Crédit : Reuters
Selon des évaluations alternatives aux statistiques officielles, entre 25% et 40% des citoyens se qualifiaient de pauvres il y a un an. 40%, c’est exagéré, mais 30% constitue un chiffre tout à fait réaliste, a déclaré à RBTH Elena Kisseliova, experte de l’Institut des études stratégiques complexes.
La pauvreté « officielle » intervient au moment où les revenus passent en dessous du minimum vital. Aujourd’hui, il s’agit de 8 000 roubles par mois (environ 140 euros) et par personne. « Jusqu’ici, le nombre de pauvres dans le pays allait en décroissant depuis 2000. Même durant la crise précédente, leur nombre n’a pas grandement augmenté », a-t-elle indiqué. Mais désormais, la donne a changé. Les salaires et les revenus de la population baissent et ces derniers sont en majeure partie consacrés à l’achat de produits alimentaires, au loyer et aux autres besoins de première nécessité. Il ne reste plus d’argent pour le reste. La preuve en est l’indice de remboursement des prêts. « Nous constatons une augmentation du nombre de crédits demandés pour en rembourser d’autres contractés précédemment », a-t-elle constaté.
La population s’appauvrit plus rapidement que ne le pense le Service des statistiques, affirme Sergueï Smirnov, directeur de l’Institut de politique sociale de la Haute école d'économie. En un an, dans le contexte des sanctions, le panier de la ménagère est devenu en moyenne 20% plus cher. D’après lui, un habitant sur huit pourra à peine joindre les deux bouts d’ici la fin de l’année.
Nouveaux pauvres
La pauvreté en Russie est un phénomène atypique, car elle touche également les actifs. « Nombreux sont ceux dont le salaire est proche du minimum vital ou juste au-dessus », a poursuivi Elena Kisseliova. Selon les statistiques officielles, il s’agit de 13% de la population active. Leonti Byzov, collaborateur scientifique à la section d’analyse de la dynamique de la conscience de masse à l’Institut de sociologie de l’Académie des sciences, souligne notamment : « Il devient impossible de vivre avec la retraite ou avec un salaire modeste. C’est un facteur très important qui semblait de plus en plus lointain au fil des quinze dernières années, après la crise de 1998, mais qui revient en force aujourd’hui. »
Ce qui a changé depuis le début de la crise, c’est que la classe des pauvres ne comprend plus uniquement les gens à problèmes sociaux. A en juger d’après un sondage mené fin mars – début avril dernier, le nombre de pauvres a déjà augmenté de 25 à 30%, a-t-il noté.
Il est vrai, la pauvreté est un phénomène caractérisé par sa diversité. Le rapport annuel de la déléguée aux droits de l’homme de Russie, Ella Pamfilova, cite des chiffres encore plus inquiétants : 47% des citoyens se qualifient de « travailleurs pauvres » (selon les données de la Fondation Opinion Publique). « Il est difficile de se priver de ce qui était accessible avant et les gens se sentent beaucoup plus pauvres même si ce n’est pas tout à fait le cas », a expliqué Leonti Byzov.
Profondeur de la pauvreté
Qu’est-ce qui empêchera les gens de toucher le fond économiquement parlant ? Evoquant à la demande de RBTH les mesures adoptées, le service de presse du ministère russe du Travail et de la Protection sociale a rappelé que les retraites par capitalisation avaient été majorées de 11,4% (leur montant moyen étant d’un équivalent de 230 euros), les allocations pour incapacité de travail de 10,3% et les allocations aux familles nombreuses et à certaines catégories de population de 5,5%.
En qualité de mesure complémentaire de soutien aux familles, le président du pays a autorisé, le 23 mai dernier, à consacrer le « capital maternel » (somme versée pour la naissance d’un deuxième enfant) au remboursement des hypothèques.
« Les retraites sont indexées indépendamment de la crise. D’ailleurs, en février, elles l’ont été d’un pour cent de moins que le niveau de l’inflation statistique (16,7%) », a fait observer Sergueï Smirnov. Quant à la décision d’autoriser à verser le capital maternel pour rembourser l’hypothèque, c’est « un moyen de dernier recours ». Mais c’est sur des décisions du genre que comptent les fonctionnaires. Ainsi, « le ministère des Finances examine l’idée de ne plus indexer les retraites sur l’inflation, tandis que la Douma (chambre basse du parlement russe) avance l’initiative de ne pas verser de pensions aux retraités qui travaillent et qui touchent plus d’un million de roubles (un peu plus de 17 000 euros) par an », a-t-il rappelé.
* Etudes publiées par le Service fédéral des statistiques
Réagissez à cet article en soumettant votre commentaire ci-dessous ou sur notre page Facebook
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.