Des fleurs devant le ministère russe des Affaires étrangères.
EPAL’acte terroriste révèle le désespoir des groupes islamistes qui manquent de financement fournis par leurs sponsors, de munitions et même de zèle djihadiste. Les terroristes commencent à comprendre que l’évolution des événements dans cette région des plus turbulentes joue résolument en leur défaveur.
D’emblée, Moscou a annoncé qu’il comptait traduire en justice les cerveaux de l’assassinant. Dans la journée du drame, le président Vladimir Poutine a convoqué le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, mais également les responsables des services de sécurité et de renseignement pour consultation.
Moscou mobilise les soutiens diplomatiques (la Russie a annoncé qu’elle chercherait l’appui de l’Onu), mais il pourrait également y avoir un nouveau niveau de coordination entre les services de sécurité russes et turcs, ce qui constitue une percée en soi. La presse a largement relayé le commentaire publié par Fatih Öke, l’attaché de presse de l’ambassade turque à Washington, sur Twitter : « La balle qui visait l’ambassadeur Karlov visait également les relations turco-russes ».
C’est une preuve supplémentaire de la profonde compréhension à différents niveaux qui unit les deux pays, compréhension que de nombreuses « tierces parties » cherchent à ébranler. Ce ne sera pas pour cette fois. L’incident ne sapera pas les relations bilatérales.
Deuxièmement, l’attentat aura des répercussions sur la politique intérieure en Turquie. L’annonce par la chaîne d’information HaberTurk de l’appartenance présumée de Mevlüt Mert Altintas, âgé de 22 ans, à l’organisation terroriste Fetullah (FETÖ) doit encore être confirmée.
Si le lien est avéré entre le meurtrier et Fetullah Gülen, ancien allié devenu rival et opposant du président Recep Tayyip Erdogan exilé aux États-Unis, cela renforcera la « chasse aux sorcières » lancée à la suite du coup d’état avorté de l’été dernier.
De plus, cela rendrait le prédicateur Gülen, supposé « libéral », complice d’un véritable homicide. Moscou appuiera-t-il les demandes répétées d’Ankara pour l’extradition de l’ancien imam par les États-Unis ?
Avec la passation du pouvoir attendue le 20 janvier, la Maison Blanche sacrifiera-t-elle Gülen afin d’améliorer les relations avec la Turquie comme avec la Russie ? La question est provocatrice, mais mérite d’être posée.
Troisièmement, le choix du moment de l’assassinat est central pour l’enquête, car il n’est sans doute pas accidentel. Les balles ont été tirées quelques jours seulement avant les pourparlers programmés entre le ministre turc des Affaires étrangères Mevlüt Çavuşoğlu et ses homologues russe et iranien Sergueï Lavrov et Mohammad Javad Zarif.
Le calendrier de ces négociations devait clairement être dominé par la nouvelle donne sur le terrain au lendemain de la prise d’Alep par les forces de Bachar el-Assad.
Moscou semblait placer des espoirs dans ces échanges, même si un responsable officiel du ministère turc des Affaires étrangères minimisait ses attentes en disant : « Ce n’est pas une rencontre miracle, mais toutes les parties auront l’occasion de s’écouter ».
Sergueï Lavrov, au contraire, semblait plus confiant : « J’espère pouvoir parler dans des termes concrets et détaillés avec ceux qui peuvent réellement aider à améliorer la situation sur le terrain, alors que nos partenaires occidentaux versent plutôt dans la rhétorique et la propagande et n’influencent pas ceux qui les écoutent ».
La volonté de Moscou de pousser les acteurs régionaux à faciliter le règlement de la guerre civile syrienne et à annihiler la menace que représente Daech une bonne fois pour toute demeure inchangée. Les enjeux sont suffisamment élevés.
L’issue finale de la longue tragédie humaine en Syrie, compagnon inévitable et révoltant de toute guerre civile, aura une incidence directe sur la crédibilité de la Russie en matière de géopolitique régionale et sur l’efficacité de sa diplomatie.
Les balles, lâchement tirées dans le dos de l’ambassadeur russe, auront forcément un impact sur la coopération triangulaire émergeante, bien qu’encore faible, entre la Russie, la Turquie et l’Iran.
Contrairement aux attentes probables de ceux qui ont commandité le meurtre, l’incident renforcera sans doute cette coopération au lieu de faire dérailler le rapprochement entre les trois puissances régionales.
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