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De nombreux experts figurent parmi les auteurs de la doctrine des musulmans : des représentants du Conseil des muftis de Russie (CMR), l’une des principales organisations musulmanes, ainsi que des théologiens, des savants et des scientifiques. Le document réunit des recommandations destinées aux musulmans sur un large éventail de questions allant de l’attitude vis-à-vis de l’État jusqu’aux problèmes quotidiens. Les dispositions de la doctrine reposent tant sur les règlements émanant des sources du droit musulman – le Coran et la Sunna (la vie du prophète Mahomet), que sur les postulats de la législation laïque russe.
En essence, la doctrine est une vision des théologiens islamiques pro-pouvoir de ce que doit être un vrai musulman. Le fidèle est avant tout vu comme un patriote. « L’amour pour la partie n’est pas seulement acceptable, il est indispensable du point de vue des orientations de l’islam », précise le texte de la doctrine. Cela concerne tant les sentiments patriotiques que le respect des lois. La doctrine explique que le musulman adopte les obligations du contrat social prévu par la Constitution. Il doit également être un homme de paix : la doctrine précise que les guerres en tant que formes du djihad (guerre sainte, ndlr) doivent être soigneusement évitées. Le djihad militaire ne peut être effectué que sur ordre du dirigeant légitime.
Le spectre du radicalisme
Cette doctrine sociale n’est pas la première adoptée par les théologiens islamiques russes, la précédente remontant à 2001. Dans un entretien avec RBTH, l’un des scientifiques ayant participé à l’élaboration du document de 2015, le recteur de l’Institut islamique de Moscou Damir Khaïretdinov, explique : « Depuis la création de la première doctrine, la situation a changé. Elle s’est stabilisée en Russie (il fait référence à la cessation des hostilités dans le Caucase du Nord, ndlr), mais dans le monde, c’est malheureusement la tendance inverse. M. Khaïretdinov indique que de nombreux jeunes musulmans, notamment sur le territoire russe, sont influencés par les extrémistes, certains partent au Proche-Orient pour combattre dans les rangs de groupes terroristes ». Le dignitaire religieux souligne que l’un des principaux objectifs de la nouvelle doctrine est de retenir les jeunes dans le cadre de l’islam traditionnel.
La menace de radicalisation de l’islam est l’une des raisons pour lesquelles la doctrine actuelle revêt un caractère ostensiblement pacifique. M. Khaïretdinov précise : « Les deux principaux volets de la doctrine sont consacrés à la cohabitation pacifique des musulmans avec les représentants des autres confessions et à la bonne attitude à l’égard du djihad et du takfir. Le takfir est une pratique religieuse par laquelle l’autorité religieuse déclare un État comme mécréant et appelle les musulmans à le combattre (cette pratique est l’une des bases des activités de l’EI, ndlr). La doctrine stipule que le takfir ne doit pas être appliqué aujourd’hui ».
Cela portera-t-il ses fruits ?
La doctrine entrera officiellement en vigueur en juin, après sa signature officielle par les trois principales organisations musulmanes du pays. Damir Khaïretdinov estime que le document fera autorité au sein de la population musulmane.
Par ailleurs, dans son commentaire sur les perspectives de la doctrine, Varvara Pakhomenko, consultante de l'International Crisis Group et spécialiste du Caucase, nous a expliqué que l’autorité des théologiens ayant adopté la doctrine n’est pas absolue pour tous les fidèles. « Il faut se rappeler que dans l’islam, contrairement à la chrétienté, il n’existe pas d’institut unique de l’Eglise qui peut dire : « agis comme ci ou comme ça ». Les organisations musulmanes jouissent indiscutablement de respect auprès de nombreux musulmans, mais pas chez tout le monde. Il existe de nombreuses communautés et prédicateurs influents, notamment radicaux, qui sont en opposition vis-à-vis de l’islam officiel ».
L’autre faiblesse de la doctrine, selon Pakhomenko, est son orientation sur « l’islam traditionnel » comme soutien de l’État russe. Ainsi, les partisans des courants plus radicaux sont exclus du dialogue entre le pouvoir et la communauté islamique.
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