Le pari des nouveaux fermiers

Crédit photo : service de presse du festival Russian Gusto

Crédit photo : service de presse du festival Russian Gusto

Les habitudes alimentaires des Russes changent : les produits bio entrent lentement mais sûrement dans leur vie, ce qui offre des perspectives aux exploitations fermières traditionnelles.

Initialement philologue, Stanislav Sabaneev a créé une ferme dans la région de Saratov (à 858 km au sud-est de Moscou). Il y élève des agneaux et des volailles. Avec leur viande, le fermier produit des mets délicats qu’il fournit aux restaurants de Moscou. « Je réponds de la qualité des produits finis. Ils n’auront jamais aucun additif. Ils sont fabriqués uniquement à base de viande de qualité et d’épices. Je n’utilise que des conservateurs naturels et, bien sûr, le fumage », explique Sabaneev. Il dit s’être inscrit à la faculté de philologie par hasard. « L’agriculture pour moi est également un hasard, mais c’est là que je me suis retrouvé », ajoute Sabaneev.

La mode des aliments sains

Crédit : service de presse

Bien enracinée en Occident, la mode de l’agriculture fermière n’a conquis la Russie que récemment. On a vu des dirigeants d’entreprise et des cols blancs abandonner les bureaux et se lancer dans l’élevage de cochons et de lapins ou dans la plantation d’arbres fruitiers. L’idée que les produits fermiers sont bons pour la santé a vite fait son chemin dans les esprits. Les nouveaux fermiers assurent que leurs bêtes ne consomment que des aliments écologiquement propres, de l’eau de puits artésiens et des produits dépourvus de tout engrais chimique. Le prix de cette alimentation est élevé : un kilo de porc coûte 1 600 roubles (24€) au lieu de 400 (6€), ce qui n’arrête pas les citadins aisés, ni certains restaurateurs. Quant à la population plus modeste, elle est devenue adepte des festivals de produits bio. 

En quelque sorte, l’application en août dernier de l’embargo sur une série de produits alimentaires importés a eu un effet positif pour les fermiers, assure l’employé d’une fromagerie de Dmitrov (région de Moscou). « C’est notre heure de gloire. Depuis l’annonce de l’embargo, la demande pour nos produits a remarquablement augmenté », dit-il.

Victor Michaelson, directeur de la filiale russe de Slow Food et organisateur du festival de produits fermiers Russian Gusto confirme cette heureuse coïncidence pour les fermiers, car d’un côté l’embargo a poussé les consommateurs à s’intéresser davantage à l’origine des produits, et de l’autre, les autorités régionales se sont intéressées à l’activité des producteurs locaux.  

Le cap mis sur la qualité

Petit à petit, des restaurants russes commencent à intégrer des produits fermiers dans leur menu. En partie, cette tendance naissante est due aux chefs cuisiniers étrangers qui venaient à Moscou et s’intéressaient aux produits locaux, affirme Victor Michaelson, directeur de Slow Food Russie, une association axée sur le développement de l’éco-gastronomie.



 

Les incertitudes du financement

Les petites exploitations se retrouvent généralement à l’écart des programmes d’aide de l’État. Selon le directeur de l’Union russe des fermiers, Vladimir Smaguine, les agriculteurs de la région de Moscou ont bénéficié cette année de 100 millions de roubles (2 millions d’euros selon le taux de change du début de l’année) en subventions, mais plus de 80 millions ont été partagés par une vingtaine de grandes entreprises, auxquelles en Russie s’applique également l’appellation de « fermes ». Une petite production a beaucoup de mal à obtenir des crédits, car devant l’augmentation de la dette agricole, les banques prêtent deux fois moins que les années précédentes. De ce fait, les nouveaux fermiers sont contraints de se tourner vers le « crowdfunding » (financement communautaire). 

Sur Internet, un couple de la région de Nijni Novgorod espérait lever 550 000 roubles (7 700€) pour monter une fromagerie mais n’en a pour l’instant recueilli que 10%. D’autres sont plus chanceux et Victor Michaelson se montre optimiste quant à l’avenir des nouveaux fermiers en général. Il estime que s’ils parviennent à occuper une niche sur le réseau de distribution dans les grandes villes, ils s’y implanteront durablement. « L’agriculture fermière poursuivra son développement, la qualité des produits remportera tôt ou tard le marché », affirme de son côté le fermier Sabaneev.

 

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