La fête de Pâques vue de Russie et d'Occident

La cathédrale du Christ Sauveur à Moscou.

La cathédrale du Christ Sauveur à Moscou.

Reuters
Pâques est une date majeure, si ce n'est la plus importante, du calendrier orthodoxe. En Russie, croyants comme athées prennent donc volontiers part aux festivités, aussi diverses qu'elles soient : festin pour célébrer la fin du Carême, visite à l'église, décoration d’œufs, ou encore détour au cimetière, sans compter les innombrables animations et événements à travers le pays.

Pâques est la plus grande fête chrétienne en Russie. Ce jour-là, la messe nocturne accompagnant la procession religieuse rassemble même ceux qui ne pratiquent pas régulièrement et qui ne comprennent peut-être pas entièrement leur relation avec Dieu.

Pâques doit être fêté obligatoirement en Russie, car l’évènement n’est célébré de la sorte nulle part ailleurs, affirmait au XIXe siècle le grand écrivain Nicolas Gogol qui a vécu en France, en Allemagne, en Italie et dans d’autres pays européens.

Selon lui, les Russes sont particulièrement attachés à l’idée de surmonter la mort et toute la culture russe est essentiellement focalisée sur Pâques, contrairement à la culture occidentale qui se concentre sur les traditions de Noël.

Orthodoxes et catholiques: différences et points communs

Le pape François au Vatican. Crédit : ReutersLe pape François au Vatican. Crédit : Reuters

Dès le IVe siècle, l’Église fêtait Pâques le premier dimanche suivant la première pleine lune après l’équinoxe de printemps, soit le 21 mars. Or les orthodoxes calculent la date selon le calendrier julien, et les catholiques selon le calendrier grégorien. La difficulté réside dans le fait que la première lune après l’équinoxe tombe des jours différents. Néanmoins, dans un tiers des cas, la date coïncide pour les orthodoxes et les catholiques.

Quel que soit le jour, le pape et le patriarche de Moscou échangent des messages de félicitations. Chaque fois que la date coïncide, comme cette année, c’est une occasion de manifester des sentiments fraternels et tout le monde se souvient de l’unité chrétienne autour de l’Évangile. D’ailleurs, la majorité des protestants de Russie, exception faite pour les Luthériens, fêtent Pâques d’après le calendrier julien avec l’Église orthodoxe russe. Les Églises orthodoxes des États-Unis et de Grèce sont passées au calendrier grégorien, comme les catholiques, mais la date de Pâques est toujours calculée selon le calendrier julien. En Russie, l’Église s’en tient strictement au vieux calendrier julien, étant donné que le « nouveau » risque de provoquer le schisme et l’indignation des conservateurs.

Toutefois, la grande idée unificatrice de Pâques en Russie et en Occident est la foi en la résurrection de Jésus : tout le monde y croit (ou doit y croire), aussi bien orthodoxes que catholiques et protestants. Indépendamment du moyen de fêter Pâques, la résurrection reste le pivot de l’Évangile : si le Christ est ressuscité, ceux qui croient en lui ressusciteront également. Ce qui réjouit les chrétiens, mais dans chaque pays à sa façon.

Écouter la voix du peuple russe

Durant la Semaine sainte, les Russes préparent une sorte de brioche traditionnelle pascale, le koulitch, et colorient des œufs durs. Crédit : Konstantine Chalabov / RIA NovostiDurant la Semaine sainte, les Russes préparent une sorte de brioche traditionnelle pascale, le koulitch, et colorient des œufs durs. Crédit : Konstantine Chalabov / RIA Novosti

Pour les orthodoxes, Pâques est une fête très émotionnelle. À l’issue de durs offices dans la semaine précédant Pâques et du jeûne sévère de la Semaine sainte, le prêtre s’arrête à minuit, après la procession religieuse et les prières, devant les portes fermées de l’église. Ouvrant celles-ci, il ouvre symboliquement les portes du tombeau du Christ et annonce à tout le monde que Jésus est ressuscité.

Durant l’office, le prête et les fidèles se saluent de la manière suivante : l’un dit « Le Christ est ressuscité ! » tandis que l’autre répond « En vérité, Il est ressuscité ! ». L’effet est impressionnant : ces cris de joie résonnent dans la nuit et flottent au-dessus des maisons, de la terre et des arbres qui sont en règle générale encore nus. Le grand poète russe Alexandre Pouchkine écrivait qu’il aimait aller à l’église à Pâques pour écouter la voix du peuple russe.

Contexte : la Russie possède une belle tradition nationale, celle de préparer la paskha, un plat à base de fromage blanc épais, sucré et truffé d’épices et de fruits confits, qui prend la forme d’une pyramide pour symboliser le tombeau du Christ. Les ménagères rivalisent d’imagination pour décorer les œufs et en font cadeau à toute la famille et aux voisins. Les célèbres œufs de Fabergé étaient eux aussi offerts par le tsar Nicolas II à l’occasion de Pâques. Comme nombre de pays européens, la Russie connaît la tradition d’organiser des jeux à cette occasion, le plus populaire étant la « roulée ». Ce jeu consiste à faire rouler des œufs sur un plan incliné : tout œuf cassé est récupéré par le possesseur de l’œuf resté entier.

Roman Lounkine, docteur en philosophie, responsable du Centre d’études religieuses à l’Institut de l'Europe auprès de l’Académie russe des sciences.

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