La triple sauteuse russe Ekaterina Koneva participe à la Coupe de Russie d'athlétisme à Joukovski, près de Moscou, le 20 juillet 2016.
APMalgré les attentes les plus pessimistes de l’opinion russe, le Comité international olympique a décidé dimanche 24 juillet d’autoriser la Russie à participer aux Jeux olympiques au Brésil. Après que le Tribunal arbitral du sport (TAS) à Lausanne eut rejeté l’appel du Comité national olympique (CNO) et des athlètes russes qui contestaient leur suspension (les écartant de fait des JO), certains fondaient encore sur le CIO des espoirs, quoique maigres : en effet, il avait déclaré à plusieurs reprises qu’il se guiderait sur la décision de la justice.
« Nous sommes en présence d’un dangereux précédent et désormais, le monde sportif va vivre selon de nouvelles règles », avait alors indiqué le CNO de Russie. Le ministre russe des Sports, Vitali Moutko, réalisait de son côté des commentaires fulminants concernant le TAS et son président. Le président d’honneur du CNO, Leonid Tiagatchov, avait quant à lui rejeté la responsabilité sur Vitali Moutko et le président en exercice du CNO, Alexandre Joukov, tandis que les sportifs parlaient d’un « complot politique » de l’Occident et des « funérailles du sport ».
Tout le monde se préparait au pire, mais il n’est pas arrivé. « On y va ! » : cette courte phrase a été prononcée par Alexandre Joukov avant même la déclaration officielle du CIO.
Au final, le sport russe n’a pas été puni trop sévèrement. Le Comité exécutif du CIO a refusé presque à l’unanimité d’exclure l’ensemble de la sélection russe des JO de Rio. Mais à une condition : seuls les sportifs « propres » n’ayant jamais été impliqués dans des scandales de dopage pourront y participer. Et la liste de ces sportifs sera dressée par les fédérations internationales ces prochains jours.Compromis
Il faut dire que les attentes n’étaient pas radieuses. Presque personne ne croyait à un heureux dénouement suite à l’un des plus grands scandales de dopage de l’histoire du sport, qui passait chaque mois à la vitesse supérieure. Tout a débuté en décembre 2014, quand la chaîne de télévision allemande ARD a diffusé un documentaire sur le dopage dans le sport russe. L’Agence mondiale antidopage (AMA) a entamé une enquête qui a débouché sur l’exclusion de la sélection russe d’athlétisme à la veille des JO de Rio et sur l’annulation de la licence de l’Agence russe de lutte contre le dopage. La Russie a dû payer pour le contrôle antidopage dans le pays 32 000 livres sterling (plus de 38 000 euros) par mois à l’agence britannique antidopage (UKADA).
L’histoire de dopage s’est propagée à la sélection nationale de football, qui venait de quitter honteusement l’Euro 2016, ainsi qu’à l’équipe paralympique. Le jour où le CIO devait se prononcer sur le sort de la Russie aux JO, les journaux britanniques ont publié des informations qualifiées de confidentielles. Ainsi, le Times a évoqué des résultats positifs à la suite d’un contrôle supplémentaire des échantillons de sportifs russes ayant participé aux JO de 2008 et de 2012. Le Daily Mail a supposé que le CIO pourrait priver les sportifs russes de participation non seulement aux Jeux de Rio, mais également à ceux de Pyeongchang en 2018. Dans le même temps, les médias russes ont annoncé que la sélection russe de gymnastique s’était vu refuser l’installation au village olympique à Rio. Il s’est avéré ensuite que les sportifs étaient arrivés trop tôt.
Bref, tout le monde était chauffé à blanc. La décision du CIO a été accueillie comme un retour, quoique partiel, à la justice : c’est un compromis sans sévérité excessive. « La décision du CIO est optimale pour nous. <…> Ça aurait pu être mieux, mais ce débriefing doit être fait en nous-mêmes », a déclaré Chamil Tarpichtchev, membre du CIO représentant la Russie.
Le ministère russe des Sports est reconnaissant au CIO pour sa décision, a déclaré Vitali Moutko. « Les critères formulés pour l’équipe nationale sont très sévères. Mais 80% des sportifs y sont conformes », a ajouté le ministre.
« Traînés dans la boue »
Les leaders des partis russes représentés au parlement ont été bien plus critiques envers le CIO. « Ce sont de gros ennuis, repoussants et désagréables, mais la décision (du CIO) n’est pas la plus moche », a dit au service médiatique Life le leader du PC russe, Guennadi Ziouganov.
Pour Vladimir Jirinovski, président du Parti libéral-démocrate, la décision sur la participation (des sportifs) sera prise au dernier moment et « on sera en retard à l’inscription, on aura des problèmes d’installation et de nourriture. On sera malmenés jusqu’au bout afin de réduire le nombre de nos médailles… L’aspect moral à l’échelle planétaire est que la Russie est traînée dans la boue ».
« Le voici, le triomphe du sport russe. Diffamés et diabolisés, certains de nos sportifs sont autorisés à aller à Rio. Vraiment une chance », a ironisé sur Twitter Sergueï Dorenko, rédacteur en chef de la radio Ici Moscou.
« Toutefois, personne n’a oublié que la disqualification des athlètes reste en vigueur (l'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) ayant porté plainte devant la justice) ».
La question des dessous politique de ce scandale de dopage n’est pas levée non plus. Les partisans de cette version restent très nombreux en Russie. Le CIO n’a fait que « passer la main » aux fédérations en raison de pressions politiques, a indiqué le député Pavel Kracheninnikov. « C’est un complot purement politique. Tous les arguments sont dirigés contre la Fédération russe d’athlétisme, rien de concret contre les sportifs, ça a été commandé », a affirmé Elena Issinbayeva, double championne olympique du saut à la perche, pour qui les JO de Rio devaient être les derniers.
Toutefois, l’idée selon laquelle ce scandale n’est qu’un complot monté de toutes pièces ne fait pas l’unanimité. « L’AMA ne se permettrait pas de formuler de telles accusations si elles étaient creuses », a écrit sur Twitter Evgueni Kafelnikov, champion olympique et vice-président de la Fédération de tennis de Russie.
La Russie sera désormais confrontée à une restructuration intégrale du système antidopage. C’est ce qu’a promis le Comité national à la réunion du CIO. « Mais en commun avec le CIO et l’AMA, a fait remarquer Vitali Moutko. Le dopage, c’est un problème mondial ».
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