COP21 : comment concilier des objectifs divergents

Pollution industrielle à Moscou.

Pollution industrielle à Moscou.

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De l’aveu des écologistes, l’application de la loi russe de 2009 sur l’efficacité énergétique reste trop complexe. Le statu quo perdurera à défaut de la mise en place d’un mécanisme contraignant les entreprises à investir. La COP21 pourrait déboucher sur des solutions.

Premier producteur mondial d’énergies fossiles et quatrième émetteur de gaz à effet de serre (GES), la Russie se devait d’être présente à Paris pour le sommet de la COP21. Et pour cause : 90% de l’énergie produite en Russie vient du carbone (pétrole, charbon et gaz), 82% de ses rejets de GES sont générés par la production énergétique et cette dernière constitue 70% de ses exportations. Compte tenu du poids du secteur énergétique dans l’activité du pays, difficile de passer rapidement à une économie dé-carbonée car cela impliquerait de revoir toute la conception et la structure de la filière énergétique russe. C’est un peu comme si l’on demandait à la France de s’affranchir du nucléaire du jour au lendemain.

Décalage entre la Russie et l’UE

Pour Alexandre Nekrassov, directeur exécutif de l’Association des entreprises françaises pour le développement de l’efficacité énergétique et la sécurité écologique (U4E), la structure de la filière énergétique russe, axée sur le pétrole, le charbon et le gaz, explique le « décalage entre l’approche de l’Union européenne qui prône un mixage énergétique [fossile-renouvelable, ndlr] et celle de la Russie qui se concentre sur l’optimisation de l’efficacité énergétique ».

Fin 2008, un rapport de la Banque mondiale estimait que l’optimisation de la totalité de la filière énergétique permettrait à la Russie d’économiser jusqu’à 45% de sa consommation totale d’énergie primaire (avant transformation). L’ampleur des pertes constitue tout de même la consommation annuelle d’énergie primaire d’un pays comme la France.

C’est dans cet esprit qu’en 2009, Dmitri Medvedev, à l’époque président de la Fédération de Russie, a promulgué une loi sur l’efficacité énergétique dont l’objectif était de réduire d’au moins 40% par rapport à 2007 les émissions polluantes d’ici à 2020. Ses cibles : l’électroménager, l’immobilier et le secteur public au sens large. Une politique qui a produit des résultats grâce aux « contrats d’efficacité énergétique », ceux-ci favorisant le financement des investissements dans les technologies propres par les économies d’énergie qu’elles permettent de réaliser.

Message compris dans l’industrie

« Le géant de l’aluminium Rusal est ainsi parvenu à diviser par deux sa consommation énergétique », fait remarquer Alexandre Nekrassov. Le problème, c’est que ces incitations ne sont pas assez utilisées par le secteur pétrolier, tout comme les collectivités locales, qu’il s’agisse des transports, de l’éclairage public ou encore de l’immobilier. « L’innovation comporte un risque. Même si le système fonctionne, les élus locaux ne souhaitent pas forcément l’assumer devant leurs électeurs », poursuit le directeur d’U4E.

En fin de compte, il pourrait y avoir un décalage entre la baisse réelle des émissions et les objectifs annoncés à l’horizon 2020. « Il n’y pas d’incitation économique : ni taxe carbone, ni marché du carbone ou encore une combinaison des deux, ce qui fait que l’État n’est pas en mesure de contraindre les entreprises à réguler leur intensité carbone [quantité de CO2 émise relative à leur croissance, ndlr] », déplore Vladimir Tchouprov, responsable du département Énergie de Greenpeace Russie.

Les énergies renouvelables restent marginales en Russie

Quant au renouvelable, il estime qu’« il arrive tard et au mauvais moment ». En effet, outre qu’il va à l’encontre de l’équilibre budgétaire, la faiblesse actuelle du prix du baril n’incite pas à investir dans l’alternative que constituent les énergies renouvelables. « Le prix du pétrole est bas et les prix de l’énergie aussi par rapport à la situation internationale », poursuit l’expert de Greenpeace, pour qui les énergies renouvelables restent marginales en Russie puisqu’elles ne constituent que 1% de la production électrique du pays, contre 5% en Chine, 7% aux États-Unis et de 25% à 40% en Allemagne, selon les conditions météorologiques.

Accroître les subventions ou les incitations étatiques, qu’il s’agisse du renouvelable comme de l’efficacité énergétique, « semble difficile compte tenu des difficultés actuelles de l’économie », ajoute Vladimir Tchouprov, « sachant que la priorité des autorités reste la maîtrise de l’inflation et la stabilisation des taux d’intérêt ».

3 points clés
 sur les Énergies alternatives

1. 9% des ressources hydriques mondiales sont concentrées en Russie. À ce jour, l’énergie hydraulique fournit 21 % de la production russe d’électricité.

2. La Russie possède un potentiel énorme de production d’énergie éolienne (jusqu’à 30% des besoins nationaux en électricité).

3. L’énergie solaire est sous-exploitée. Mais la croissance du photovoltaïque pourrait être multipliée par 25 de 2016 à 2020.

Une énergie trop bon marché

Alexeï Kokorine, directeur du programme Climat et Énergie du WWF Russie, estime pour sa part que si certains grands groupes investissent dans l’efficacité énergétique, la question reste secondaire pour les petites et moyennes entreprises. « L’instabilité du cadre légal et fiscal, ainsi que les différences de mises en application régionales, empêchent les PME de se projeter au-delà de quelques années. C’est la raison pour laquelle elles négligent l’efficacité énergétique, qui se mesure sur le long terme, regrette l’expert. En soi, les idées développées par les autorités sont bonnes, mais compte tenu des problèmes rencontrés dans leur mise en œuvre, les buts sont inaccessibles ». Une opinion partagée par Vladimir Tchouprov, pour qui « une incitation économique, comme la hausse des prix de l’énergie, est nécessaire pour sortir du statu quo actuel ».

D’où l’importance de la présence à Paris de Vladimir Poutine, plus au plan intérieur qu’international, estiment les défenseurs russes de l’environnement. Elle signale aux régions l’intérêt que le pouvoir central porte au réchauffement et, par conséquent, à l’amélioration de l’efficacité énergétique.

Alexandre Nekrassov résume les enjeux : « c’est une étape importante pour le dialogue entre les groupes russes et internationaux. J’attends de cette COP21 qu’elle permette d’entériner un programme de solutions sur lesquelles nous pourrons travailler ».

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