A Moscou, l’opposition russe refait parler d'elle

Moscou, le 20 septembre 2015 : La manifestation a rassemblé, selon le ministère de l’intérieur, 4 000 personnes, 7 000 selon les organisateurs.

Moscou, le 20 septembre 2015 : La manifestation a rassemblé, selon le ministère de l’intérieur, 4 000 personnes, 7 000 selon les organisateurs.

Reuters
Le deuxième grand meeting de l’opposition cette année s’est tenu à Moscou le 20 septembre. Selon différentes sources, de 4 à 7000 personnes se sont rassemblées sous le mot d’ordre « Pour une rotation du pouvoir ! ». Mais cette démonstration n’a semblé ni nécessaire, ni convaincante, considèrent les observateurs de RBTH, et n’annonce rien de bon pour l’opposition.

Dimanche 20 septembre au soir, l’opposition a tenu un meeting dans la banlieue de Moscou, sous le mot d’ordre « Pour une rotation du pouvoir ! ». Il a eu lieu le jour anniversaire du « roque » de 2011, quand Vladimir Poutine a annoncé qu’il se présenterait pour un troisième mandat présidentiel, et que Dimitri Medvedev renonçait à sa candidature.

La manifestation autorisée par les autorités de la ville a rassemblé, selon le ministère de l’intérieur, 4 000 personnes, 7 000 selon les organisateurs (la demande d’autorisation prévoyait 40.000 participants), et constituait la deuxième action d’opposition la plus importante de l’année. La première était la marche organisée en 2015 pour le deuil de l’ex vice-premier ministre russe et leader de l’opposition Boris Nemtsov, qui avait rassemblé selon les estimations officielles 16 600 personnes.

D’ailleurs, il semble que le nombre de personnes s’étant rendues au meeting de dimanche ait satisfait les leaders de l’opposition : « Malgré le fait que l’on nous ai parqués en banlieue de la capitale, il y avait beaucoup de monde » a déclaré à RBTH Ilya Yashine, vice-président du parti non-enregistré PARNAS (Parti de la Liberté du Peuple), faisant remarquer que dans le pays « il n’existe aucune force d’opposition politique capable de rassembler autant de partisans dans des conditions de pression et d’attaques constantes de la propagande ».

Erreur sur le slogan

L’opposition a accepté de se réunir sous les fenêtres des barres d’immeubles du quartier Marino après s’être vu refuser l’organisation d'une manifestation dans le centre. Mais si, par le passé, les alternatives périphériques avaient semblé inacceptables aux organisateurs, qui renonçaient tout simplement à leur meeting, cette fois-ci, on a décidé de ne pas défendre le « droit au centre » par un boycott. « Si nous avons réellement des exigences économiques et politiques vis-à-vis de ce pouvoir, nous les exprimerons aussi à Marino », a publié sur son blog l’initiateur du meeting et leader de l’opposition libérale Alexeï Navalny.

Cependant, on n’a pas entendu de réelles exigences économiques à ce meeting, qui s’est limité à des exigences politiques : suppression de la censure (qui, officiellement, n’existe pas en Russie, et est interdite par la Constitution), libération des détenus politiques, fin de la guerre au sud-est de l’Ukraine, lutte contre la corruption et « accès sans condition aux élections pour l’opposition ».

Rappelons que cette action s’est produite une semaine après les élections régionales, au cours desquelles le parti PARNAS a réuni moins de 2% des voix et n’est pas rentré au parlement régional. Après cette « défaite », Navalny ne pouvait tout simplement pas « se faire oublier », estime Konstantin Kalachev, directeur du « Groupe Indépendant d’Expertise Politique » ; mais avec leur exigence d’un pouvoir changeable, les organisateurs ont mal choisi : « La rotation c’est très bien, mais au niveau régional, par exemple à Irkoutsk, elle existe déjà, et les gens dans les régions sont bien plus intéressés par la politique sociale ». Selon lui, les perspectives de l’opposition sont encore plus sombres si elle se lance dans une campagne fédérale avec ce slogan. « Participer aux élections à la Douma d’Etat avec ce slogan alors qu’existent 14 partis ayant le droit de se présenter aux élections sans récolter de signatures est un peu étrange. La majorité de la population ne le comprendra pas. »

Amaigris, mais vivants

On ne peut tout de même pas considérer les deux projets de l’opposition (les élections et le meeting) comme un échec complet, affirme Alexeï Moukhine, directeur générale du Centre indépendant d’information politique, car les opposants sont parvenus à attirer l’attention. « Mais malheureusement, cette attention vient surtout des observateurs étrangers. Cela marginalise l’opposition, la réduit à ce fameux rôle de cinquième colonne ». De plus, le pouvoir s’est déjà approprié de façon « assez efficace » leur slogan peu inspiré, considère M. Moukhine au sujet de la lutte en cours contre la corruption.

L’opposition doit élargir le répertoire de thèmes sur lesquels elle s’adresse à la société, car mettre uniquement l’accent sur des thèmes contestataires et la protestation pour la protestation ne fonctionne plus, affirme M. Moukhine. « Le meeting de Marino l’a démontré » a-t-il ajouté. Pourtant, l’opposition elle-même ne croit pas à un ralentissement des protestations. Elle émet, il est vrai, une réserve : la quantité de personnes prêtes à descendre dans la rue a nettement baissé ces quelques dernières années. « Après ces meetings, les gens ont été arrêtés, menacés de procès, détenus et interrogés. Le leader de l’opposition a été tué. Dans ces conditions, le nombre de manifestants diminue, mais la quantité de mécontents augmente », affirme M. Yashine avec certitude.

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