Anna Kozina, pour RBTH

Les rois de l'eau :
légendes de la natation russe et soviétique

RBTH présente quatre sportifs russes célèbres qui ont marqué la natation

Du 24 juillet au 9 août, Kazan accueille le championnat du monde de natation. Il s'agit du premier tournoi d'une telle ampleur organisé en Russie sous l'égide de la Fédération internationale de natation (FINA). Le public s'attend à de belles réussites de la part des sportifs du pays organisateur.

Et même si les chances réelles de remporter des médailles ne concernent pas toutes les disciplines, on compte sur un miracle, la chance ou un coup de pouce providentiel de la Mère patrie. D'autant que l'histoire de la natation russe et soviétique compte quelques superchampions…

Vladimir Salnikov

À 20 ans, le nageur Vladmir Salnikov devient le héros incontesté des Jeux olympiques de 1980 à Moscou. L'absence des principaux rivaux de l'équipe américaine (qui boycottait les Jeux olympiques en URSS pour des raisons politiques) et du double champion olympique de Montréal-1976 Brian Goodell lui permet de rafler trois médailles d'or sur 400m, 1 500m et au relais 4 × 200m nage libre. Mais ses résultats étaient sans appel : sur sa distance demi-fond préférée, Salnikov est le premier de l'histoire à passer sous la barre des 15 minutes et afficher un résultat de 14.58,27.

« Je rêvais de battre le record du monde, même si je n'étais pas dans la meilleure disposition. J'attendais tellement la rencontre avec les sportifs américains », se souvient Salnikov. « Dans la course, il y a eu un moment où j'ai décidé que je ne parviendrais pas à établir un record, mais vers 1 100-1 200 mètres, j'ai senti que je n'avais plus de force, que je devais au moins gagner. Et je me suis dit : c'est maintenant ou jamais. J'ai donné un coup encore plus acharné et j'ai réussi à surmonter ma fatigue ».
À 20 ans, le nageur Vladmir Salnikov devient le héros incontesté des Jeux olympiques de 1980 à Moscou. Source : RIA Novosti, Imago / Legion Media
La carrière de Salnikov connaît de nombreux passages à vide. Il doit surmonter ses propres obstacles, mais aussi des écueils politiques (le boycott des Jeux de Los Angeles par l'équipe soviétique, où Salnikov aurait pu reproduire son doublé d'or en individuel). Il doit subir la séparation avec son entraîneur de longue date Igor Kochkine qui ne croyait pas que son élève étoilé, alors considéré comme un « vétéran », puisse prétendre au titre à Seoul-88. Mais c'est en Corée, huit ans après son triomphe moscovite, qu'il remporte sa quatrième victoire fantastique et sensationnelle. Il la partage avec son épouse Marina, devenue son entraîneur, manager et masseur.

Les Russes espèrent que Salnikov renouera avec le succès lors du tournoi à domicile, le championnat du monde de natation à Kazan, cette fois dans la catégorie des vétérans
« Masters ». Le président de la Fédération russe de natation est prêt à abandonner son bureau le temps d'un plongeon dans son élément familier. Il ne s'agira pas du 1 500m demi-fond - Salnikov devra ressortir son maillot de sprinter. Le champion a déjà commencé sa préparation. « J'ai porté ma session d'entraînement à 3 000m », raconte Salnikov dans un entretien avec Rossiyskaya Gazeta. « Pour moi, il ne s'agit pas de montrer un résultat à tout prix. Dans les tournois « Masters », le principe olympique dit « L'essentiel n'est pas de gagner, mais de participer ».

Alexander Popov

Alexander Popov, un autre quadruple champion olympique sur 50 et 100m en nage libre (Barcelone-92 et Atlanta-96), partage avec Vladimir Salnikov le nombre record de médailles d'or olympiques parmi les nageurs russes et soviétiques.

Comme Salnikov, tout au long de sa carrière, Popov s'est mesuré aux Américains, ses victoires provoquant parfois la stupéfaction des favoris. C'est, par exemple, le cas aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996, quand le président américain de l'époque Bill Clinton assiste à la finale de 50m en crawl spécialement pour remettre la médaille au favori local Gary Hall. C'était sans compter sur Alexander Popov, qui lui ravit l'or.

« Pour gagner la médaille d'or, il faut faire un pas. Un seul, mais très difficile. C'est ce pas qui distingue le vainqueur des Jeux olympiques du champion du monde »

Alexander Popov
Alexander Popov, champion olympique sur 50 et 100m en nage libre (Barcelone-92 et Atlanta-96). Source : TASS
Il se peut que nous assistions prochainement à de nouvelles victoires d'un Popov. En mai 2014, l'agence russe R-Sport a informé que le fils ainé de Popov Vladimir s'entraînait dans le groupe de Guennadi Touretski, celui-là même qui amena Alexander à la victoire, bien que Popov n'ait jamais voulu que ses fils deviennent des nageurs professionnels.

« Je ne souhaiterais pas à mes enfants de traverser les mêmes épreuves que celles que j'ai traversées moi-même », explique le sportif dans un entretien avec Rossiyskaya Gazeta. « Deux nageurs professionnels – ma femme Daria et moi-même - dans une famille, c'est plus que suffisant ».

Il est possible que Popov parle ainsi car est très exigeant avec lui-même et avec ceux qui viennent prendre la relève.

« Nous pouvons préparer des futurs médaillés pour le championnat du monde, pour le championnat d'Europe et même des champions d'Europe. Mais les Jeux olympiques sont une compétition tout à fait à part », a confié le champion russe de natation quand son équipe est revenue des Jeux olympiques sans or, une fois de plus. « Pour gagner la médaille d'or, il faut faire un pas. Un seul, mais très difficile. C'est ce pas qui distingue le vainqueur des Jeux olympiques du champion du monde ».

Dmitri Sautin

Le légendaire Dmitri Sautin participe à sa dernière compétition de plongeon en 2010 et prend officiellement sa retraite en 2014, après avoir consacré 31 ans de sa vie au plongeon.

Dans l'une de ses interviews, Sautin reconnaissait qu'il regrettait de ne pas avoir abandonné le sport après son échec aux Jeux olympiques de 2008. Une seule médaille d'argent au tremplin de 3 mètres est, effectivement, une maigre performance pour ce sportif, considéré comme le meilleur plongeur du XXe siècle. Quintuple champion du monde, Sautin est le seul détenteur de huit médailles olympiques au plongeon de l'histoire des Jeux. Deux d'entre elles sont des médailles d'or remportées à Atlanta (1996) et à Sydney (2000).

Dmitri Sautin avec son entraîneur Tatiana Starodoubtseva. Source : TASS
Pourtant, la première médaille olympique de Sautin est le bronze des Jeux de 1992 à Barcelone, remporté en portant un maillot emprunté.

« J'avais oublié mon maillot à l'hôtel », raconte Dmitri revenant sur cette anecdote dans un entretien avec Rossiyskaya Gazeta. « Pendant que les autres dormaient entre les entraînements, j'explorais le village olympique, je me promenais à Barcelone. J'étais un jeune, né en Union soviétique, qui n'avait jamais rien vu d'autre. Évidemment, à l'époque j'étais ébloui. Bref, dans ma précipitation, en partant pour la compétition, j'ai oublié mon maillot à l'hôtel. C'est le Mexicain Fernando Platas qui m'a sauvé, et il n'est arrivé que 17e à ces Jeux-là. Plus tard, nous sommes devenus amis. Désormais, il est ministre des Sports du Mexique ».

Au championnat du monde de Kazan, Sautin est prêt à remonter sur le tremplin pour participer au tournoi des vétérans « Masters ». Dmitri est, par ailleurs, enthousiasmé par les expérimentations. Par exemple, pour s'amuser, il s'est essayé à une nouvelle discipline – le plongeon synchronisé avec la jeune Diana Tchaplieva.

Anastasia Davydova

Les nageuses synchronisées russes n'ont jamais perdu une seule compétition critique depuis 1997. Anastasia Ermakova et Anastasia Davydova, quadruples médaillées d'or à Athènes et à Pékin, ont même leur entrée dans le Livre Guinness des records en tant que sportives les plus médaillées de la discipline. Mais en 2012 à Londres, Davydova a établi son propre record pour devenir quintuple championne olympique.

On pourrait imaginer que les Jeux olympiques de 2012 ont été les plus difficiles pour Davydova, car elle a commencé à s'y préparer après une pause d'un an de demi dans les entraînements. Rien de tel. Les Jeux d'Athènes de 2000 sont restés l'Olympiade la plus pénible.

« Nous avions une charge de travail monstrueuse », raconte Davydova dans un entretien avec Rossiyskaya Gazeta. « D'abord, Nastia Ermakova et moi, à peine promues séniors, combattions un duo japonais expérimenté en essayant de prouver que nous étions de vrais leaders. Puis les championnes olympiques Maria Kisseleva et Olga Brousnikina sont revenues dans le sport. Pendant deux ans, nous avons lutté pour le droit de représenter la Russie aux Jeux. Chaque entraînement était pour nous comme une compétition olympique. De plus, à Athènes, pendant la compétition par équipe, on nous a coupé la musique. Bref, en effort physique et moral, les Jeux d'Athènes sont à part ».

Source: PhotoXPress
Dans la piscine, Davydova affiche une autre caractéristique personnelle. À l'entraînement pour le programme par équipe, Anastasia se reconnaît parmi les autres nageuses synchronisées par son célèbre tatouage – son dos, ses hanches et ses épaules révèlent toute une volée de papillons multicolores. Pendant les compétitions, elle devait, bien sûr, les couvrir de fond de teint. Même aujourd'hui, Nastia, vice-présidente et secrétaire générale du Comité olympique russe, doit choisir ses robes pour les événements officiels avec un soin particulier, en respectant l'étiquette professionnelle.
À Kazan, Davydova aura le plaisir d'évaluer une innovation, le duo mixte. La Russie sera représentée par Alexandre Maltsev et Darina Valitova.

« C'est génial d'avoir des garçons dans notre discipline », estime Davydova. « Les hommes sont capables de faire des portées hautes. À l'avenir, on pourrait imaginer quelque chose d'intéressant avec un groupe de 4x4. C'est dommage, pour le moment les garçons ne tiennent pas dans notre sport. Pour les entraînements, j'ai sélectionné six hommes, il n'en reste plus qu'un ».

Texte par Anna Kozina
Crédit photo : RIA Novosti, TASS, Getty Images, EPA, PhotoXPress, Reuters, Kremlin.ru, Imago/Legion Media
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