Moscou, Russie, le 1er mai 2015 : Une participante à la marche communiste du 1er mai tient les portraits de Joseph Staline.
APKonstantin Dobrynine a soumis un projet de loi visant à « lutter contre la justification des crimes du régime totalitaire de Staline » à la Douma (chambre basse du parlement russe) à la fin du mois de septembre. Il propose de déployer au sein de la société des activités « pour prévenir la réhabilitation du stalinisme », qualifier d’extrémiste et interdire toute information justifiant les répressions staliniennes.
RBTH n’a pas réussi à obtenir un commentaire de la part de l’auteur de cette proposition, Konstantin Dobrynine n’ayant pas trouvé de temps pour répondre à nos questions. Toutefois, les motivations du sénateur sont expliquées dans une note accompagnant le projet de loi. Le parlementaire constate « ces dernières années une propagande de plus en plus large diffuse au sein de la population une image dans ce contexte que les faits <…> incontestablement établis de répression de masse sont niés ou justifiés », ce qui, d’après lui, « contribue à populariser les mouvements radicaux ». Ceci risque, selon lui, « de déstabiliser la situation dans le pays en facilitant l’accession au pouvoir de forces ayant recours à la répression de masse ».
Victimesetgrandsobjectifs
L’attitude envers la période stalinienne est résumée par les résultats d’un sondage réalisé en mars 2015 par le Centre analytique Levada. L’une des questions était formulée comme suit : les sacrifices consentis par le peuple soviétique à l’époque stalinienne étaient-ils justifiés par les grands objectifs et résultats atteints dans de brefs délais ? Environ 7% des personnes interrogées ont répondu qu’ils l’étaient tout à fait, 38% dans une certaine mesure, 41% ont dit que ces victimes ne pourraient jamais être justifiées et 13% n’avaient pas d’opinion. Cinq ans plus tôt, ceux qui jugeaient impossible de justifier ces victimes étaient 58%. Fait inquiétant : la question ne fait pas état de « crimes ».
Cette dualité qui ressort du sondage, propre à l’attitude des Russes envers le passé stalinien, se manifeste également dans le projet de loi. D’une part, le document vilipende les crimes du stalinisme, « sans précédent par leur ampleur » et ayant marqué « la société soviétique dans son ensemble ». D’autre part, il précise que cette répression ne peut pas être qualifiée de génocide ni de crime contre l’humanité.
Absencedebasejuridique
En d’autres termes, le projet de loi ne concerne que les crimes officiellement reconnus du stalinisme, qui ne sont pas nombreux : « la répression politique de masse » est condamnée dans les lois de 1991 sur la réhabilitation des victimes de la répression et sur la réhabilitation des peuples réprimés. Yan Ratchinski, de l’association de la défense des droits de l’homme Mémorial, indique que pour une application efficace de la législation, « il n’existe pas de base (juridique) appropriée » parce qu’ « aucune évaluation juridique n’a été donnée jusqu’ici aux crimes du régime communiste ».
Dans ce contexte, souligne-t-il, le texte du projet de loi demande à être rectifié et évalué « du point de vue de la restriction de la liberté de parole dans les médias et de la liberté d’accès à l’information ». Selon Yan Ratchinski, l’initiative de Konstantin Dobrynine est « une tentative honnête de résoudre les problèmes actuels ». Ces derniers sont selon lui incarnés en Russie par l’existence d’un PC « dont le leader (Guennadi Ziouganov) et ses compagnons de route vont déposer des fleurs sur la tombe de Staline ».
Menace pour les structures d’Etat ?
Dans le même temps, Vadim Soloviov, député de la Douma et directeur du Service juridique du Comité central du PC de Russie, a déclaré à RBTH que les communistes ne niaient pas l’existence de la répression. « La répression a existé et une évaluation lui a été donnée au 22e congrès du PC de l’Union Soviétique (en 1961) », a rappelé le député communiste, en ajoutant que le PC russe était le successeur du PCUS. Toutefois, a-t-il fait remarquer, il est difficile de parler de « crimes établis du stalinisme », étant donné « l’absence d’évaluations juridiques de ces faits : il n’y a aucune décision ni de la justice en général, ni du parquet en particulier ». Quant à la législation sur la réhabilitation des victimes des répressions et des peuples réprimés, et sur ce point, Vadim Soloviov est entièrement d’accord avec Yan Ratchinski, elle n’est pas suffisante. Il estime que cela reflète la complexité de cette période difficile où l’attention était concentrée non pas sur la répression, mais sur la transformation du pays en une superpuissance.
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