Gros plan sur le chômage en Russie

Affiche soviétique par Joseph Efimovsky, 1968

Affiche soviétique par Joseph Efimovsky, 1968

Le marché de l’emploi russe se caractérise par un taux de chômage assez bas, même en période de crise, et par un important décalage entre les taux du chômage officiel et réel. RBTH fait la lumière sur ce phénomène.

Quelle est la situation actuelle sur le marché de l’emploi russe ?

Selon les données du ministère russe du Travail et du Développement social, le nombre de chômeurs officiellement enregistrés auprès des agences publiques pour l’emploi se chiffre à 979 058 personnes au 25 février 2015.

Le Service fédéral russe des statistiques (Rosstat), précise de son côté qu’en janvier 2015, le taux de chômage global atteignait 5,5% de la population active de pays (soit 4,167 millions de personnes). Ce taux a été calculé selon la méthodologie de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Au total, la population économiquement active âgée de 15 à 72 ans s’élevait en janvier à 75,9 millions de personnes, ce qui représente 52% de la population du pays.

Le taux de chômage s’est-il accru avec la crise économique ?

Après un repli du chômage constaté durant les trois premiers trimestres de l'année 2014 (après s’être maintenu à 5,6% en janvier et en février, le taux de chômage est retombé à 4.9% en mai pour s’y stabiliser durant les trois mois d’été et même retomber à 4.8% en août), le nombre de personnes sans emploi est reparti à la hausse en septembre, augmentant en moyenne de 0,1% par mois.

Ceci étant dit, la hausse du nombre de chômeurs enregistrés auprès des agences publiques pour emploi suit un rythme plus rapide : si au 1er décembre 2014 ils étaient 821 800, leur nombre s’élevait déjà à 885 600 au 1er janvier 2015 (+7.8%), selon le ministère du Travail et du Développement social. 

Le nombre de citoyens sans emploi augmente dernièrement de 19 000 – 20 000 personnes par semaine, a fait savoir fin février la vice-ministre du Travail, Tatiana Blinova.

Quels secteurs sont les plus touchés ?

Les employés de l’industrie automobile et de machines-outils sont les plus touchés par la crise. Viennent ensuite les personnes engagées dans la production d’équipement électrique, de matériel de construction et dans l’industrie alimentaire.

« Les risques sont élevés pour les entreprises dont les produits connaissent une chute de la demande ou qui ne disposent pas d’un fonds de roulement suffisant », a indiqué à RBTH Vera Kononova de l’Institut de recherches stratégiques complexes.

Les licenciements les plus importants attendent l’oblast de Tcheliabinsk, région industrielle située à 1 800 km à l’est de Moscou. L’usine de tracteurs locale envisage de licencier d’ici mai 82% des employés, soit 6 100 personnes. L’usine Volvo de l’oblast de Kalouga projette de réduire de 30% le nombre de ses employés suite à la suspension de la fabrication de camions. Les « cols blancs » se trouvent également dans une zone à risque, notamment les spécialistes du marketing, les gestionnaires de commerce, les juristes et les journalistes, selon Alexandra Poliakova de l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique.

Pourquoi un taux de chômage si bas en Russie ?

Même en période de crise, le taux de chômage en Russie reste relativement bas : en 2009, année de crise économique et sociale, la moyenne annuelle du taux de chômage n’a pas excédé 8,3% (contre 17,9% en Espagne, 9,1% en France, et 7,6 % en Allemagne et 7,6% en Grande-Bretagne, selon les données d’Eurostat). Il convient toutefois de préciser que le taux de chômage global enregistré en Russie ne prend pas en compte le chômage « masqué », soit le nombre d'employés transférés au régime de travail à temps partiel. Selon la vice-ministre du Travail et du Développement social, la Russie compte plus de 1 500 entreprises dont les salariés sont en arrêt de travail forcé (63 500 personnes), en congé non rémunéré (près de 5 000 personnes) ou travaillent à temps partiel (181 000 personnes).  

Il ne faut pas par ailleurs omettre le facteur démographique. En dépit du ralentissement de la croissance amorcé en 2012, le chômage a connu une tendance à la baisse et est passé de 6-7% en 2012 à 5,3% en 2014. Les experts de la Haute école d’économie expliquent ce paradoxe par le déclin démographique en cours : après avoir atteint en 2006 son pic de 90,1 millions de personnes, la population économiquement active diminue annuellement de 500 000 personnes, ce qui garantit une augmentation du nombre de places vacantes.

Et il convient de citer le facteur historique. À l’époque soviétique, on risquait des poursuites pénales pour « parasitisme », si bien que dans la psychologie d’un certain nombre de Russes le chômage est un phénomène honteux, que l’on préfère encore passer sous silence.

De quelle aide bénéficient les chômeurs en Russie ?  

Pour percevoir une allocation de chômage, une personne doit être enregistrée auprès des agences publiques de l’emploi. Le montant mensuel de l’allocation varie entre 850 et 4 900 roubles (12 et 70 euros), le minimum vital étant de 8 234 roubles (117 euros). La somme varie en fonction de l’expérience, de la période de chômage et des causes du licenciement. Toutefois, la durée de versement de l’allocation ne peut pas excéder 12 mois tous les 18 mois.

En cas de perte d’emploi, le salarié a le droit à une indemnité égale à trois mois de salaire.

Les Russes craignent-ils d’être au chômage ?

Selon une étude réalisée du 31 janvier au 1er février 2015 par le Centre panrusse d'étude de l'opinion publique VTsIOM, 38% des Russes craignent de se trouver au chômage. 37% des personnes interrogées redoutent des retards dans le versement du salaire et 35% craignent une réduction de leur salaire.

24% des Russes ayant pris part au sondage ont confirmé que certains de leurs proches étaient restés sans emploi, 68% n’ont pas observé une telle tendance dans leur entourage au cours de ces derniers mois.  

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies