David vs. Goliath : le combat d’un avocat russe contre Google

Anton Bourkov.

Anton Bourkov.

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Depuis plusieurs mois, Anton Bourkov, juriste et défenseur des droits de l’homme, est en procès contre Google : il défend le droit à la confidentialité de sa correspondance.

Le bureau russe de Google a annoncé son intention de faire appel de la décision du Tribunal municipal de Moscou, qui a condamné la société à verser 713 euros au juriste et défenseur des droits de l’homme Anton Bourkov au titre de dommages-intérêts dans une affaire de violation du secret de la correspondance. Le verdict avait été prononcé en septembre 2015.

Google a déjà fait appel de la décision. Néanmoins, M. Bourkov refuse également de céder et dit qu’il est prêt à aller jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. « Cependant, dans ce cas, c’est la Russie qui figurera comme accusé, car l’État n’a pas su défendre son citoyen », indique Anton Bourkov.

« Si vous voyez cette publicité, c’est parce que nous lisons vos courriels »

M. Bourkov a longtemps réfléchi avec de saisir la justice contre la firme de Mountain View. Le défenseur des droits de l’homme correspondait avec ses collègues à propos d’un voyage à Strasbourg via Gmail, le service mail de Google, quand un onglet publicitaire s’est affiché à la droite de son écran. Il présentait plusieurs liens permettant de trouver un hôtel à Strasbourg, obtenir un visa et même porter plainte auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

« J’ai commencé à étudier la situation et j’ai découvert que Google ne cachait même pas qu’il analysait les courriels : j’ai trouvé un lien expliquant pourquoi je voyais cette publicité », raconte Anton Bourkov. Il a préparé sa plainte et l’a déposée auprès du tribunal Zamoskvoretski, en charge de la circonscription où est immatriculé le bureau russe de Google.

« Puis, c’est devenu encore plus intéressant : devant le tribunal, les accusés ont annoncé qu’ils étaient une entité juridique indépendante, alors que Google Inc., propriétaire de Gmail et du service de publicité contextuelle AdWords [qui affichait les messages publicitaires concernés], était immatriculé en Californie. Les entreprises étrangères font cela, car les procédures judiciaires aux Etats-Unis sont très onéreuses. Evidemment, personne n’ira porter plainte là-bas », explique-t-il.

Lecture des correspondances ou analyse automatique des contenus ?

Le juriste s’est mis à étudier la jurisprudence et s’est rendu compte qu’il fallait d’abord faire reconnaître le bureau russe de Google en tant que filiale du groupe Web. Le tribunal de district a donné raison à Google. M. Bourkov a alors saisi le tribunal municipal de Moscou, qui a statué à sa faveur. « J’ai demandé l’interdiction de la lecture des correspondances et le versement de 50 000 roubles (713 euros) de dommages-intérêts. Je pouvais bien sûr réclamer un plus gros montant, mais la pratique montre qu’il est difficile d’obtenir une indemnisation plus importante en Russie », explique-t-il.

Anton Bourkov précise que trois autres personnes l’ont contacté ensuite pour porter plainte contre Google en Russie. « À ce stade, je suis pleinement satisfait de l’issue de mon action », a-t-il indiqué. « Petit à petit, les gens commencent à comprendre que les programmes comme celui-ci violent le secret de la correspondance ».

Des plaintes similaires sont déposées contre les entreprises du Web à travers le monde : un recours collectif a ainsi été déposé contre Facebook en Autriche, un autre contre Yahoo aux Etats-Unis.

La représentation russe de Google a refusé de commenter cette affaire. Dans son contrat d’utilisation, le groupe se défend de toute lecture des correspondances, affirmant uniquement réaliser une analyse automatique du contenu. La politique de confidentialité de Gmail stipule : « Nos systèmes analysent automatiquement vos contenus afin de vous proposer des fonctions qui peuvent vous être utiles ».

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