Un manifestant russe devant l'ambassade de Turquie à Moscou. La pancarte dit "#JeNeVaisPasEnTurquie".
Alexander Vilf/RIA NovostiLa réaction en Russie
Quelques heures après la nouvelle de la destruction d’un avion militaire russe par l’armée turque le 24 novembre, des piquets sont apparus en face de l’ambassade de Turquie à Moscou. Les réseaux sociaux ont reproduit la photo de Maria Kassatonova, assistante d’un député à la Douma (chambre basse du parlement russe), qui a déplié une banderole avec l’inscription suivante : « Les pilotes abattus éliminaient les terroristes pour éviter la mort de nos civils et des vôtres ».
Le lendemain, de telles actions se sont tenues non seulement à Moscou, mais également dans d’autres villes, telles que Kazan, Stavropol et Saint-Pétersbourg. Les piquets ont été préparés par des associations dans certaines villes, par des partis politiques dans d’autres. Certains habitants sont venus de leur propre initiative.
Une vague de critiques contre la Turquie a déferlé sur les réseaux sociaux russes. Dans les heures qui ont suivi le drame, Internet a vu apparaître les hashtags #ReprésaillesInévitables (phrase prononcée par le président russe Vladimir Poutine après l’attentat contre un Airbus 321 russe en Egypte) et #CoupDansLeDos (expression employée par Vladimir Poutine pour qualifier l’incident).
Un autre hashtag a vu le jour : #JeNeVaisPasEnTurquie. Les Russes appellent leurs compatriotes à renoncer à des voyages touristiques dans ce pays (la Turquie étant la destination numéro un des tour-opérateurs russes). Certains regrettent de ne plus pouvoir visiter les sites touristiques. « Il y a deux ou trois ans, je pensais : l’Egypte, qu’y a-t-il à voir ? Et puis, on aura bien le temps. Qu’est-ce qui pourrait nous en empêcher ? Maintenant, la destination est fermée. La Turquie… Qui n’est pas allé en Turquie ? Tout le monde, mais moi jamais », écrit une jeune femme sous le pseudonyme Milia N.
Toutefois, il y a aussi ceux qui ne partagent pas l’agressivité générale et disent vouloir passer leurs vacances en Turquie. « Je fais mes bagages pour y aller. Quant à l’avion militaire, il n’aurait pas été abattu s’il n’avait pas survolé une frontière étrangère. Auriez-vous oublié que la Russie a abattu un avion civil sud-coréen en le prenant pour un appareil militaire ? Ça arrive », rétorque Larissa K.
Réactions en Turquie
Des manifestants turcs tiennent une banderole disant "Nous sommes en résistance contre les agresseurs" devant l'ambassade russe à Ankara le 24 novembre 2015. Crédit : AP
Pour la deuxième journée consécutive, on entend dans les rues d’Istanbul fuser de toutes parts les mots « Russie », « Russes », « Poutine » et « Syrie ». Dans le district de Sisli, un employé de la pâtisserie Sehri Simit, Mustafa Kaya, fait part de son point de vue : « La faute en incombe à la direction russe. L’avion a été averti dix fois. Maintenant la Turquie et la Russie seront confrontées à de gros problèmes. Mais la population n’y est pour rien. Je les ai (les Russes) toujours traités avec respect et amour. Et je continuerai ».
Un retraité, Murat Koc, se joint à la conversation. « Qu’est-ce que la Russie vient faire en Syrie ? Bombarder qui ? L’Etat islamique ? J’en doute… Les milliers de réfugiés arrivent chez nous et pas chez vous ! Nous avons fermé les yeux pour la Crimée, nous ne nous sommes pas joints aux sanctions contre la Russie. Vous avez entendu ce qu’a dit Poutine hier ? Comment peut-il nous accuser de soutenir le terrorisme ? ».
Un autre Stambouliote, Ahmet (le prénom a été changé), renchérit : « Je ne suis pas partisan du régime (du président) Erdogan ni de sa politique en Syrie. Il espérait la démission (du président syrien) Assad, mais tout s’avère plus compliqué. La Syrie est un sujet très sensible pour nous. La Russie affirme porter des frappes contre l’Etat islamique, mais nous ne savons pas au juste quelles sont ses cibles. Tout est compliqué et loin d’être univoque. Mais j’espère qu’il sera possible de normaliser les relations et que nous éviterons un conflit ouvert ».
Istanbul compte plusieurs dizaines de milliers de Russes que la situation actuelle désole. Voici ce que dit Alina, née en Russie et mariée à un Turc : « On regardait tous les deux la télévision. Une chaîne russe. Il y était question de l’avion abattu. J’ai commencé à lui traduire ce qu’on disait. Et voici qu’il explose : « C’est faux ! La Turquie a raison ! Nous défendions nos frontières ». On s’est disputés et on ne se parle plus depuis hier. Bien que mon mari ne soit absolument pas partisan d’Erdogan. La situation est très tendue. Personne ne sait comment elle évoluera. C’est très triste et regrettable ».
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