L’héritage d’Eltsine continue de diviser la Russie

Le souvenir du « premier président » hante toujours le pays.

Le souvenir du « premier président » hante toujours le pays.

Peter Arkell / Global Look Press
L’année 2016 a été marquée par le 25e anniversaire de la naissance de l'homme de l’effondrement de l’URSS. La même année, le pays a célébré le 85e anniversaire de l’homme dont le nom symbolise souvent la disparition de la superpuissance – le premier président russe Boris Eltsine.

Pendant toute l’année, des événements ont été organisés en Russie pour célébrer l’anniversaire de la naissance de son premier président. Les Russes ont de nouveau eu l’occasion de se demander en quoi consistait l’héritage de Boris Elstine : les espoirs et aspirations associés à la naissance, en 1991, d’un nouveau pays, la Fédération de Russie, en tant que projet visant à rompre avec l’URSS, ou une expérience, tragique pour tant de gens, d’effondrement de la superpuissance et le désarroi des premières années post-soviétiques ?

Homme « décent »

Ceux qui entouraient Eltsine dans les années 1990 se souviennent de l’État que le jeune pouvoir russe comptait bâtir sur les ruines de l’URSS.

« L’action d’Eltsine visait à créer une Russie digne qui, sous les décombres de l’empire soviétique, se percevait comme un pays respectable et attractif au sein de la communauté internationale », a déclaré Gennady Bourboulis lors d’une table ronde sur Eltsine qu’il organisait au President Hotel à Moscou.

Stanislaw Chouchkievitch, ancien dirigeant biélorusse et signataire des accords de Belaveja mettant fin à l’URSS, offre également une vision positive du leader de la nouvelle Russie dans un entretien avec RBTH.

Crédit : Andreï Babushkine / TASSCrédit : Andreï Babushkine / TASS

Il a souligné qu’Eltsine était à ses yeux un « homme décent » qui « se comportait toujours très correctement ». Il estime qu’en signant les accords de Belaveja, Eltsine a permis d’éviter le scénario yougoslave – une guerre civile longue et sanglante – au sein d’un espace soviétique en plein effondrement.

Par ailleurs, les hauts dignitaires russes ont régulièrement usé de termes flatteurs concernant Eltsine. En 2015, le président Poutine a loué le caractère résolu d’Eltsine et, quatre ans auparavant, avait déclaré que l’ancien dirigeant avait sorti la Russie de l’impasse.

Les louanges concernant la personnalité et l’action d’Eltsine de la part de ceux qui ont joué un rôle dans la prise de décisions lorsque ce dernier était président contrastent avec l’avis de la plupart des Russes.

La majorité ne parvient pas à lui pardonner les difficultés de la première décennie post-soviétique. Selon les sondages, les Russes ont une vision de plus en plus négative du rôle d’Eltsine dans l’histoire récente.

Un Russe sur deux juge Eltsine responsable de la difficile situation financière dans laquelle le pays s’est retrouvé dans les années 1990 suite à l’effondrement de l’URSS. Eltsine est régulièrement associé à la guerre calamiteuse en Tchétchénie, à la crise financière de 1998, au chômage, à la chute de la production industrielle, à la corruption et au non-paiement des salaires.

« Débris de l’armée vaincue »

Si, pour la plupart des sondés, il est facile d’évaluer l’héritage d’Eltsine, c’est une chose beaucoup plus complexe pour ceux qui l’associent à la mission consistant à créer un nouvel État post-soviétique. Ces derniers se demandent comment les reformes soi-disant progressistes d’Eltsine ont pu donner naissance à la Russie actuelle de Vladimir Poutine, souvent accusé de chercher à restaurer l’Union soviétique, malgré les éloges qu’il émet envers Boris Eltsine.

« Il faut avoir le courage de dire que le cours a été inversé : depuis les années 2000 environ, nous revenons clairement en arrière », affirme Viktor Cheïnis, vieux routard de la politique russe et l’un des leaders du parti libéral Iabloko, autrefois influent. Il se qualifie, avec ses compagnons d’armes, de « débris d’une armée vaincue et défaite ».

À propos de l’économie, les « démocrates de la première vague », comme on appelle parfois les partisans des réformes entreprises par Eltsine, se demandent comment les transformations économiques « justes et raisonnables », selon l’économiste Dmitri Travine, ont pu conduire à la crise économique et à la stagnation actuelle.

Cependant, la plupart des Russes semblent assez étrangers à ces questions. Les succès et les victoires d’Eltsine tombent de plus en plus dans l’oubli en Russie. En dix ans, le nombre de personnes peinant à se souvenir des bons côtés de la présidence de Boris Eltsine est passé de 28% à 52%.

Réagissez à cet article en soumettant votre commentaire ci-dessous ou sur notre page Facebook

Lire aussi :

Retour en URSS : et si le putsch de 1991 avait réussi ?

Régime autoritaire post-soviétique cherche stabilité

Octobre rouge 1993 vu par la BBC

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies