Villes mono-industrielles : Norilsk, la ville la plus polluée de Russie

Maksim Blinov/RIA Novosti
RBTH poursuit sa série d’articles sur la vie des villes mono-industrielles russes, agglomérations où la quasi-totalité des habitants travaillent pour une seule grande entreprise. Comment vivent les résidents de l’une des villes à la fois les plus riches et les plus polluées de Russie - Norilsk ?

La ville de Norilsk se trouve au nord du territoire de Krasnoïarsk, près de l’océan Arctique. « La plus » est unhe expression qui revient souvent à propos de cette ville – la ville la plus septentrionale, la plus polluée de Russie, l’une des plus froides au monde.

Norilsk compte 170 000 habitants (les étrangers ne peuvent y entrer que sur invitation spéciale) qui, pour la plupart, travaillent pour l’une des entreprises les plus riches de Russie, Norilsk Nickel. La compagnie produit le plus grand nombre de métaux non ferreux au monde, mais en même temps, elle pollue dramatiquement la nature fragile de l’Arctique.

L’histoire de la ville

Le sud de la péninsule de Taïmyr est peuplé depuis des siècles (tant par des peuples autochtones du Nord que par les Russes), mais la ville de Norilsk n’entre dans l’histoire qu’à partir des années 1930, quand un camp du Goulag y voit le jour et quand commence la construction du complexe minier et métallurgique.

« On peut dire que ma famille fait partie des habitants autochtones de Norilsk », raconte Tatiana Lavrouchkina, employée de bibliothèque. « Mon grand-père bâtissait les premières maisons de la nouvelle ville : il était architecte, déporté ici de Leningrad, ce qui explique pourquoi notre centre-ville ressemble tant à la perspective Nevski ».

Le grand nombre de personnes originaires de la « capitale du Nord » parmi les habitants locaux dessina l’image culturelle de la ville : les locaux ont toujours été considérés comme éduqués, cultivés et progressistes. « A bien des égards, cette situation perdure aujourd’hui : la ville compte plusieurs universités, des théâtres et des musées, alors que le nombre de diplômés du supérieur est le plus élevé de Sibérie.

Denis Kozhevnikov / TASS
Maksim Blinov / RIA Novosti
Maksim Blinov / RIA Novosti
Alexandr Kryazhev / RIA Novosti
 
 

« Que du sable et de la fumée toxique autour de la ville »

Pourtant, la vie à Norilsk est essaimée de nombreux problèmes, le principal étant la situation écologique. Norilsk fait officiellement partie des dix villes les plus polluées du monde : l’extraction des métaux non-ferreux s’accompagne d’émissions toxiques massives qui, depuis des décennies, brûlent la toundra alentour sur des dizaines de kilomètres.

« Il ne reste simplement plus de nature », s’indigne Sergueï, frère-jumeau de Tatiana, employé de fonderie. « Autour de notre ville, la toundra a laissé place à des paysages lunaires depuis longtemps – rien n’y pousse, que du sable et de la fumée toxique. Heureusement que la ville est un peu à l’écart et les émissions ne viennent pas ici tous les jours, sinon il n’y aurait plus personne dans la ville ».

Les problèmes de la ville

Un autre problème important de Norilsk, c’est son isolement du monde alentour : les routes n’y mènent qu’aux villages les plus proches et, pour rejoindre les grandes villes, il n’y a que l’avion ou le bateau. Avec le climat rude du Nord et les ouragans, l’unique aéroport est souvent fermé et les habitants ne s’étonnent pas d’attendre leur vol pendant des jours, voire des semaines. La situation difficile dans les transports complique également les approvisionnements : à cause des ouragans, la ville se trouve régulièrement sans fruits ni légumes, ni viande fraîche.

« Nous ne sortons de Norilsk que pendant les vacances », regrette Maxime Krioukov, beau-fils de Tatiana. « C’est pour cela que ma femme et moi-même sommes partis étudier à Saint-Pétersbourg après l’école : nous voulions passer notre jeunesse dans une grande ville ».

Pourtant, après sept ans à Saint-Pétersbourg, Maxime et son épouse sont rentrés à Norilsk – aujourd’hui, ils travaillent tous les deux à Norilsk Nickel et élèvent une petite fille. Pourquoi ce choix ? « Principalement pour l’argent : on m’a proposé un bon poste qui nous permettra, d’ici quelques années, d’acheter un logement à Saint-Pétersbourg et y retourner ».

Source : ReutersSource : Reuters

« Cette ville attire à sa façon »

Maxime et sa famille ne sont pas les seuls jeunes à être venus travailler à Norilsk ces dernières années. Les salaires proposés par l’entreprise sont parmi les plus élevés du pays, poussant les jeunes de toute la Russie, mais aussi des pays voisins, à venir à Norilsk chercher les « salaires du Nord », qui faisaient la célébrité de la ville à l’époque soviétique.

Tous ne sont pourtant pas ravis par ces changements. « La ville a beaucoup vieilli dans les années 1990, quand les gens partaient massivement et les jeunes ne s’empressaient pas de s’installer ici. Mais Norilsk restait toujours la même – authentique, cultivée, celle que nous connaissions depuis notre enfance », précise Tatiana. « Puis sont arrivés des gens du Sud de la Russie, du Caucase, d’Asie centrale. La ville a beaucoup changé, nous avons désormais des quartiers à problèmes ».

Sergueï ne partage pourtant pas cet avis : « Norilsk a toujours été un lieu où les jeunes exploitaient l’Arctique et conquéraient le Nord rude. Peu importe d’où ils viennent si la ville continue à exister ».

Maxime est du même avis : « Certes, nous n’allons pas passer toute notre vie à Norilsk : le climat y est rude et l’environnement pollué », dit-il. « Mais quoi qu’on en dise, cette ville attire à sa façon : on voit bien les efforts et les vies que les gens y ont investis. Je pense que je suis prêt à y apporter ma contribution »

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