Amnistie pour Khodorkovski

Le 31 mai 2005, dans le cadre de ce que l’on nomme « la première affaire Ioukos », M. Khodorkovski et son associé Platon Lebedev ont été condamnés dans cette affaire commune à 9 ans de prison chacun. Crédit : Reuters

Le 31 mai 2005, dans le cadre de ce que l’on nomme « la première affaire Ioukos », M. Khodorkovski et son associé Platon Lebedev ont été condamnés dans cette affaire commune à 9 ans de prison chacun. Crédit : Reuters

Jeudi 19 décembre, le président russe Vladimir Poutine a fait savoir qu’il avait l’intention de signer un décret de grâce concernant l’ancien dirigeant de Ioukos, Mikhaïl Khodorkovski. Les experts estiment que cette grâce n’aura pas de répercussions sur les relations avec l’Occident et qu’après sa libération, l’ex-dirigeant de la compagnie pétrolière pourrait réussir dans les affaires.

« Il a déjà passé plus de dix ans en détention, c'est une punition sérieuse, j’estime que nous devons prendre une décision (le gracier, nda) », a indiqué le chef de l’Etat suite à une conférence de presse.

« Quant à Khodorkovski, j’ai déjà évoqué cela, Mikhaïl Khodorkovski devait conformément à la loi rédiger les papiers appropriés, ce qu’il n’avait pas fait, mais il a rédigé il y a peu les documents en question et m’a soumis une demande de grâce », a déclaré V. Poutine.

Selon le président, le célèbre détenu invoque des circonstances d’ordre humanitaires : « sa mère est malade, et j’estime que l’on peut prendre cette décision, un décret de grâce sera signé prochainement ». 

« Sa demande sera acceptée dans un avenir proche », a promis Poutine.

Les avocats de Khodorkovski insistent sur le fait qu’aucune demande de grâce ou d’amnistie n’a été soumise au président de la Fédération de Russie, rapporte Reuters. L’un des avocats de Khodorkovski, Vladimir Klouvgant a en particulier déclaré que Khodorkovski n’avait fait aucune demande de grâce : « Cela n’est pas arrivé, et cela ne peut pas avoir lieu ».

Toutefois, au centre de presse de Khodorkovski et Lebedev, l’on a refusé de commenter les déclarations du chef de l’Etat. Il est à noter qu’au cours de la conférence de presse, le président russe a déclaré qu’il ne voyait pas de perspectives sérieuses pour une troisième affaire Ioukos dont on a récemment commencé à parler. « En ce qui concerne une « troisième affaire», je ne veux pas rentrer dans les détails mais, pour dire les choses franchement, en tant qu’observateur extérieur qui ne s’implique pas dans tout cela, je ne vois aucune perspective particulière dans cette direction », a indiqué V. Poutine.

« Je ne comprends pas où est la polémique ici. J’ai entendu dire que l’on discutait à ce sujet mais jusqu’à maintenant je ne vois aucune menace visant qui que ce soit », a déclaré le président de la Fédération de Russie.

Comme l’a indiqué le spécialiste des questions stratégiques d’Alpha-Bank, Chris Weafer au cours d’un entretien avec Russia Direct, la motivation la plus plausible de cette grâce est la nécessité d’améliorer l’image et le climat des investissements du pays à l’approche des Jeux Olympiques.

« Conjointement avec l’amnistie des militants de Greenpeace, la nouvelle de la grâce de Khodorkovski constituera un argument positif en faveur de la coopération avec la Russie », a-t-il déclaré.

Igor Bounine, Président du Centre des technologies politiques, est d’un autre avis. Il est convaincu que le président a à plusieurs reprises laissé entendre à Khodorkovski qu’il obtiendrait sa grâce s’il en faisait la demande. « Cette grâce est entièrement liée à la rédaction d’une demande. S’il n’avait pas soumis une telle demande, il n’aurait en aucun cas pu aider à améliorer l’image et le climat des affaires en Russie », a déclaré le politologue.

L’expert est certain que la sortie de prison de l’ancien dirigeant de Ioukos n’affectera pas les relations de la Russie avec l’Occident, mais dès cette annonce du président, les actions des sociétés russes cotées en bourse ont bondi de 1,5%.   

Le directeur de l’Institut de Recherches Politiques et membre de la Chambre civique Sergueï Markov est certain que les étrangers comprennent que M. Khodorkovski a commis un crime. « Aujourd’hui, l’un des éléments de ce combat politique va disparaître. Je pense à la réduction du financement des activités antirusses à l’étranger. Il me semble que cette grâce est une sorte de réponse à la promesse faite par les partisans de Khodorkovski d’arrêter de financer des attaques dirigée contre la Russie sur la scène internationale », a-t-il déclaré.

M. Markov a également expliqué que l’ancien dirigeant de Ioukos n’avait plus aucun poids politique et qu’en conséquence, aucun changement significatif sur la scène politique n’était à prévoir. « Le seul résultat est que l’opposition radicale va perdre un thème de critique des autorités, a indiqué M. Markov. Khodorkovski est un homme talentueux, et il ne devrait pas coudre des moufles mais plutôt travailler dans les affaires, on le verra probablement d’ici 10 ans à la tête d’une grande entreprise ».

Contexte

Le 31 mai 2005, dans le cadre de ce que l’on nomme « la première affaire Ioukos », M. Khodorkovski et son associé Platon Lebedev ont été condamnés dans cette affaire commune à 9 ans de prison chacun par la Cour du district de Mechtchanski.

La sentence a par la suite été ramenée à 8 ans. Ils ont été reconnus coupables de fraude, de détournement de fonds publics, vol d’importantes quantités de matières premières, de non-exécution de plusieurs décisions de cours d’arbitrage, d’évasion fiscale en qualité de personnes physiques et morales.

Fin 2010, le tribunal a condamné M. Lebedev et M. Khodorkovski à 14 années de réclusion chacun sur la base d’accusations de détournement de 200 millions de tonnes de pétrole et de blanchiment d’argent sur la base de la sentence rendue par la Cour du district de Mechtchanski de Moscou en mai 2005 dans la première affaire. La sentence a par la suite été réduite d’une année. Le 20 décembre de l’an dernier, le Présidium de la cour municipale de Moscou a ensuite ramenée la peine de 13 à 11 ans.

L’homme d’affaires a tenté de démontrer que l’ensemble des accusations portées contre lui étaient politiquement motivées, mais en 2011, la Cour européenne des droits de l’homme n’a décelé aucune motivation politique dans l’affaire Ioukos, constatant néanmoins un certain nombre de violations de procédure.

 

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