Retraite de voitures platzkart : la fin d'une époque

Le principal avantage du plazkart est le prix du billet : un trajet Moscou-Saint-Pétersbourg coûte près de 22 euros. Crédit : Vladimir Astapkovitch / RIA Novosti

Le principal avantage du plazkart est le prix du billet : un trajet Moscou-Saint-Pétersbourg coûte près de 22 euros. Crédit : Vladimir Astapkovitch / RIA Novosti

La compagnie publique RZhD (chemins de fer russes) a annoncé en novembre que les voitures plazkart – voitures-lits sans compartiments – seront remplacées par des voitures à deux niveaux. Le chef de la société Vladimir Iakounine a qualifié le plazkart d'un « anachronisme qui doit être modernisé par des moyens de transport plus confortables ».

Le platzkart (nom emprunté de l'allemand Platz Karte, qui signifie un coupon autorisant son titulaire à un lit dans une voiture et attaché au billet pour le train) représente un type de voiture de chemin de fer purement soviétique, très répandu en Russie et aimé par les citoyens du pays.

Le platzkart ressemble beaucoup au yingwo, type de voitures chinoises. Il y a cependant une différence : tandis que les voitures yingwo consistent d'un couloir avec sur un côté des petites espaces, séparées par des cloisons et contenant chacune six lits à trois niveaux, dans les voitures platzkart, ces espaces comprennent quatre lits (le troisième niveau est utilisé pour les baggages), mais il y a en face de chaque espace encore deux lits dans le couloir.

Le principal avantage du plazkart est le prix du billet : un trajet Moscou-Saint-Pétersbourg coûte près de 22 euros (le prix d'un billet pour le koupé – un autre classe de voitures avec des compartiments, comportant chacun quatre couchettes – se chiffre entre 32 et 60 euros).

Mais pour les Russes, il y a une autre atout : une ambiance vraiment unique. Le plazkart était comme un gros appartement en commun dans lequel toutes les frontières personnelles sont éliminées. Parfois, si vous voulez aller fumer, il fallait descendre de votre couchette très prudemment pour éviter de marcher sur la personne qui dormait en dessous et franchir le couloir étroit, en chancelant en raison du tangage et de la chaleur, pour atteindre les toilettes (il y en avait deux, mais celles qui étaient plus proches de votre place, étaient toujours fermées pour quelque raison), tout en faisant connaissance avec la moitié des passagers et en sentant l'odeur du poulet, en entandant le bruit des verres entrechoqués, les pleurs d'un bébé et des rires amicaux…

Il y avait toujours quelque chose à manger chez vos voisins, et si l'on savait gratter la guitare, faire des plaisanteries et jouer aux cartes, l'on pouvait obtenir non seulement de la nourriture, mais aussi un peu d'alcool. Les passagers se parlaient, partageaient leurs problèmes et leurs désirs, compatissaient aux peines des autres ou regardaient ensemble par la fenêtre, silencieux… L'on pleurait et riait, l'on tombait amoureux et perdait sa tête…

Quant à l'histoire du platzkart, l'on peut classer parmi ses prototypes les soi-disant teplouchkas et les voitures de Stolypine. Les deux ont joué un rôle très particulier dans l'histoire de la Russie.

En 1872, l'atelier de chemin de fer de la ville de Kovrov crée son premier wagon couvert, qui pouvait également, si nécessaire, être transformé en une voiture. À ces fins, les wagons étaient équipés de couchettes, isolés à l'aide de boucliers de bois, installés à l'intérieur, et doté de poêles à charbon, utilisées pour le réchauffement. Ces voitures improvisées, appelées teplouchka (du russe tepliy – « tied »), pouvaient accueillir chacune 40 passagers. Les teplouchkas étaient utilisées durant 70 ans, des années 1870 jusqu’à la fin des années 1940, et transportaient les soldats russes vers les champs de bataille de quatre guerres : la guerre russo-turque de 1877–1878, la Première Guerre mondiale, la guerre civile et la Seconde Guerre mondiale.

Outre les teplouchkas, il y avait un autre type de voitures similaires, baptisées voitures de Stolypineen l'honneur du premier ministre du tsar Nicolas II, Piotr Stolypine. Inventées en 1908, celles-ci – en fait, des wagons rééquipées – étaient utilisées pour transporter des migrants, ainsi que du bétail et des équipements agricoles, de la partie européenne du pays vers la Sibérie, dans le cadre du développement des terres arables sibériennes. Plus tard, les autorités soviétiques ont commencé à les employer pour transporter des prisonniers. Ce type de voitures est décrit en détail dans L'archipel du Goulag d'Alexandre Soljenitsyne.

Ainsi, avec la retraite du platzkart, prend fin une époque entière : ce type de voitures était pour les Russes plus qu'un moyen de transport; effectivement, c'était un modèle de leur passé communiste.

Les intérnautes russes ont réagi différemment à la nouvelle

« L'époque du platzkart prend fin! Et c'est, peut-être, un des rares éléments de « l'époque soviétique » que l'on ne doit pas regretter. Ceux qui se rendaient en Crimée en été ou vers l'Extrême-Orient au printemps ou en automne, qui ont passé plusieurs jours, vivant ensemble avec des grandes familles, des soldats ayant terminé le service militaire et des étudiants cherchant de l'amour, comprennent ce que je veux dire. Dans ces voitures, être frappé par un pied d’un passager, revêtu d'une chaussette sale, ce n'était pas encore le pire! Vous vous rappelez la chaleur insupportable, les fenêtres étant fermées hermétiquement? Et les sons d'une guitare jusqu'au lever du jour? Et l'odeur? Ouf… » (Youri Sotnik)

« Moi, j'aime le platzkart. Je me suis rendu récemment à Saint-Pet par le platzkart, et c'était tout simplement magnifique. Je bavardais avec les autres passagers, je buvais du thé, et je n'avais pas du tout éprouvé ce « problème de chaussettes », qui est pour quelque raison devenu une sorte de symbole ». (Lidya Roudanova)

« J'aime les voitures platzkart, je voyageais souvent comme ça dans mon enfance… Il y a beaucoup de gens, et on peut parler avec tout le monde, si l'on veut:) En outre, j'estime qu'il est moins dangereux de voyager par platzkart que par koupé – dans un compartiment enfermé, un criminel armé peut faire n'importe quoi avec vous. Quant au platzkart, des situations comme ça sont presque impossibles ». (Elena Ivanova)

Et vous, avez-vous déjà voyagé en platzkart ? Partagez vos impréssion en tweetant @larussie #voyage

 

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