Ruée sur l'Internet pour le nouvel album de Zemfira

Les critiques russes qui suivent Zemfira depuis le début de sa carrière, aiment son nouvel album.  Crédit : Evgueni Feldman/RIA Novosti

Les critiques russes qui suivent Zemfira depuis le début de sa carrière, aiment son nouvel album. Crédit : Evgueni Feldman/RIA Novosti

Reine du rock russe, Zemfira bat tous les records. 12 heures avoir été mis en ligne, son nouvel album a été écouté plus d’un million de fois. Normal, l'écoute en streaming est gratuite...

La vedette du rock russe, Zemfira, était extrêmement importante pour la musique locale durant toutes les années 2000. Au début de la dernière décennie ses chansons sérieuses, désespérées et passionnantes furent diffusées par toutes les grandes radios russes et écoutées partout dans le pays. Ses concerts attiraient des dizaines de milliers de gens, elle était la tête d’affiche de tous les festivals de rock auxquels elle choisissait de participer. Mais à la fin de la décennie, la rockeuse est devenue presque invisible : son dernier album, Spassibo (« Merci »), sort en 2007, et les concerts, tout comme les interviews, sont devenus rares.

Et du coup, son nouvel album voit le jour, Jit v tvoeï golove (« Vivre dans ta tête »). Sa sortie a marqué le début d’une grande tournée de la rockeuse : les ventes ont débuté durant un concert dans la ville de Tomsk (Sibérie). En fait, une grande partie du tirage sera en tournée avec Zemfira : les CD seront vendus aux fans dans les salles de concert. En plus, les titres du nouvel album seront disponibles à l’achat sur le site du label, Navigator Records, et sur iTunes qui vient d’être lancé en Russie.

Les célèbres critiques russes qui suivent Zemfira depuis le début de sa carrière, aiment son nouvel album. « Il est important de comprendre que Jit v tvoeï golove n’est pas un album typique, créé sur un contrat; théoriquement, il aurait pu ne pas voir le jour. L’album ressemble plutôt à une conversation qui est déjà si nécessaire qu’il n’est plus possible de se taire », écrit le rédacteur en chef du journal Afisha, équivalent russe très populaire du Time Out.

« Cette personne a gardé le silence pendant cinq ans et a enregistré durant ce temps dix chansons, et quelles qu’elles soient, personne n’aurait su les interpréter mieux qu’elle. Ceci doit être simplement tenu pour acquis », dit Alexeï Krijevski de Gazeta.ru. Les pistes sombres et tristes consacrées à l’humilité, à l’amour et à la mort, ont fait un carton sur les réseaux sociaux. Durant les 12 premières heures qui ont suivi à sa publication sur Yandex.Music (service de streaming de musique du moteur de recherche russe Yandex), l’album a été écouté plus d’un million de fois.

Cependant, le modèle de promotion de l’album semble un peu bizarre : au début, il est mis en ligne gratuitement sur un service de streaming, puis devient disponible à l’achat sur le site du label, tandis que les CD ne représentent que des souvenirs pour des fans passionnés venus aux concerts (dans le cas de Zemfira, il s’agit principalement de jeunes filles).

Beaucoup de musiciens russes et étrangers livraient leurs albums en téléchargement gratuit. Mais quant à cette longue diffusion de Zemfira par Yandex.Music, ce n’est pas exactement le même cas. Pour son service de streaming de musique, Yandex a utilisé le même modèle commercial que le célèbre Spotify : l’utilisateur peut ne rien payer pour écouter légalement la musique, mais doit acquérir un abonnement pour accéder à certaines fonctions. Ainsi, Yandex.Music vend des applications payantes pour téléphones mobiles qui permettent de télécharger des pistes pour les écouter hors ligne.

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Yandex.Music possède au total près de cinq millions de morceaux de grands labels et il est intégré avec le système de recommandation de musique de Last.fm. Cependant, bien que les morceaux disponibles sur le service russe aient déjà été écoutés des milliards de fois, le service n’est pas encore devenu rentable, car il n’y pas beaucoup de publicité sur le site, mais la notion de rentabilité est toute particulière pour des moteurs de recherche.

Pour l’instant, Yandex.Music n’est disponible qu’en Russie, en Ukraine, en Biélorussie et au Kazakhstan, conformément aux termes de la licence – mais la majorité des fans de Zemfira viennent de ces pays. Et il est à noter que le catalogue de Yandex comprend non seulement de la musique russe – le service a signé des contrats avec tous les grands acteurs et entre peu à peu en relation avec des petits labels, en augmentant ainsi sa collection.

Tout cela montre clairement le modèle commercial pour l’industrie musicale qui s’est d’abord développée en Russie avant de devenir populaire dans le monde entier. À la fin du XXème siècle, presque toute la musique était piratée, d’abord en forme physique (cassettes, CD), puis en tant que fichiers publiés sur des sites pirates, payants ou gratuits. C’est pourquoi la sortie d’un album n’était du tout rentable pour les artistes : l’album était en tout cas piraté, et donc personne ne comptait vendre beaucoup de disques légalement. Toutefois, l’album pouvait être utilisé pour promouvoir la tournée, la principale source des revenus de tous les musiciens russes.

Au milieu des années 2000, les ventes des CD ont chuté partout dans le monde, et ce modèle commercial se basant sur des concerts est devenu typique pour la plupart des musiciens russes et étrangers. La sortie d’un disque ne représente plus qu’une occasion pour promouvoir une tournée. Et les ventes en ligne ne changent que partiellement cette situation.

En Russie, les ventes en ligne de musique continuent de diminuer, toutes les plateformes étant obligées de faire face à un concurrent pirate énorme : le réseau social russe Vkontakte. Les serveurs de Vkontakte hébergent des millions de chansons pour tous les goûts.

Et le paradoxe est que l’administration du réseau est prête à supprimer toute piste à la demande de l’ayant-droit, mais, comme le dit le fondateur Pavel Dourov, cela arrive très rarement. « Les rares artistes qui insistent sur l’élimination de leurs chansons, ne peuvent pas se vanter d’être classés parmi les musiciens les plus vendus sur iTunes », a déclaré M.Dourov dans une interview accordée au journal Vedomosti.

C’est pour ces raisons, estime-t-il, que de plus en plus de musiciens mettent leurs pistes gratuitement sur Vkontakte : peu importe pour le public si la musique est piratée ou pas, l’essentiel, c’est qu’elle soit gratuite. Les musiciens, quant à eux, ont abandonné l’idée de gagner de l’argent en vendant leurs chansons – les concerts, c’est ce qui est important pour eux. Et en ce qui concerne Zemfira, on est persuadé qu’elle fera salle comble dans toutes les villes qu’elle visitera.

Article basé sur Izvestia et Bolchoï Gorod.

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