Image par Alexeï Iorch
Le 23 décembre, un sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) s’est tenu à Moscou parallèlement à une réunion de Conseil économique suprême eurasiatique (CESU). Les deux événements, qui se tiennent sur une base régulière, ont acquis une grande importance au vu du contexte extérieur actuel. La crise financière en Russie, les relations tendues avec les États-Unis et l’Union européenne, la détérioration de la situation dans le Caucase du Sud et en Afghanistan exigeaient une réaction de la part des États eurasiatiques, et ont permis de tester la solidité de cette union.
Certains experts commençaient à exprimer leur préoccupation au sujet d’un éventuel ralentissement, voire de l’échec complet des projets d’intégration en raison des problèmes rencontrés par la Russie, centre géographique et initiateur de ces projets.
De nombreuses rumeurs affirmaient notamment qu’en raison de la chute brutale du rouble, le Kirghizistan pourrait renoncer à la signature de l’accord d’adhésion à l’UEEA également prévue le 23 décembre à Moscou. Il n’en fut rien. L’accord a été signé à la date prévue, ont annoncé les présidents russe et kirghiz. Les autres pays membres de l’OTSC et de l’UEEA n’ont pour leur part affiché ni scepticisme quant aux perspectives d’intégration, ni désir de freiner les liens en réponse aux événements récents.
Il est difficile de dire si les difficultés financières de la Russie et son conflit avec les pays occidentaux ont conduit à des négociations non-officielles ou à des concessions de la part de Moscou vis-à-vis de ses alliés. Rien n’en témoignait de manière manifeste malgré les rumeurs, par ailleurs normales pour ce type d’événements. La publication de ce type d’informations dans la presse a notamment été suivie de démentis émotionnels du président biélorusse Alexandre Loukachenko.
Toutefois, les membres du sommet étaient confrontés à des tâches plus complexes qu’une démonstration publique d’unité. En premier lieu, il s’agit de la crise en Afghanistan, où la situation s’est aggravée suite au retrait des troupes étrangères. Les experts de l’OTSC sont traditionnellement pessimistes quant à l’évolution de la situation dans la république et redoutent que la violence armée ne se propage sur le territoire de la CEI. Au cours des consultations bilatérales entre la Russie et le Tadjikistan dans le cadre de l’OTSC à Moscou, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou a appelé ses homologues à se préparer à toute évolution de la situation dans le pays, y compris aux pires scénarios.
Dans le cadre du sommet de Moscou, les pays de l’OTSC ont approuvé plusieurs documents portant sur la création d’un groupe armé conjoint pour parer l’éventuelle intrusion de bataillons extrémistes depuis l’Afghanistan. Ils ont décidé de créer des forces armées communes de réaction rapide dans la région Asie centrale et des forces aériennes collectives capables de réagir très rapidement à l’apparition d’une menace directe pour les pays de l’OTSC depuis les territoires frontaliers.
En outre, les membres du sommet ont évoqué la participation des citoyens de ces pays aux conflits en Irak et en Afghanistan aux côtés des terroristes. Jusqu’à 10 groupes extrémistes issus des États post-soviétiques combattent, notamment du côté des talibans afghans. Un certain nombre de citoyens des pays de la CEI participent également aux activités terroristes de l’État islamique et de Jabhat al-Nosra en Irak.
Ce phénomène crée un double risque. En cas de victoires militaires locales, les organisations extrémistes pourraient créer des bases arrières sécurisées afin de perpétrer expéditions terroristes dans différents pays du monde, dont les pays post-soviétiques. En outre, une partie des combattants formés à l’étranger pourraient regagner leurs pays pour poursuivre les activités terroristes. À cet égard, les pays de l’OTSC ont souligné, dans une déclaration commune, qu’ils « prendraient des mesures coordonnées contre les personnes revenant sur le territoire des pays-membres de l’OTSC après avoir participé aux conflits armés aux côtés des organisations terroristes internationales ».
Après les conflits afghan et irakien, le sommet de l’OTSC s’est penché sur les situations de crise au sein de l’espace post-soviétique, notamment la guerre civile en Ukraine et le conflit du Haut-Karabakh qui s’est aggravé en 2014.
La veille du sommet de Moscou, les présidents biélorusse Alexandre Loukachenko et kazakh Noursoultan Nazarbaïev s’étaient rendus à Kiev dans le cadre d’une mission de maintien de la paix. Les experts estiment que l’objectif principal de la visite était de conduire des consultations supplémentaires à la veille de la prochaine réunion de Minsk entre les représentants du gouvernement ukrainien et les ceux des républiques autoproclamées du Sud-Est. Ces derniers temps, de nombreux observateurs soupçonnaient Kiev de chercher, en réalité, à torpiller le processus de négociations et de souhaiter une nouvelle escalade du conflit.
Conformément à la déclaration du sommet de Moscou, l’OTSC soutient le « rétablissement de la paix en Ukraine » via un dialogue politique et la « mise en œuvre d’un processus de dialogue entre toutes les parties au conflit ». Toutefois, une mission de maintien de la paix directe de la Russie, pays le plus intéressé par la résolution du conflit à ses frontières, est impossible, car Kiev a maintes fois accusé Moscou de soutenir l’insurrection dans le Sud-Est, voire de conduire une agression armée. En conséquence, Astana et Minsk se posent en tant qu’intermédiaires neutres dans le conflit ukrainien. Rappelons que les structures de l’OTSC se sont montrées efficaces dans ce domaine lors de la résolution de conflits frontaliers au Kirghizistan et au Tadjikistan cette année.
La situation au Haut-Karabakh est tout aussi complexe : l’Arménie est directement impliquée dans le conflit, ce qui complique considérablement la position de l’OTSC sur la question. Au final, le sommet s’est limité à appeler tous les membres du conflit à poursuivre le dialogue avec la médiation du groupe de Minsk de l’OSCE, co-présidé notamment par un représentant de la Russie.
L’OTSC, pour le moment libre de toutes contradictions internes visibles, doit ainsi faire face à de sérieux défis extérieurs. Elle devra y répondre par des mesures de défense collective, ainsi que par le développement de différents formats de négociation avec la médiation des structures et des pays-membres de l’Organisation.
Nikita Mendkovitch, expert du Conseil russe pour les affaires internationales (CRAI).
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