Captain Russia : Roman Shirokov, l’enfant terrible du football russe

Moscou, Russie, 14 juin 2015. Le Russe Roman Shirokov tape des mains après l'échec de l'équipe russe dans le match contre Autriche lors du match de qualification (Groupe G) de l'Euro 2016.

Moscou, Russie, 14 juin 2015. Le Russe Roman Shirokov tape des mains après l'échec de l'équipe russe dans le match contre Autriche lors du match de qualification (Groupe G) de l'Euro 2016.

Valery Sharifulin/TASS
Il peut dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. A 34 ans, c’est le visage du football russe. RBTH raconte pourquoi les spectateurs de l’Euro 2016 doivent suivre attentivement le jeu du numéro 15 de la sélection russe

Dans le football moderne, avec ses entraînements éreintants et l’accent mis sur l’athlétisme, 34 ans est l’âge limite qui signifie la fin de la carrière ou, dans le meilleur des cas, le départ pour la Chine, les Emirats arabes unis ou la ligue professionnelle américaine MLS pour gagner de l’argent. Mais Roman Shirokov n’est pas de ceux-là.

A 34 ans, il part jouer au Championnat d’Europe de football 2016 en qualité de capitaine de la sélection. Roman ne sera probablement pas joueur titulaire, mais son expérience et sa mentalité originale font de lui un joker sur le banc de touche de l’équipe de Leonid Sloutski.

A l’été 2015, M. Sloutski, qui cumule les fonctions d’entraîneur de la sélection et du CSKA, a accepté sans hésiter dans l’équipe Roman Shirokov qui était pourtant d’un « âge avancé » pour le football. « Je suis certain qu’il est capable de s’intégrer du jour au lendemain dans l’équipe du CSKA et de nous être utile », a-t-il alors déclaré. Bingo : le CSKA est devenue championne de Russie de la saison 2015/2016, en devançant, notamment, le Zénith Saint-Pétersbourg qui compte bien plus de joueurs phares.

Pistonné par Guus Hiddink

Roman Shirokov doit beaucoup à l’ex-entraîneur de l’équipe de Russie, Guus Hiddink. En effet, c’est l’entraîneur néerlandais qui avait décidé en 2007 de faire venir dans la sélection le joueur de 25 ans de Khimki, club moyen de Première Ligue.

Cette année-là, Roman n’eut pas l’occasion d’enfiler le maillot de la sélection, mais son passage dans cette dernière lui permit d’intégrer le Zénith Saint-Pétersbourg qui proposa à l’automne de la même année un contrat de quatre ans à ce joueur inconnu. C’est dans la « capitale du nord » russe que Roman devint une véritable star, rejoignant les rangs des meilleurs joueurs d’âge mûr.

Vertejeunesse

D’après Roman, c’est son addiction à l’alcool qui a empêché sa progression dans la jeunesse. « Je menais une vie dissolue quand j’étais jeune. Peut-être que c’était lié au divorce de mes parents. Je voyais régulièrement mon père, mais ce n’était plus une famille. Maman travaillait du matin au soir. Et, à un moment donné, ce fut le dérapage. Sans ces trois années de picole, je serais sans doute aujourd’hui un joueur phare », a confié Roman en 2008 au journal Rossiyskaya Gazeta.

L’échec fait partie de la réussite

Ce n’est du jour au lendemain que Roman Shirokov est devenu leader de la sélection. Il était loin de tenir le premier rôle à l’Euro 2008 qui fut un grand succès pour l’équipe russe. Dès le premier match, la Russie a perdu contre l’Espagne (sur un score de 1 à 4) et c’est Roman Shirokov qui dut endosser la responsabilité de l’échec. Pourtant, c’est Guus Hiddink qui l’avait placé comme arrière central, position inhabituelle pour lui.

« Shirokov n’est pas à la hauteur de la sélection », jeta alors, désabusé, le célèbre commentateur russe Viktor Goussev.

Toutefois, durant ses prestations ultérieures au sein de l’équipe nationale, Roman a prouvé le contraire. Les résultats de la Russie au Mondial 2014 au Brésil auraient sans doute été tout autres sans la blessure de Roman Shirokov, car c’est autour de lui que l’entraîneur de l’époque, Fabio Capello, centrait le jeu. Sans son joueur central principal, la sélection n’a pas pu sortir du groupe de sa poule.

Oser dire ses quatre vérités

Shirokov passe dans le monde du football russe pour celui qui va droit au but. Presque chacune de ses déclarations aux médias fait débat. Ses commentaires caustiques n’ont épargné ni arbitres, ni supporters, ni entraîneurs, ni experts du football, ni même les agronomes.

Ainsi, au printemps 2012, Roman n’a pas cherché à se retenir en évoquant la qualité de la pelouse du stade Pétrovski à Saint-Pétersbourg : « Comment jouer au foot dans ce potager ? Que l’agronome y vienne garder ses poules ou ses chèvres ».

Le milliardaire Souleïman Kerimov s’est lui aussi attiré les foudres de Roman après avoir versé des sommes importantes pour recruter au club daghestanais Anji plusieurs joueurs phares, y compris le Brésilien Roberto Carlos : « Cet argent aurait pu servir à construire un nouveau stade ou à aménager un nouveau terrain à Makhatchkala (le chef-lieu de la République du Daghestan, dans le Caucase, ndlr). On aurait pu inviter Carlos après, afin qu’il ait du plaisir à jouer ».

Roman Shirokov est tout aussi sévère envers ses supporters, surtout les amateurs d’engins pyrotechniques pendant les matchs. « J’en vois un qui se tient avec une torche. Je lui demande : « Pourquoi tu fais allumes une torche ? » Et il me répond : « Moi ? Quelle torche ? » Complètement débile ! ».

M. Shirokov passerait simplement pour un grincheux si ce n’était son autodérision légendaire. « Pourquoi je n’ai pas profité de l’occasion pour marquer un but ? Si j’avais les jambes un peu plus droites, je l’aurais fait », a-t-il dit à l’issue d’un match amical entre les sélections russe et uruguayenne en mai 2012.

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