« Le jeu me passionne ». Voilà la première phrase du héros de cette splendide nouvelle écrite en 1833 par le plus grand auteur de la littérature russe, Alexandre Serguéïevitch Pouchkine.
L’histoire de la Dame de Pique est simple : Herman, jeune officier du génie à Saint-Pétersbourg, se rend à une soirée dédiée aux jeux de cartes. Au cours de la soirée, Tomski, l’un des participants, raconte l’histoire de sa grand-mère. Soixante ans plus tôt, ruinée après avoir excessivement perdu aux cartes, elle s’était vue confier par un mystérieux personnage, le comte de Saint-Germain, un secret permettant de jouer trois cartes d’affilée… toutes gagnantes.
Dès lors, Herman, fils d’un Allemand russifié ayant toujours refusé de céder à la tentation du jeu, va véritablement être obsédé jour et nuit par l’histoire de la grand-mère de Tomski, devenue une vieille comtesse.
Pour se rapprocher de la vieille comtesse et obtenir son secret, Herman feint de faire la cour à sa pupille, Lizaveta Ivanovna, jeune fille souffrant de solitude et à la recherche d’un moyen de s’évader de sa vie ennuyeuse au service de la comtesse.
Après plusieurs jours de cour à Lizaveta, Herman finit par avoir sa permission de lui rendre visite une nuit en s’introduisant discrètement dans la maison. Mais Herman, irrésistiblement attiré vers le secret du jeu de cartes, profite de cette occasion pour interroger la comtesse sur son secret avec un pistolet à la main…
La suite ? Un meurtre, un fou et… un clin d’œil !
Si je vous laisse le plaisir de découvrir (ou de redécouvrir) le dénouement de la nouvelle, il est néanmoins utile de souligner plusieurs thématiques importantes de l’œuvre.
C’est tout d’abord évidemment du jeu dont il est ici question. Les Russes ne jouent pas seulement avec les cartes, ils jouent aussi et surtout avec le destin. Herman se passionne pour le jeu car il peut lui permettre de bouleverser son destin, de changer le cours de choses. Le jeu devient une métaphore de la vie, soumise aux caprices du hasard.
Dans cette nouvelle, Pouchkine initie cette thématique du jeu qui va traverser la littérature russe du XIXe siècle, notamment avec Le Joueur deDostoïevski ou Les Joueurs de Gogol. Herman veut forcer le destin et sortir de sa condition qui ne lui permet pas de s’adonner à sa passion destructrice. Il se révolte contre le destin et commet ce que l’on pourrait considérer comme un crime d’hybris contre les dieux du hasard, qui ne manquent pas de le punir sévèrement.
Mais Pouchkine donne également à voir le Saint-Pétersbourg mythique, où les fantômes, les esprits et les légendes foisonnent pour envelopper la ville dans l’atmosphère mystérieuse qui la caractérise.
Ces passions dévorantes qui poussent les pétersbourgeois vers tous les extrêmes imaginables finissent presque logiquement par conduire à la folie. Celle-ci semble frapper ceux qui refusent d’accepter leur condition en voulant s’élever par tous les moyens à une position qui n’est la leur.
La véritable force de Pouchkine est certainement à chercher dans l’ironie très subtile que le poète utilise, aussi bien dans ses œuvres en vers qu’en prose. Et cette ironie apparaît comme un clin d’œil plein de malice au tragique destin humain.
Il existe de très nombreuses éditions françaises de La Dame de pique, mais vous pouvez notamment lire l’édition La Dame de pique, et Les récits de feu Ivan Petrovitch Belkine de Pouchkine, livres de Poche Classiques (1999) avec une introduction très intéressante de Jean-Louis Backès.
Pour les russophones, toutes les œuvres de Pouchkine se trouvent sur le site Lib.ru.
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