Le voyage en Europe qui a changé la vie d'un Tsar

"Pierre le Grand au chantier naval de Deptford", Daniel Maclise. Source : wikipedia.org

"Pierre le Grand au chantier naval de Deptford", Daniel Maclise. Source : wikipedia.org

Bien que Nicolas II ait été le premier Tsar russe à voyager en Sibérie et en Extrême-Orient, l'inspiration de voyages éducatifs pour les héritiers au trône vient du voyage légendaire en Europe de Pierre le Grand, entre 1697 et 1698.

Pierre le Grand était un autocrate qui aimait diriger par l'exemple. Il voyait ses voyages en Europe comme un parcours vers la connaissance qui aurait potentiellement un impact positif sur la population russe.

Depuis son jeune âge, Pierre était fasciné par la construction navale et la voile et il a toujours eu l'ambition de faire de la Russie une grande puissance maritime. Quand Pierre est devenu le seul dirigeant russe en 1696, l'Empire russe n'avait accès qu'à un port en mer du Nord, Arkhangelsk.

A l'époque, la mer Baltique était contrôlée par la Suède et les mers Noire et Caspienne, respectivement contrôlées par l'Empire Ottoman et la dynastie Safavid, un ancien État perse. Après avoir conquis la forteresse d'Azov aux ottomans en juillet 1696, Pierre était déterminé à élargir son accès à la mer Noire. Mais il savait que la Russie ne pourrait affronter l'Empire Ottoman seule.

Le premier Tsar à voyager à l'étranger

Par conséquent, Pierre en est arrivé à l'idée d'une Grande Ambassade, une mission diplomatique ayant pour but de trouver des soutiens contre l'Empire Ottoman. Ce voyage particulier cherchait à renforcer la Sainte-Ligue, une union des empires chrétiens que le Pape Innocent XI avait formé en 1684.

La Russie a rejoint cette alliance en 1686. Pierre cherchait également à utiliser ce voyage pour acquérir des connaissances et des technologies ainsi que pour recruter des spécialistes étrangers au service de la Russie.

En 1697, Pierre prend la route avec un entourage composé de 250 personnes pour un voyage de 18 mois. Officiellement, « l'Ambassade » était dirigée par trois de ses plus proches conseillers et Pierre a utilisé un nom d'emprunt, Piotr Makhailkov, pour la durée du voyage afin de rester anonyme.

Bien que Pierre ait été le premier Tsar à voyager à l'étranger, il était facilement reconnaissable par sa taille : il mesurait plus de deux mètres de haut. Les sources de l'époque rapportent que peu de leaders européens ont été trompés par le déguisement.

La première étape du voyage fut considérée comme un échec. Il s'est entretenu avec les rois de France et d'Autriche. La France affichait un soutien indéfectible au sultan ottoman et l'Autriche était plus préoccupée par la tranquillité de ses frontières Est, afin de pouvoir poursuivre leurs objectifs à l'Ouest. Les européens se sont pour la plupart montrés peu intéressés par les velléités de Pierre.

De là, Pierre a voyagé aux Pays-Bas, où il est devenu apprenti d'un constructeur naval à Zaandam (la maison où il a séjourné est aujourd'hui un musée). Pour le Tsar, l'apprentissage des technologies navales était un aspect crucial pour son objectif de créer un marine moderne et les bâtiments hollandais étaient considérés comme parmi les meilleurs du monde à l'époque.

La maison où a séjourné Pierre appartenait à Gerrit Kist, un forgeron hollandais qui avait travaillé un temps à Moscou pour le Tsar et avec qui il était resté en très bons termes.

Visite aux pays-Bas

La visite de Pierre aux Pays-Bas est celle qui l'a le plus marqué parmi tous les pays qu'il a visité. Il n'y a pas seulement acquis des connaissances technologiques mais a aussi appris le mode de vie européen.

Une des technologies notable que Pierre y a découvert, surtout en considérant la récurrence des incendies à Moscou au XVIIe siècle,  est le tuyau d'incendie qu'il tenait de son inventeur, Jan van der Heyden.

Après quoi il est allé à Amsterdam, et grâce à l'aide du maire, Nicolas Witsen (un expert en construction navale), Pierre a pu mettre en pratique ce qu'il avait appris à Zaandam en allant travailler dans la plus grande usine de construction navale du monde. Il a passé quatre mois à quai, dans cette propriété de la Compagnie Hollandaise des Indes de l'Est.

En plus d'acquérir un savoir maritime complet, Pierre a aussi fait travailler des travailleurs hautement qualifiés, des marins et des serruriers de renom. Mais le plus important est sans doute d'avoir attiré Cornelis Cruys, un officiel haut gradé de la Marine hollandaise, à venir en Russie où il a été nommé Vice-Amiral de la Marine russe et est devenu le conseiller le plus influent du Tsar pour les affaires maritimes durant des décennies.

Depuis la Hollande, Pierre a voyagé en Angleterre, où il a rencontré le roi Guillaume III et visité les villes d'Oxford et de Manchester, où il a appris sur l'organisation des villes : connaissances qu'il met en pratique plusieurs années plus tard quand il fonde Saint-Pétersbourg.

Puis, l'équipe de voyage s'est arrêtée à Leipzig, Dresde et Vienne, et a rencontré Auguste II, roi de Pologne et Grand Duc de Lituanie ainsi que Léopold I, empereur du Saint-Empire Romain Germanique et adversaire régulier de l'Empire Ottoman.

La Rébellion

Pierre a été contraint de rentrer précipitamment en Russie en 1698 face à la rébellion de Streltsy : Unité de Garde de l'Armée russe. Mais le soulèvement a été réprimé avant le retour de Pierre d'Angleterre.

Pierre était facilement influençable durant son « Ambassade » et est revenu convaincu que certaines coutumes européennes étaient supérieures aux russes. Pierre a annoncé à son retour que les nobles devaient couper leurs barbes (ou payer un impôt) et porter de vêtements européens. Le calendrier a été changé pour s'aligner plus facilement avec le reste de l'Europe.

La suite du règne de Pierre, jusqu'à sa mort en 1725 a été marquée par plusieurs succès militaires sur la Suède, qui ont amené la Russie à obtenir le statut de puissance suprême en Europe du Nord-Est.

Alors que des troupes russes s'engageaient contre les forces ottomanes à plusieurs reprises, aucune conquête significative n'a eu lieu. Saint-Pétersbourg a été fondée en 1703 et le pays a commencé à regarder à l'Ouest.

Une des premières choses que Pierre a faite à son retour a été de divorcer de sa femme Eudoxie Lopoukhina. Pour Pierre le Grand, il s'agissait de « faire place au neuf » après un voyage qui avait changé sa vie.

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