du Tatarstan, à ce moment-là le festival a perdu son sens en tant que festival musulman avec un accent sur le mot « musulman ».
D’après le président du Conseil des oulémas de l’association d’entente islamique de Russie, qui est aussi directeur du Centre d’étude du Coran et de la Sunna de Kazan, Farid Salman, le KMFMK doit être considéré définitivement comme un événement totalement laïc, bien qu’il contienne un petit élément islamique : « Personnellement, j’ai toujours eu du mal à définir ce qu’est la cinématographie islamique. D’un côté, d’après la vision islamique du monde, les Musulmans ne doivent pas séparer le monde en une partie laïque et une partie religieuse – dans l’islam, tout est un. C’est pourquoi si un film est réalisé dans un pays musulman, alors il doit être considéré comme musulman. D’un autre côté, je ne peux pas qualifier de musulman un festival où sont montrés des films qui ne correspondent pas à la morale et à l’éthique qu’enseigne l’islam, même s’ils ont été réalisés dans un pays musulman. De tels films figurent dans le programme du 9e festival international, c’est pourquoi je ne peux l’appeler musulman. C’est un événement totalement laïc ».
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