« En Russie, vous avez moins de lois mais plus de liberté »

Eric Lobo et un motard du club russe Loups de la nuit. Source : club Loups de la nuit

Eric Lobo et un motard du club russe Loups de la nuit. Source : club Loups de la nuit

Eric Lobo, célèbre voyageur français, a traversé des épreuves difficiles. Il a perdu tous ses proches et presque tout son argent. Toutefois, il a trouvé un moyen de surmonter la douleur : il a décidé de traverser la Russie en moto sans carte, ni GPS, et sans connaître la langue russe.

Gazeta.ru : Pourquoi as-tu décidé de faire ce voyage en Russie ?

Eric Lobo : À cinquante ans, j'ai connu une période très difficile dans ma vie. J'étais propriétaire de locaux commerciaux que je louais à une filiale d'une grande banque. Quand la crise a commencé, ils ont arrêté de louer ces immeubles et j'ai perdu presque toutes mes économies et ma source de revenus. Ma femme m'a quitté. Ma mère est décédée et mon père est mort d'une crise cardiaque. J'avais le choix : soit je sautais du cinquième étage de l'immeuble où je vivais, soit je trouvais une activité intéressante qui ne soit pas liée à tout ça.

J'ai acheté une moto avec l'argent qui me restait et j'ai fait un petit crédit. J'avais trois itinéraires possibles : aller de Paris à Shanghai en avion, ensuite aller en moto en Turquie et puis en Iran, au Pakistan, au Tibet et au Népal. La deuxième possibilité c'était d'aller en Asie centrale. Et la troisième, c'était de voyager en Russie, en Mongolie et en Chine. La troisième me plaisait plus : en Russie il n'y a pas de routes et ma moto n'est pas adaptée pour rouler sur des routes en mauvais état, en plus je ne parle presque pas russe (aventures garanties). Bref, l'aventure, la vraie.

Ce n'est pas ton premier grand voyage ?

Non. Depuis 26 ans je mène une double vie : je suis allé au Japon, en Chine, en Ukraine, à Cuba. J'ai écrit deux livres sur mes voyages et j'ai fait des expositions de photographies. Une fois, j'ai même réussi à faire une interview avec Fidel Castro. C'est déjà la deuxième fois que je viens en Russie, la première fois je suis entré en Russie en venant du Japon.

Ça ne fait pas trop peur de voyager en Russie alors que tu ne parles pas russe ?

Tu sais, je ne parle ni japonais, ni chinois non plus. Mais je ne suis pas agressif, j'essaie d'être dans un état d'esprit positif avec les gens, et quand tu fais ça, habituellement les gens sont aussi dans cet état d'esprit avec toi. Par exemple, les loups attaquent rarement les gens. Ils peuvent attaquer un blessé, ils peuvent t'attaquer si tu es agressif envers eux. Mais normalement, c'est rare. Avec les gens, c'est la même chose. Et puis, comme je l'ai dit : j'aime les aventures. Pour ce voyage, je n'ai pas d'assurance et pas vraiment d'argent, j'ai un problème avec les papiers.           

Mais il ne faut pas voyager sans argent ...

Nous vivons dans une société de consommation. Tout le monde veut consommer et ne rien donner en échange. Et j'ai pensé à la chose suivante : je voyage à travers le monde, je photographie ce que je vois, j'enregistre les histoires des gens que j'ai rencontrés. Ensuite je publie tout ça sur Facebook. Et en échange, les gens du monde entier m'envoient de l'argent, de façon complètement libre, chacun donne ce qu'il peut. Après mon voyage, j'écrirai un livre.

J'ai entendu dire que tu veux aussi en faire un film.

Oui, ça racontera l'histoire d'un homme d'affaires qui gagnait bien sa vie mais qui a tout perdu et qui a décidé de changé radicalement de vie. En gros, c'est mon histoire, mais ce sera raconté à la troisième personne. Mais il y a des tas d'histoires semblables.

Pour le moment tu es à Moscou. Où penses-tu aller ensuite ?

À Grozny, ensuite à Rostov, Saratov, Samara, Oufa, Tcheliabinsk, Novossibirsk, là-bas je vais voir des amis que j'ai rencontrés au cours de mon premier voyage en Russie, ils m'avaient alors aidé. Après j'irai à Magadan puis je prendrai l'avion pour aller au « bike show » des Loups [Loups de la nuit, groupe de motards russes - ndlr] à Sébastopol. Après je filerai en Tchoukotka, puis je traverserai l'Alaska pour rejoindre le Canada, ensuite j'irai aux États-Unis, à New-York, à Miami et je finirai mon voyage à Cuba.

Tu es déjà venu en Russie. Quelles villes t'ont le plus plu ?

J'aime bien Ekaterinbourg. Quand je suis allé là-bas, j'ai été surpris de voir à quel point la ville est moderne. Novossibirsk, évidemment. Moscou, c'est la capitale et une capitale, c'est toujours intéressant. Saint-Pétersbourg, la ville de la culture, c'est aussi intéressant à voir. Mais j'ai surtout été touché par Vladivostok. C'est une très belle ville. (...) En fait, vous avez plus de liberté que dans beaucoup de pays occidentaux.

Vraiment ?

Bien sûr. La Sibérie est bien plus grande que le Canada (qui est pourtant le deuxième plus grand pays du monde). Comment contrôler un territoire pareil ? Je crois qu'après Iakoutsk, vous n'avez plus de police. Alors oui, vous avez moins de lois, mais plus de liberté. Évidemment, c'est aussi dangereux : dans la taïga il y a beaucoup de loups et d'ours, et puis on peut tomber sur des gens mal intentionnés.

La version intégrale de l'entretien en russe a été initialement publiée sur le site de Gazeta.ru

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