​Poursuivi en Russie, Khodorkovski prédit une révolution

Mikhaïl Khodorkovski à Kiev, en mars 2014.

Mikhaïl Khodorkovski à Kiev, en mars 2014.

Reuters
​Mikhaïl Khodorkovski, ancien patron du géant pétrolier Ioukos, affirme que la Russie vivra prochainement une révolution. Il a fait cette déclaration après qu’un mandat d’arrêt eut été lancé contre lui dans le cadre de l’affaire du meurtre du maire de Nefteyougansk (Sibérie occidentale). Deux jours plus tard, l’ex-baron du pétrole a été accusé par contumace d’avoir organisé plusieurs tentatives d’assassinat. RBTH évoque avec des experts les perspectives politiques de Khodorkovski en Russie où il n’est plus revenu depuis sa sortie de prison.

L’ex-propriétaire de la société pétrolière Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski, a promis à la Russie une révolution prochaine en affirmant qu’elle était « inévitable ». Selon lui, c’est l’unique moyen de changer le pouvoir en Russie et sa tâche est de la rendre « relativement pacifique ». 

Il a fait cette déclaration le 9 décembre depuis Londres, lors d’une séance de liaison en duplex avec le bureau moscovite de l’association qu’il a fondée, Russie ouverte. Mikhaïl Khodorkovski a émis cette idée après l’apparition de son nom dans l’affaire pénale concernant le meurtre du maire de Nefteyougansk en 1998 et le lancement de poursuites contre lui.

Le 10 décembre, le Parquet général de Russie a estimé que les déclarations de Khodorkovski recelaient des appels au renversement du régime constitutionnel et a demandé de lancer des poursuites pénales. Le 11 décembre, l’ex-patron de Ioukos a été accusé par contumace d’organisation du meurtre du maire de Nefteyougansk, ainsi que de tentatives d’assassinat de deux personnes.

Mikhaïl Khodorkovski ne cache pas ses ambitions politiques et s’est déclaré prêt il y a un an à prendre la tête du gouvernementou du pays si sa candidature est soutenue « si c’est indispensable pour surmonter la crise ». Il est vrai qu’après avoir été gracié par le président en 2013 à l’issue de dix ans de prison, il n’est jamais revenu dans le pays. Rappelons que lorsqu’il a recouvré la liberté, il affirmait dans ses interviews qu’il s’était promis de ne plus jamais faire de politique pour se concentrer sur la défense des droits de l’homme. L’ex-oligarque ne veut toujours pas rentrer en Russie, mais il ne prévoit plus de renoncer à la politique, notent les interlocuteurs de RBTH.

Les mains déliées

Toutefois, personne ne connaît les ententes passées entre Khodorkovski et le pouvoir, car « il n’existe pas de mot plus ambigu que politique et d’épithète plus flou que politique », constate Ekaterina Choulman, politologue de l’Institut des sciences sociales de l’Académie présidentielle russe de l’économie nationale et de l’administration publique. Les uns l’interprètent comme le renoncement à présenter leur propre candidature, d’autres le comprennent comme l’interdiction de financer des partis politiques, tandis que certains le voient comme le refus de faire des déclarations sur des sujets socialement importants ou de soutenir les médias. La conclusion principale de cette déclaration est que Khodorkovski ne s’estime plus lié par une promesse quelconque aux autorités russes. « Il se sent offensé par sa convocation au tribunal pour un interrogatoire en tant qu’accusé et il estime qu’il a les mains déliées pour faire tout ce qu’il jugera bon de faire », affirme Ekaterina Choulman, en soulignant que tout le reste, y compris la déclaration sur une prochaine révolution, ne sert que de décor verbal pour attirer l’attention. Une révolution ne peut pas être déclenchée par la simple volonté d’une ou plusieurs personnes. Elle est conditionnée à une demande sociale et à des circonstances concrètes à l’intérieur du pays, fait-elle remarquer.

Ilia Yachine, représentant de l’opposition et vice-président de PARNAS (Parti de la liberté du peuple), indique à RBTH que les dernières déclarations de Khodorkovski augmentent les risques pour ses partisans en Russie et qu’il ne sera pas facile pour ces derniers de travailler dans de telles conditions. « Mais qui a la vie facile aujourd’hui ? ». Selon lui, Mikhaïl Khodorkovski ne pourra pas rentrer en Russie tant que Vladimir Poutine sera à la présidence, mais il possède quand même une certaine influence : « Il a vécu une énorme expérience, il possède un grand potentiel intellectuel, il dispose de partisans et d’une organisation en Russie qui réalise nombre de projets civiques et électoraux ».  

Vieilles formules

Toutefois, l’absence d’un casier judiciaire vierge et les poursuites en cours réduisent à néant toute perspective électorale. Khodorkovski ne pourra pas se présenter à une élection, constate Pavel Saline, politologue et directeur du Centre des études de politologie de l’Université des finances auprès du gouvernement russe. Mikhaïl Khodorkovski a embauché de bons experts en relations publiques et sa présence sur Internet lui évite de sombrer dans l’oubli, mais il a des problèmes en termes d’influence sur les processus politiques. L’ordre du jour qu’il tente d’imposer par le biais de ses ressources et de ses compagnons de route (une justice indépendante, l’annulation des « lois répressives » et la libération des détenus politiques) n’intéresse pratiquement personne aujourd’hui. Ce sont les sujets sociaux et économiques qui ont le vent en poupe.

Quelqu’un qui habite en dehors de la Russie est incapable d’influencer sérieusement la politique du pays, renchérit le directeur de l’Institut de stratégie nationale (indépendant), Stanislav Belkovski. « S’il réussit à accumuler au bout de plusieurs années une grande crédibilité politique et morale, dans ce cas-là, au moment du changement du pouvoir – ce qui ne se produira pas grâce à ses efforts –, il pourrait bénéficier d’une certaine demande. Mais la possibilité de devenir leader aujourd’hui est à exclure pour lui », explique Stanislav Belkovski. D’autant plus que durant ses deux années de liberté, certains traits de son caractère « ont blêmi », constate-t-il. « Etre emprisonné et devenir à la fois détenu politique et martyr est une chose, mais résider en Suisse ou en Grande-Bretagne en est une autre », souligne-t-il pour conclure.

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