Nouvel échange de piques entre Kadyrov et l’opposition russe

Le président de la République tchétchène Ramzan Kadyrov à la veille de sa rencontre avec Vladimir Poutine au Kremlin de Moscou, le 10 décembre 2015.

Le président de la République tchétchène Ramzan Kadyrov à la veille de sa rencontre avec Vladimir Poutine au Kremlin de Moscou, le 10 décembre 2015.

Michael Klimentyev/RIA Novosti
Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a lui-même mis en ligne un rapport qui l’accuse d’avoir créé à l’intérieur de la Russie un avatar d’Etat régi par la charia, au mépris des lois nationale.

Le dirigeant Tchétchène Ramzan Kadyrov a lui-même mis en ligne sur le réseau social russe Vkontatke un rapport de l’opposition intitulé « Menace pour la sécurité nationale ».

La « menace » en question n’est autre que M. Kadyrov lui-même. Du moins, c’est l’opinion de l’auteur de ce rapport, l’opposant et vice-président du parti Parnas Ilia Iachine.

Le rapport décrit comment le président tchétchène aurait fondé à l’intérieur de la Russie un avatar d’Etat régi par la charia, n’obéissant pas aux lois du pays, avec ses propres structures de sécurité et sa politique étrangère indépendante du Kremlin.

Le rapport a été présenté à Moscou le 23 février, mais un incident technique a fait que le document a été mis en ligne la veille de sa présentation sur le site du Parnas. Ramzan Kadyrov l’a publié lui-même avec ses propres commentaires.

« Aujourd’hui, les auteurs s’apprêtent à présenter aux journalistes de Moscou un document de presse à sensation. Et nous le publions, afin que tous ceux qui le souhaitent puissent en prendre connaissance sans attendre la conférence de presse », a écrit M. Kadyrov, ajoutant qu’il ne contenait « rien de plus que des racontars ».

M. Iachine reconnaît que son rapport n’a « rien de sensationnel » et n’est qu’une « analyse du régime ». Il a achevé son intervention durant la conférence de presse en exigeant la démission du dirigeant tchétchène, « sans quoi nous aurons une troisième guerre de Tchétchénie ».

Le mois dernier, M. Kadyrov avait publié dans un journal russe un article dans lequel il appelait à être « sans pitié » avec l’opposition hors-système et les opposants à Poutine, les qualifiant de « chiens » et d’« ennemis du peuple ». Peu de temps après, il avait publié une vidéo dans laquelle le dirigeant du parti Parnas Mikhaïl Kassianov apparaissait dans le viseur d’un fusil.

Kadyrov entre en campagne

Pourquoi le leader tchétchène fait-il écho à ces conflits bruyants ? Manifestement, c’est le début de sa campagne électorale. Ses pleins pouvoirs expirent en avril de cette année, et le politicien a fait savoir qu’il ne s’accrocherait pas à son fauteuil : « D’autres temps sont arrivés, d’un point de vue économique et social. Nous avons des gens plus professionnels dans notre équipe ».

Cependant, son comportement indique le contraire, considère Mikhaïl Remizov, président de l’Institut de stratégie nationale. Il est bien plus avantageux d’avoir pour ennemis officiels des forces marginales et hors-système que les structures de force fédérales [avec lesquelles Ramzan Kadyrov est en conflit].

Le meeting contre les « ennemis de la Russie » grâce auquel M. Kadyrov a rassemblé des milliers de personnes après ses déclarations brutales à l’adresse de l’opposition a fait du bruit : les autorités tchétchènes y ont ajouté l’organisation d’un flash-mob « Kadyrov est un patriote russe » (contre la diffamation du dirigeant tchétchène), auquel non seulement des chanteurs et réalisateurs célèbres se sont joints, mais aussi des députés du parti au pouvoir Russie unie.

« Il se positionne comme l’un des piliers du régime, et le pouvoir fédéral lui offre le même soutien, directement ou indirectement. Cela réduit la marge de manœuvre des vrais opposants à Kadyrov au sein des élites fédérales », considère Mikhaïl Remizov.

Que contient le rapport de Iachine

Le rapport accuse Ramzan Kadyrov d’avoir de facto créé un régime de pouvoir personnel durant ses neuf ans au pouvoir dans la république. Le parlement, les tribunaux et les médias y sont sous son contrôle absolu, et la charia (loi islamique, ndlr) y prévaut sur les lois russes.

Le rapport démontre que M. Kadyrov dispose d’une armée privée de 30.000 hommes à ses ordres. Ces structures sont censées être soumises au gouvernement fédéral, mais ne sont en réalité loyales qu’au dirigeant de la république, et leur noyau est formé d’anciens insurgés amnistiés par Ramzan Kadyrov, affirme M. Iachine.

Selon l’auteur, Kadyrov est aussi lié à d’innombrables assassinats commandités. « Il a transformé la Tchétchénie en offshore du droit, où des criminels qui lui sont loyaux viennent échapper à la loi », témoigne dans le rapport Guennadi Goudkov, colonel de réserve au FSB et député de la Douma. Cependant, selon Iachine, des figures influentes du Kremlin se tiennent derrière lui.

Un rapport servant de publicité mutuelle

Aussi bien l’opposition que Ramzan Kadyrov se sont servis de ce rapport pour attirer l’attention sur eux, considèrent les personnes interrogées par RBTH. « Le rapport est un prétexte pour placer Iachine sous le feu des projecteurs », considère Konstantin Kalatchev, dirigeant du Groupe d’experts en politique.

L’opposition n’a pas grand-chose à faire valoir pour exister dans les médias, et le fantôme d’une Troisième guerre de Tchétchénie épouvante à la fois la gauche et la droite, fait remarquer Sergueï Markov, directeur général de l’Institut d’études politiques, proche du Kremlin.

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