« Lingua franca continentale »

Les participants du concours de langue russe à Bruxelles.

Les participants du concours de langue russe à Bruxelles.

Leonid Sokolnikov
Par exotisme ou par passion, pour parler la langue de ses ancêtres ou s'ouvrir de nouveaux horizons professionnels : toutes les raisons sont bonnes pour apprendre le russe !

Pour l'anglais, la question ne se pose même plus : on l'apprend car c'est la langue « universelle », celle d'Internet et du monde des affaires, avec laquelle on pourra toujours, plus ou moins, se débrouiller aux quatre coins du monde.

Avec la langue russe, si l'on pose la question à dix personnes, il y a de fortes chances d'obtenir dix réponses différentes. À l'occasion du concours de langue organisé samedi le 24 octobre à Bruxelles par le Centre culturel et scientifique russe, RBTH a demandé à plusieurs élèves et professeurs d'universités belges pourquoi elle restait si prisée.

« Ne pas avoir peur de l'alphabet ! »

Pour Nicolas, aujourd'hui étudiant en Master 2 d'interprétation à l'Université de Louvain, tout a commencé pendant les Noël de son enfance. Dans son petit village, un chœur russe venait chanter tous les 24 décembre et c'est là qu'il est tombé amoureux de la langue.

Après avoir choisi de commencer le russe au lycée, sa fascination n'a fait que grandir pour la culture que la langue lui avait ouverte. « Je ne suis pas un fan de littérature classique mais par contre, j'adore Sergueï Loukianenko, auteur de science-fiction incroyable dont s'inspire le film Night Watch », raconte-t-il.

En chiffres :

312 millions - c'est le nombre de personnes qui parlaient le russe dans le monde en 1990. Selon le ministère russe de l'Éducation, ce chiffre est un maximum historique.

28,6 millions - c'est le nombre d'individus parlant la langue russe aujourd'hui dans le monde, en dehors de la zone des pays de l'ex-URSS.

Aujourd'hui il s'abreuve de séries humoristiques russes sur internet, comme Koukhnia (Cuisine, en français), et passe des heures à regarder le Comedy Club ou KVN (un jeu télévisé humoristique populaire). « Souvent les gens ont peur de l'alphabet mais ce n'est rien. Une fois qu'on a compris c'est une langue très amusante à apprendre. Et elle ouvre vers une culture totalement nouvelle », souligne-t-il.

Sanne, qui apprend le russe à l'Université d'Anvers, est du même avis : « Je ne voulais pas apprendre une langue ennuyeuse, je voulais quelque chose d'exotique, et c'est ce que j'ai trouvé avec le russe ! », témoigne-t-elle. Elle a déjà passé six mois à Krasnodar dans le sud de la Russie et deux semaines à Petrozavodsk, ville du Nord qu'elle a prise en affection.

Une langue pour le business

Langue d'humour et de science-fiction, la langue russe ouvre aussi des portes au niveau professionnel. Clémence, elle, a choisi le russe pour devenir interprète, « un métier vivant, de communication, dans l'instant et l'adrénaline ». Elle a particulièrement pris goût à la langue quand elle est partie vivre huit mois à Moscou : « Quand les Russes voient que tu fais l'effort de parler leur langue, ils t'adoptent immédiatement », témoigne-t-elle.

Daria, elle, est née à Chypre d'une mère ukrainienne et d'un père chypriote. Pour elle, le russe était la langue des dessins animés, celle avec laquelle elle communiquait parfois avec sa mère. Elle a décidé d'utiliser cet atout pour travailler dans le tourisme. « Mon objectif n'était pas de perfectionner la langue pour la langue, mais bien de l'utiliser d'un point de vue professionnel ».

Et avec le russe, il y a effectivement de quoi faire. « C'est la langue d'un grand pays mais aussi d'un espace géographique immense : elle vous servira aussi bien en Géorgie qu'au Kazakhstan, en Arménie ou en Biélorussie », souligne Claude Robinet, prêtre catholique belge qui a travaillé 30 ans pour le Vatican, à Rome, au programme russe et biélorusse. Et d'ajouter : « C'est un vrai atout pour les contacts commerciaux, économiques et scientifiques ».

Maria, née en Lettonie de parents russes, va même plus loin : « Les Chinois apprennent tous l'anglais et dans 20 ans, ce sera leur outil principal pour les affaires. Tandis que les Russes restent très attachés à leur langue et cela restera un vrai plus de parler russe dans le monde des affaires ».

Pas de baisse d'effectifs en Belgique

Les récentes critiques envers la Russie pour sa politique ukrainienne et syrienne ont-elle touché les effectifs des principaux cursus russes en Belgique

« C'est vrai que la politique et la façon dont le pays est présenté dans la presse ont leur rôle à jouer : à l'époque de Gorbatchev on avait environ 80 étudiants en première année. Aujourd'hui le chiffre tourne autour de 50 », témoigne Olga Novitskaïa, professeur de russe à l'Université d'Anvers.

Pourtant, la presse faite à la Russie semble jouer, ces derniers temps, en sa faveur. « Plus on en parle, plus les gens s'y intéressent et je pense que pendant trois à cinq ans nous allons constater une augmentation des effectifs », estime David Babaev, professeur à l'Institut supérieur de traducteurs et interprètes auprès de l'Université libre de Bruxelles. Aujourd'hui, l'institut accueille tous les ans environ 70 élèves en première année.

Les deux professeurs s'accordent également sur le fait que l'économie joue son rôle dans le choix d'une langue. « La Russie est proche de l'Europe, de l'Asie, a beaucoup de ressources et un grand potentiel économique. Il est beaucoup plus facile de trouver un travail avec la langue russe qu'avec l'espagnol ou l'italien », juge Olga Novitskaïa.

« Enfin, le russe est la langue de ceux qui croient en une Europe unie de Lisbonne à Vladivostok, la langue du rêve et de l'ouverture au monde », conclut David Babaev.

Ils l'ont dit :

" Au Centre, on peut apprendre le russe du niveau débutant jusqu'à la pratique professionnelle. Nous avons environ 300 élèves, dont beaucoup travaillent pour la Commission européenne ou les représentations diplomatiques des États-Unis. Le centre est aussi un lieu d'expositions, concerts et spectacles - nous avons monté Le Revizor de Gogol et nous travaillons sur une adaptation des contes de Pouchkine. "

Alexander Razumov, directeur du Centre culturel et scientifique de Russie à Bruxelles.

" La raison principale pour apprendre le russe réside dans les débouchés professionnels. Le russe est l’une des langues officielles des Nations unies et d’autres organisations internationales et européennes. Raison n°2 : la Russie "en VO". La valeur de l’héritage littéraire, artistique et scientifique russe n’est pas à démontrer. Pour y accéder pleinement, il est indispensable d'aborder les œuvres en version originale. Raison n°3 : faire des affaires. Le russe est la langue véhiculaire dans de nombreux ex-satellites de l’URSS. L’anglais gagne du terrain, mais sa diffusion n’est pas encore suffisamment large. "

Olga Bainova, coordinatrice du Centre de langue et de culture russes de l'UMons.

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