Dieu bénisse les tout-terrain !

Les véhicules traversent le terrain couvert de neige et les tertres enneigés plus grands que la taille moyenne d’un coureur. Crédit : Artem Zagorodnov

Les véhicules traversent le terrain couvert de neige et les tertres enneigés plus grands que la taille moyenne d’un coureur. Crédit : Artem Zagorodnov

Jour 2, le 24 février. Cette année, une équipe de prêtres de l’Église orthodoxe russe a rejoint la course. Avant que le rallye ne commence, un prêtre a lu une sombre prière avant de bénir chacune des voitures avec de l’eau bénite.

La journée commence dans le noir. Après un petit déjeuner à sept heures du matin à l’hôtel, nous (les journalistes en minibus et les coureurs dans leur voiture respective) nous rassemblons autour du phare qui surplombe le port de Mourmansk et plus loin l’océan Arctique. C’est là que chaque année l’Expedition Trophy part pour rejoindre un phare à Vladivostok situé à exactement 16.000 kilomètres.

Cette année, nous avons été rejoints par un groupe de prêtres de l’Église orthodoxe russe. Avant que la course ne commence, un prêtre a lu une sombre prière avant de bénir chacune des voitures avec de l’eau bénite. Des feux d’artifice ont marqué le début de la course et les tout-terrain ont descendu un par un une première pente vers le premier défi non loin de la ville.

Pendant ce temps, Natalia, membre du personnel médical, anciennement employée au ministère des Situations d’urgence en Russie, et sauteuse en parachute professionnelle a décidé que je n’étais pas du tout assez couvert pour affronter le blizzard qui nous entourait (sans parler de la température en dessous de zéro) et m’a enveloppé dans un parka récupéré d’une précédente édition.

Elle a accompagné en tant que médecin toutes les expéditions sauf deux depuis leur lancement en 2005. J’ai découvert qu’elle n’avait jamais dû traiter de blessure grave lors de toutes ces courses (oui, je lui ai demandé) ce qui était plutôt rassurant.

Les rivaux se transforment parfois en bons samaritains.

Les équipes sont cependant obligées d’assister n'importe quelle personne bloquée, blessée ou ayant perdu le contrôle de son véhicule, peu importe les retards. C’est là qu’on a le plus besoin d’elle, explique Natalia.

Une heure après notre début prometteur, nous étions au bord d’une falaise surplombant une petite vallée. C’était le premier parcours difficile à accomplir pour les équipes.

Les véhicules se sont alignés pour traverser le terrain couvert de neige et les tertres enneigés plus grands que la taille moyenne d’un coureur (chaque voiture a son propre parcours à faire) ; les quinze itinéraires étaient séparés l’un de l’autre par un marquage orange.

Les stratégies varient selon les équipes. Certaines forment des groupes de personnes avec des pelles et des tronçonneuses qui déblayent pour faciliter la route sur les plus hauts tertres. D’autres se lancent dans une course folle à pleine vitesse pour finalement être bloqués dans les tas de neige après quoi tout l’équipage sort pour dégager la voiture. D’autres encore manœuvrent avec prudence et disposent des sortes de tapis plastique pour les passages les plus compliqués.

Une dizaine d’équipes environ sont arrivées à la fin du parcours dans les 90 minutes prévues après une dernière embardée sur le monceau de neige géant à la fin. Les autres ont été déclassées et ont perdu des points.

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Au milieu de tout cela, un des organisateurs m’a dit que je roulerai les quelques jours suivants avec l’équipe Trust représentant la banque du même nom.

La banque Trust est célèbre sur le plan national et international pour avoir fait jouer Bruce Willis dans sa campagne publicitaire. La photo de l’acteur sur des panneaux d’affichage est accompagnée d’une phrase accrocheuse « La Trust c’est moi, mais en banque ».

La banque n’a jamais divulgué ce qu’elle avait dépensé pour l’acteur de Die Hard, mais elle veut clairement se donner une image d’homme fort. 

C’est la quatrième fois que Trust participe à cette course.

Quelle est la rumeur du jour ? De nombreuses équipes ne sont pas vraiment heureuses de « pouponner » les membres de la presse. Le directeur du jury de toute la course a donné de sévères recommandations la nuit dernière à Mourmansk sur l’étiquette à avoir pendant la course avec une équipe.

Voici le marché : nous ne devons pas interférer de n’importe quelle façon que ce soit. Cela inclut donner des conseils qui ne nous sont pas demandés ; mettre nos musiques préférées à fond dans la voiture ; prendre un temps extrêmement long pendant les arrêts toilette ; ignorer les instructions ; ou toute autre chose qui a par le passé énervé les participants et qui, à ce qu’on dit, ont déjà abandonné un journaliste mécontent à une température de moins quarante au beau milieu de la Sibérie.

J’ai donc été soulagé quand je me suis présenté à mes nouveaux potes de la banque (c’est une course pour renforcer leur groupe) et qu’ils m’ont accueilli dans la voiture à bras ouverts avec un gros sandwich.

J’étais également heureux d’apprendre que l’un des membres de l’équipe est arrivé deuxième dans une compétition nationale de rallye parce qu’il sait garder la tête froide et déteste prendre des risques inutiles. Ce n’est pas une bande d’imprudents, je suis entre de bonnes mains.

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Je sais que, à part faire la course et peut-être promouvoir un style de vie orthodoxe, une de nos équipes (le groupe de prêtres) a une mission supplémentaire. Ils ont à leur bord une série d’icônes qu’ils exposeront à tous les croyants désireux le long de la route.

Aujourd’hui, j’ai aussi découvert que l’équipe Trust avait, elle aussi, une importante mission. Ils ont un drapeau qui autrefois flottait au-dessus d’un sous-marin soviétique pendant la deuxième guerre mondiale dans l’océan Arctique reçu du commandant adjoint de la flotte du Nord (basée à Mourmansk). Ils amènent cette pièce pour la présenter au directeur d’un musée à Vladivostok où le sous-marin S-56 est exposé.

Je dois digresser et faire part ici d’une brève histoire personnelle. Il y a environ un an, j’ai eu la chance de voyager jusqu’à Vladivostok pour la première fois. Complètement par hasard, j’ai eu une photo prise devant un sous-marin devant un musée local et elle a été publiée en ligne avec mon article.

Mon frère qui vit en Californie m’a écrit quelques jours plus tard pour me dire que c’était le sous-marin dans lequel a servi notre grand-père pendant la deuxième guerre mondiale (il a reçu vingt médailles pour son héroïsme).

Et aujourd’hui, je découvre que l’équipe que j’accompagne transporte le drapeau de ce sous-marin tout droit vers Vladivostok. Quelque chose semble toujours me ramener à cette histoire. J’en saurai sans aucun doute plus à Vladivostok !

Après avoir terminé le parcours spécial hors de Mourmansk, nous nous sommes dirigés vers le sud pour rejoindre un petit village en Carélie à la frontière avec la Finlande. Nous avons traversé des lacs gelés et des forêts sans fin. À un moment, nous nous sommes arrêtés à l’improviste pour nous prendre en photo devant le panneau marquant le cercle arctique.

Quand nous roulions, il arrivait que la radio passe des conversations de camionneurs. Il semble que notre convoi de tout terrain en intéresse plus d’uns?. Nous avons entendu des commentaires comme : « Ces fous roulent de Mourmansk à Vladivostok ! Nous, nous le faisons parce que nous le devons, pour l’argent, mais ces gars n’ont rien de mieux à faire. » Il arrive qu’un camionneur se rende compte que nous pouvons l’entendre et il nous souhaite alors bonne chance pour le voyage.

J’ai appris aujourd’hui que nous allions rouler sans faire d’arrêts (un membre de l’équipe dormira à l’arrière pendant que l’autre conduit) et j’aurai de la chance si je peux prendre une douche avant d’arriver au lac Baïkal en Sibérie. En fait, je pourrais bien ne pas prendre de douche avant deux autres semaines. Je commence tout doucement à me rendre compte de tout ce que je vais devoir endurer…

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