Rencontre Poutine-Erdogan: quel impact sur les relations?

Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine.

Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine.

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Tenue le 10 mars à Moscou, la rencontre du président russe Vladimir Poutine avec son homologie turc Recep Tayyip Erdogan a été avant tout l’occasion de constater le rétablissement définitif des relations bilatérales. En outre, elle a connu un certain développement : elle a été suivie d’une réunion du Conseil de sécurité de Russie consacrée, selon le Kremlin, au dossier syrien et ce « à la lumière » des négociations avec le président turc.

Les négociations tenues vendredi dernier à Moscou ont été l’occasion pour les leaders russe et turc d’évoquer le rétablissement des relations bilatérales. « Je pense que dans nos déclarations officielles nous pouvons abandonner la notion de +normalisation des relations+, car nous pensons avoir déjà franchi cette étape », a indiqué Recep Tayyip Erdogan. Vladimir Poutine a confirmé pour sa part que les deux pays avaient « restauré un dialogue politique intense » et a constaté le redémarrage d’autres mécanismes de coopération bilatérale.

Les relations des deux pays se sont retrouvées plongées dans une crise profonde en novembre 2015, quand les forces aériennes turques ont abattu un avion militaire russe dans le ciel syrien. Toutefois, depuis l’été dernier, les deux pays ont commencé à normaliser leurs relations à l’initiative d’Ankara.

Les « bons souvenirs » de Vladimir Poutine

Dans cette optique, Vladimir Poutine a annoncé lors de la rencontre de Moscou que la Russie levait l’interdiction de travailler dans le pays pour les sociétés du bâtiment turques. Il a promis également de libéraliser le régime de visas avec la Turquie introduit après l’incident avec le bombardier russe.

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Vladimir Poutine a évoqué non seulement les voyages de Turcs en Russie, mais également les séjours de Russes en Turquie, pays qui récemment encore, en raison du nombre élevé de touristes russes passant leurs vacances dans le pays, était qualifié de « station balnéaire de toute la Russie », par analogie avec les villes au bord de la mer Noire qui accueillaient des foules de Soviétiques. Le président russe a affirmé que « le flux touristique de Russes en Turquie était (…) un maillon important de notre vie ces dernières années ». Il a avoué qu’avant de déménager à Moscou dans la seconde moitié des années 1990, il avait séjourné lui-même avec plaisir en Turquie. « Et de ces vacances, j’ai gardé les meilleurs sentiments et de bons souvenirs », a-t-il précisé.

Les deux présidents ont confirmé au sommet de Moscou leur détermination à matérialiser les grands projets économiques russo-turcs. Selon Vladimir Poutine, le géant gazier russe Gazprom est d’ores et déjà prêt à entamer la pose de la conduite Turkish Stream passant par le fond de la mer Noire, tandis que l’Agence fédérale pour l’énergie atomique Rosatom entame la construction de la centrale d’Akkuyu. En outre, Moscou et Ankara se sont entendus dans le domaine économique pour mettre en place un fond d’investissements commun doté d’un milliard de dollars.

Le président turc s’élève contre les organisations kurdes en Russie

Le dossier syrien a été l’un des pivots des négociations. D’après le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, la réunion du Conseil de sécurité russe qui a suivi immédiatement la rencontre des deux présidents a permis « de procéder à un échange de vues sur le règlement en Syrie, notamment à la lumière des négociations avec la Turquie ». Les experts estiment que la question numéro un examinée d’abord par les deux présidents puis par le Conseil de sécurité russe concernait les relations entre la Russie et les Kurdes syriens.

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À l’issue des négociations au Kremlin, Recep Tayyip Erdogan a fait au sujet des Kurdes des déclarations qui n’ont pas été commentées par son homologue russe. Il a affirmé que les organisations kurdes qualifiées de terroristes par Ankara devaient cesser leurs activités en Russie. Il y a un an, la Russie a accueilli une représentation du Kurdistan syrien, la première au monde.

Moscou ne doit pas « perdre la face »

Semion Bagdassarov, directeur du Centre d’étude du Proche-Orient et de l’Asie centrale, a déclaré à RBTH que la motivation du président turc était évidente : il est incommodé par les Kurdes syriens qui sont étroitement liés aux Kurdes de Turquie accusés de séparatisme par les autorités du pays. Les Kurdes syriens possèdent une influente représentation politique et disposent d’unités militaires combattives. L’expert estime que la Russie ne doit pas céder aux exigences d’Ankara et priver les Kurdes de son soutien, même si ceux-ci reçoivent l’essentiel de leur aide de la part de l’Occident et non de Moscou. En troquant les Kurdes syriens pour le gazoduc et la centrale nucléaire, la Russie « risque de perdre la face », a-t-il fait remarquer.

Pour Irina Zviaguelskaïa, professeur à la chaire d’orientalisme à l’Institut des relations internationales de Moscou, les débats concernant le statut des Kurdes se poursuivront. La Russie ne renonce pas à sa position selon laquelle les Kurdes doivent être représentés aux négociations de Genève en tant que force politique indépendante, ce qui suscite des objections de la part d’Ankara.

Outre la question kurde, les négociations des deux présidents et la réunion du Conseil de sécurité russe ont fourni l’occasion d’évoquer l'éventuelle livraison de systèmes de missiles anti-aériens S 400 à Ankara, estiment les experts. Selon les médias, l’examen de la question était inscrit au programme de la rencontre entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan.

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