Dix questions sur la grogne des routiers russes

Un policier bloque la circulation sur l'autoroute périphérique de Moscou (MKAD) le 4 décembre 2015.

Un policier bloque la circulation sur l'autoroute périphérique de Moscou (MKAD) le 4 décembre 2015.

Reuters
Les transporteurs routiers russes sont mobilisés depuis plus d’un mois. Une vague de protestations a déferlé sur l’ensemble de la Russie pour s’étendre jusqu’à Moscou. Les chauffeurs, représentants de PME en tête, estiment que la nouvelle taxe sur les transports deviendra pour eux un fardeau insoutenable.

1. Que se passe-t-il ?

Le 15 novembre est en entrée en vigueur en Russie la taxe Platon (« paiement à la tonne »), qui s’applique à la circulation des camions de plus de 12 tonnes sur les routes nationales. Les routiers ont organisé des manifestations de protestation avant même l’entrée en vigueur de la nouvelle taxe et restent toujours mobilisés.

2. A quoi est destinée la taxe Platon ?

Selon les statistiques de l’Agence des routes de Russie (Rosavtodor), 58% des dommages sur les routes sont occasionnés par les poids lourds de plus de 12 tonnes. Le gouvernement a décidé que la responsabilité devait être assumée par les sociétés qui exploitent de tels véhicules. L’argent collecté grâce à cette taxe ira à l’entretien des routes et à la réalisation de projets d’infrastructures.

3. Quels problèmes ont surgi lors de l’introduction ?

Plusieurs pannes ont été enregistrées dès le premier jour du fonctionnement du système qui retirait des sommes superflues depuis les comptes de chauffeurs, tandis que le site se retrouvait régulièrement bloqué. Toutefois, le problème n’est pas uniquement dans les défaillances techniques : nombre de routiers se sont élevés contre l’idée même d’une taxe supplémentaire sur leurs activités.

4. La nouvelle achèvera-t-elle les entreprises de transport ?

Le problème est que le secteur de la logistique en Russie est essentiellement desservi par de petites sociétés. Ce sont souvent des entrepreneurs individuels qui ne possèdent qu’un seul poids lourd. Il n’existe pas de statistiques officielles sur le pourcentage d’entrepreneurs individuels et de PME parmi les routiers, mais ces derniers (aussi bien les particuliers que les représentants de grandes sociétés) assurent que la plus grande partie du secteur s’appuie sur les petites entreprises. Ils citent des chiffres compris entre 60% et 80%.

5. Comment ont débuté les protestations ?

Les routiers ont organisé des manifestations dans les régions russes avant même l’entrée en vigueur de la taxe : les camions réalsaient des « opérations escargot » sur les routes nationales, provoquant des embouteillages monstres. Les conducteurs exprimaient ainsi leur protestation contre Platon, dont le montant s’élève à 3,73 roubles (0,05 euro) par kilomètre. Le gouvernement a réagi et a accepté de baisser le montant de la taxe – mais seulement pour trois mois et demi – jusqu’à 0,02 euro. Le montant des amendes a lui aussi été réduit pour passer (pour les personnes morales) de 6 100 euros pour une première infraction et de 13 500 euros pour une seconde à 70 euros et 135 euros respectivement (pour les personnes morales et physiques).

Andreï, participant à la protestation, dans la cabine de son camion stationné à 35 kilomètres de Moscou, le 3 décembre 2015. Crédit : AP

6. Où en sont les protestations ?

Malgré l’assouplissement de la position du pouvoir, les routiers ont poursuivi leur mouvement de protestation. Leurs représentants dans les régions ont déclaré à plusieurs reprises leur intention de se rendre à Moscou pour y organiser une grande manifestation, en barrant la circulation sur le périphérique. Les chauffeurs s’y sont rassemblés le 4 décembre.

7. Quelle est la réaction du pouvoir ?

Les autorités n’ont à aucun moment déclaré qu’elles pourraient annuler Platon ou suspendre son entrée en vigueur. Le dirigeant de l’Agence des routes, Roman Starovoït, a affirmé dans une interview au site russe RBC que la majorité absolue des chauffeurs avait manifesté « une attitude normale » envers la taxe et que les protestations ne touchaient que 1% des routiers. Selon lui, plus des deux tiers du nombre total des camions de plus de 12 tonnes sont d’ores et déjà enregistrés dans le système.

8. Que veulent les routiers ?

L’introduction de la taxe Platon frappe de plein fouet les PME et les entrepreneurs individuels. Car si pour les grandes sociétés, un versement supplémentaire pour la circulation de leurs camions sur les routes nationales n’est pas mortel, pour nombre de PME, les activités ne seront plus rentables. Cela étant, elles demandent sinon d’annuler Platon entièrement, du moins de le geler pour plusieurs années.

9. Quelle est la réaction de la société ?

Il est impossible de dire que les protestations des routiers ont été largement soutenues en dehors de la communauté professionnelle. Selon Denis Volkov, sociologue du Centre analytique Levada, étant donné que la politique du pouvoir reste populaire, les manifestations contre Platon ont peu de chances de se muer en protestations de masse. Les routiers affirment que les habitants les soutiennent et leur proposent souvent de venir manger et de passer la nuit chez eux.

10. Sur quoi pourraient déboucher les protestations ?

Le politologue Alexeï Makarkine, vice-président du Centre des politiques publiques, estime que le pouvoir réussira à étouffer les protestations en scindant les rangs des routiers. « L’Etat mise sur la division des routiers en modérés et radicaux. Les plus nombreux sont les modérés, les représentants de grandes compagnies, a-t-il expliqué à RBTH. Parallèlement, les autorités acceptent de faire certaines concessions, en baissant provisoirement le montant des tarifs et des amendes, ce qui érode les protestations de l’intérieur ».

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