Vol fatidique : 
un mois après la tragédie 
du Sinaï

AFP / Eastnews
Comment les parents, les amis et les proches vivent avec leur douleur suite à l’attaque terroriste à bord de l’avion de ligne Airbus A321.

« C’est une épreuve pour moi. Je dois la surmonter et je sais que je m’en sortirai. Je n’ai pas peur de voler. Je poursuivrai mon travail. Ce n’est pas la peine de me persuader du contraire », a écrit sur le réseau social VKontakte l'hôtesse de l’air Anna Sviridova, épouse du steward Stanislav Sviridov, disparu dans la catastrophe du 31 octobre 2015 dans le ciel au-dessus du Sinaï égyptien. 224 personnes, y compris 25 enfants, ont perdu la vie suite à cet attentat. 130 passagers étaient des habitants de Saint-Pétersbourg.

Le courage intact d’Anna Sviridova est une exception. La plupart des proches des victimes préfèrent garder le silence. 

Irina Kouzina, qui a perdu dans la tragédie sa tante Nadejda Baskhakova (78 ans) et sa cousine Margarita Simanova (53 ans), confie à RBTH qu’elle reste plongée dans ce drame. La situation est compliquée par le fait qu'elle attend encore la dépouille de sa cousine et que les funérailles n’ont pas encore eu lieu. Selon les informations officielles du 17 novembre, seulement 58 victimes ont été identifiées, et 47 enterrées.

L’indemnisation financière des proches pose également problème, confie Mme Kouzina : l’argent n’a pas encore été versé.

Le directeur du comité de politique sociale de la ville de Saint-Pétersbourg, Alexandre Rjanenkov, a expliqué à RBTH que « 29 familles ont déjà reçu 33 millions de roubles [470 000 d'euros, ndlr] du budget de la ville, et nous espérons que les versements seront tous effectués avant la fin de l’année ». Les autorités municipales se sont engagées à aider les familles à résoudre les questions de propriété, les prêts immobiliers et autres crédits contractés par les victimes.

Deuils en série

Il y a neuf ans, le 22 août 2006, Saint-Pétersbourg avait déjà enduré une tragédie similaire. Un Tu-154 de la compagnie Pulkovo reliant Anapa (sud de la Russie) à Saint-Pétersbourg, s’était écrasé dans la région de Donetsk, en Ukraine, alors qu'il traversait une zone de fortes turbulences. 

Marina et Alexeï Steinvarg ont perdu deux filles dans cette catastrophe et les parents de Marina sont morts. Depuis, les Steinvarg ont eu trois enfants nés après la catastrophe. Mais dans leur maison, des photographies des sœurs décédées avec leurs grands-parents restent bien en évidence.

Les deux époux sont volontaires dans l’association Vol interrompu, créée quelques mois après la catastrophe de 2006 par des parents des victimes. Les Steinvarg ont traversé les mêmes péripéties il y a neuf ans et peuvent donc mieux aider les parents des victimes de la catastrophe du Sinaï.

Selon eux, le niveau de solidarité dans la société russe était alors incomparablement plus faible. Ils se souviennent qu’il n’y avait alors ni poèmes ni mémorial à Pulkovo. Il n'y avait pas eu alors comme aujourd'hui des centaines de gens venus se rassembler sur la place centrale de la ville pour rendre hommage aux victimes. « Beaucoup avaient même peur de nous regarder, parfois nous nous sentions comme des lépreux », se souvient Marina.

Plusieurs semaines après la tragédie, les gens continuent de déposer des fleurs au pied du monument à l’aviateur dans l’aérogare. Beaucoup réclament la création d'un mémorial dédié à ceux qui, le 31 octobre, rentraient paisiblement de leurs vacances au soleil. Une pétition en ce sens a déjà reçu plus de 266 000 signatures.

Aide psychologique

Les cinq jours après la catastrophe, du 31 octobre au 4 novembre, les psychologues du ministère russe des Situations d’urgence ont été sollicités plus de 300 fois. Selon la loi, les psychologues du ministère travailleront avec les familles jusqu’à ce que toutes les victimes de la tragédie soient identifiées. 

Ensuite, ils passeront le relais aux services d’assistance psychologique municipaux de Saint-Pétersbourg. « Mais nous n’avons pas en ville de service [d’État] spécial qui aide les gens à surmonter une phase de douleur profonde et de perte », dit Marina Steinvarg. 

Pour corriger cette situation, l’association Vol interrompu a ouvert en 2010 un centre d’aide psychologique gratuite aux parents des victimes de la catastrophe. Les psychologues qui y travaillaient se partageaient les maigres subsides du comité de politique sociale, mais depuis déjà trois ans, l’association n’est plus reconnue d’utilité publique et ne touche plus de subsides. Aujourd’hui, Marina pense que les psychologues vont redevenir nécessaires.

« Des proches de victimes du Sinaï nous ont déjà appelés, racontent Marina et Alexeï Steinvarg. Certains ont demandé des éclaircissements sur l’indemnisation, d’autres avaient juste besoin d’être écoutés ».

Gueorgui Efimenko dirige Vol interrompu depuis sa fondation. Dans la catastrophe de 2006, Gueorgui a perdu son fils cadet, sa fiancée et son petit-fils. Il se souvient qu'il y a neuf ans, il a laissé son entreprise à son fils aîné afin de consacrer tout son temps à l’association : « J’ai accompagné les parents à tous les tribunaux, lorsque les avocats ont refusé de nous aider »

C’est précisément après la catastrophe du vol Anapa-Saint-Pétersbourg que les indemnisations aux familles des victimes ont été fortement revues à la hausse. D’autres problèmes ont dû être résolus : consoler les gens, aider les uns dans leur vie quotidienne, organiser des fêtes pour les enfants des autres, mener des consultations médicales pour les enfants et les personnes âgées, militer pour l’érection d’un monument (il a finalement été construit près de Donetsk, à l'endroit où l’avion s’est écrasé), écrire un livre-mémoire, en ligne sur le site de Vol interrompu.

Après la catastrophe du 31 octobre, l’association a ouvert un compte bancaire d’aide aux parents des victimes de l’A321, sur lequel seulement 290 000 roubles (4200 euros) environ ont été récoltés.

Elle l'a dit

" J’aime le ciel, j’aime mon travail, j’aime les gens et la compagnie aérienne dans laquelle je travaille. Si mes enfants décident de consacrer leur vie à l’aviation, je les y aiderai. Car je crois au destin et à l’inéluctabilité de ce qui doit se produire. [Mon mari] restera désormais avec moi et je suis si heureuse d’avoir eu dans ma vie un tel homme, qui m’a donné tant d’émotions, d’attention et d’amour ". Anna Sviridova

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