Les licenciements jettent un froid entre le pouvoir et les forces de l’ordre

Crédit : Evgueno Biatov / RIA Novosti

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Des licenciements au sein des forces de l’ordre sont à l’étude en Russie : un employé sur dix risque pourrait se retrouver au chômage. Les sociologues mettent en garde : le pays voit actuellement se former « un électorat imprévisible ».

Selon les médias, les forces de l’ordre russes devront opérer des licenciements suite à une volonté de comprimer les budgets. D’après différentes données, 10 à 30% des effectifs pourraient être mis à pied. Une alternative aux licenciements consisterait à annuler toutes les primes (par exemple d’ancienneté, de pénibilité, de protection du secret ou de grade) qui constituent une grande partie du salaire.

Quoi qu’il en soit, la crise atteint aujourd’hui une frange de la population traditionnellement considérée comme particulièrement loyale envers le pouvoir. 

Des forces de l’ordre en errance

La réaction des forces de l’ordre à la nouvelle des prochains licenciements est naturelle, raconte à RBTH le général de brigade à la réserve du Service de sécurité russe (FSB) Alexandre Mikhaïlov, chef du comité exécutif central de l’association Officiers de Russie. En règle générale, le risque de licenciement « démoralise complètement : les hommes n’accomplissent plus leur devoir, car ils ne savent pas ce qui les attend demain ».

Selon lui, absolument tout le monde redoute les licenciements et leurs conséquences : non seulement les simples employés des structures inférieures ou les « préretraités » (qui sont les premiers candidats au licenciement). Les membres de la direction sont également très inquiets, car il suffit parfois d’éliminer un seul travailleur d’un département pour que ce dernier se transforme en service, ce qui modifie le statut de son chef.

Or, il est peu probable que les « anciens » des forces de l’ordre puissent trouver un autre emploi dans la fonction publique ou au sein de grandes sociétés, estime Alexandre Tchepourenko, chef du département de sociologie de la Faculté des sciences sociales de la Haute école d’économie. Ils devront vraisemblablement se reconvertir dans le secteur des PME, comme ce fut le cas de nombreux officiers à l’issue de la perestroïka, souligne-t-il.

Les représentants des forces de l’ordre sur le départ, qui étaient jusqu’ici acquis à l’État, notamment via les urnes, pourraient changer de préférences, estiment certains interlocuteurs de RBTH. Le parti au pouvoir risque de se priver de la loyauté de toute une couche de citoyens qui lui avaient manifesté jusqu’ici leurs sympathies. 

Un électorat imprévisible

Il est peu probable qu’ils votent maintenant pour le parti au pouvoir Russie unie, estime Alexandre Tchepourenko : « Ce sera plutôt le Parti libéral-démocrate (LDPR) qui marquera des points en tant que parti qui propose toujours des solutions « simples » aux problèmes compliqués, ce qui attire les militaires et les policiers. »

« Et si d’aventure nous voyons se lever sur la scène politique du pays des organisations radicales de droite, ils pourraient les suivre également », a-t-il indiqué. Toutefois, il ne faut sans doute pas s’attendre à ce que les fonctionnaires licenciés descendent dans les rues, « en tout cas pas dans un avenir prévisible », a-t-il fait remarquer.

Le Parti du progrès d’Alexeï Navalny (opposition non représentée au parlement), qui cherche à grossir les rangs de ses partisans en attirant les laissés-pour-compte des mesures anticrise prises par l’État, ne doit pas non plus compter sur ces électeurs, affirme Alexandre Tchepourenko. Selon lui, « les slogans d’un parti qui prône des valeurs comme l’autodétermination civile et économique ne prennent pas chez la plupart des hommes en uniforme ».

Dans tous les cas, le tableau des préférences électorales a peu de chances de basculer uniquement grâce aux voix des représentants des forces de l’ordre licenciés. « D’après nos estimations, ils ne constituent que 3% du nombre total des électeurs », déclare pour sa part Natalia Zorkaya, directrice du département des études sociales et politique du Centre Levada.

Elle estime que ces électeurs pourraient voter autrement, mais que cela n’influencera pratiquement pas sur le résultat, essentiellement défini par tous les autres représentants de la fonction publique et les retraités. Ceux-ci, malgré la hausse du mécontentement, soutiennent toujours les institutions de l’État, le parti au pouvoir et la direction supérieure.

« Leur soutien, loin de diminuer, va même en s’accroissant », constate-t-elle. Ainsi, à l’issue de la dernière étude du Centre Levada, 44% des personnes interrogées en janvier 2015 étaient prêtes à voter pour Russie unie (elles étaient 28% en janvier 2014).

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