Le combat pour que la différence ne fasse plus l’objet de discrimination

Natalia Vodianova et sa sœur Oksana.

Natalia Vodianova et sa sœur Oksana.

Archives personnelles.
Il a suffi que la sœur autiste du man­nequin Natalia Vodianova soit scanda­leusement expulsée de la terrasse d’un café pour que les médias s’emparent du problème des handicapés en Russie.

Cet été, la famille de Natalia Vodianova s’est retrouvée sous le feu des médias, mais pour une fois, ce n’était pas en raison de sa beauté mondialement célèbre. Tout a commencé lorsque le mannequin vedette a relaté sur sa page Facebook que sa sœur Oksana, atteinte d’autisme et d’IMC, avait été chassée d’une terrasse de café, car son apparence « faisait fuir les clients ». La justice a condamné les propriétaires de l’établissement de Nijni-Novgorod à une amende de 3 millions de roubles (43 700 euros) et engagé une procédure pénale pour violation des droits d’une personne en situation de handicap. Toutefois, un mois après l’incident, les parties au conflit ont opté pour la conciliation. Dans son entretien, Natalia Vodianova a déclaré : « Ce n’est pas parce qu’ils sont mauvais que la plupart des gens se comportent ainsi, mais parce qu’ils manquent d’information. Il faut éduquer la population ».

Pour la presse russe, l’incident a servi d’appel à l’action – les médias ont commencé à publier de nombreuses histoires sur les enfants aux besoins spéciaux, notamment le cas de Nastia, atteinte de trisomie 21 et abandonnée par ses parents à la maternité sur les conseils des médecins, ou encore de Macha, qui « gâche » les photos de classe.

Un syndrome non photogénique

Atteinte elle aussi de trisomie 21, la petite Macha, 7 ans, est élevée par une mère solitaire. N’ayant personne à qui elle pouvait laisser sa fille, la jeune femme, institutrice, l’amenait avec elle à l’école. Installée au dernier rang, Macha dessinait tranquillement. Tout allait bien jusqu’à ce que son visage apparaisse sur les pages de l’album de classe. Un scandale a alors éclaté : les parents des élèves ont demandé à ce que la photo de la petite fille soit retirée. Cinq élèves ont même été transférés dans d’autres classes.

Ce cas est loin d’être isolé : selon un sondage de VTsIOM, 17% des Russes s’opposent à ce que les enfants handicapés fréquentent les mêmes classes que leurs enfants et petits-enfants. « La société manque toujours d’expérience de la communication avec des personnes ‘différentes’. Et tant que nous ne croiserons pas ces enfants autour de l’aire de jeux, au théâtre et dans les classes avec nos propres enfants, nous n’aurons pas cette expérience, explique la сhef du service de presse de la fondation caritative Downside Up Ioulia Kolestnitchenko. Sans cette expérience, les mythes et les préjugés perdureront ».

L’argent public ne suffit pas

La vie de la journaliste Ekaterina Men a changé il y a 9 ans quand sont fils a été diagnostiqué d’autisme.

« Du point de vue du système, mon enfant était un rebut. Moi, j’estime que mon enfant est précieux. Mon activité est née de cette contradiction, raconte Ekaterina qui dirige actuellement le Centre des problèmes d’autisme. J’ai été confrontée à l’absence totale d’aide pour mon enfant. Je devais soit quitter le pays pour un lieu où une aide appropriée existait, soit faire quelque chose pour lui ici ». Pourtant, quand la jeune femme s’est lancée, elle s’est rendu compte qu’il était impossible d’obtenir des changements pour un seul enfant – ils devaient être systémiques pour tous.

D’abord, Ekaterina s’est battue pour que son enfant ait le droit de fréquenter l’école publique. Il y a quatre ans, son association a mis au point un modèle inclusif d’intégration des enfants autistes dans l’environnement scolaire général.

« Il a fallu former des personnes capables de l’enseigner, car ce personnel n’existait simplement pas. Nous avons créé un modèle d’inclusion pour lequel nous avons formé des spécialistes et une école spéciale. Aujourd’hui, on tente d’introduire ce modèle dans d’autres établissements. Dans notre école, nous avons 22 enfants atteints d’autisme qui, auparavant, n’auraient jamais pu intégrer le système scolaire », explique Ekaterina. Elle avoue que son projet a pu être réalisé grâce au financement de la fondation caritative Galtchonok, car l’argent public ne suffit pas.

Pavel Astakhov, un médiateur russe pour les droits des enfants, confirme que de nombreuses associations aident actuellement les enfants handicapés. Ce qui manque, c’est « un travail systémique ». En particulier, alors que le nombre d’enfants handicapés a crû de près de 10% au cours de ces cinq dernières années en Russie, il n’existe toujours pas de registre fédéral unique de ces cas, souligne-t-il.

Ioulia Kolestnitchenko partage son avis : « Un système suppose une continuité dans le soutien aux familles, ou du moins un parcours éducatif et social clair. Actuellement, l’État ne propose qu’un choix de services dont il est très difficile de bénéficier. Aucune réponse claire n’est apportée. Dans la plupart des cas, les parents utilisent les services qu’ils sont parvenus à trouver tout seuls ».

Manque de professeurs spécialisés

Les enfants autistes ne sont admis que dans des écoles spécialement adaptées. Pourtant, bien qu’officiellement inscrits dans ces établissements, ils restent pour la plupart à la maison, faute de spécialistes qui sachent s’occuper d’enfants atteints de ce handicap. L’école envoie un enseignant à domicile deux fois par semaine aux enfants qui ont officiellement renoncé à la scolarité, mais il s’agit des mêmes enseignants et cela ne change pas la situation.

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