Syrie : la guerre des résolutions

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et le représentant permanent de la Russie auprès de l'Onu Vitali Tchourkine à lors de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York le 21 septembre 2016.

Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov et le représentant permanent de la Russie auprès de l'Onu Vitali Tchourkine à lors de l'Assemblée générale des Nations Unies à New York le 21 septembre 2016.

Reuters
La Russie et les pays occidentaux ont bloqué tour à tour des projets de résolution sur la Syrie soumis au Conseil de sécurité des Nations unies. Selon les experts russes, la situation, tant à Alep que sur la scène internationale, est trop tendue pour laisser une chance à la diplomatie.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a examiné le 8 octobre deux projets de résolution sur la Syrie sans en adopter aucun. Moscou a opposé son veto au texte (de la France et de l’Espagne) appelant à la cessation immédiate des bombardements sur Alep et à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne à Alep.

Vitali Tchourkine, ambassadeur de Russie à l’Onu, a proposé un autre projet sur lequel l’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie, Staffan de Mistura, devait organiser des consultations, appelant au retrait des membres du Front al-Nosra des quartiers orientaux d’Alep pour faire cesser les hostilités dans la ville.

Ce projet a été bloqué à son tour : neuf membres du Conseil de sécurité, y compris la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France, ont voté contre. La Chine a soutenu le projet russe en s’abstenant lors du vote sur le projet français.

Les différends

L’échec des deux résolutions n’est pas une surprise. Dès le début de la réunion, Vitali Tchourkine a qualifié celle-ci de « l’une des plus étranges mises en scène de l’histoire ». Tous ceux qui se sont réunis « comprennent très bien qu’aucun des deux projets de résolution ne sera adopté », a-t-il indiqué.

Selon lui, il est inacceptable pour la Russie de limiter l’action de ses forces aérospatiales en Syrie sous pression du Conseil de sécurité, ce qui aurait dû être fait avec l’introduction d’une zone d’exclusion.

Les pays occidentaux accusent la Russie de vouloir assurer la victoire du président syrien en exercice Bachar el-Assad et non d’arriver à un règlement négocié du conflit. Ils affirment que le refus d’instaurer une zone d’exclusion ne fera que prolonger l’effusion de sang.

« Du fait de votre décision, des Syriens continueront de mourir à Alep et ailleurs sous les bombardements russes et syriens », a lancé Matthew Rycroft, l'ambassadeur britannique aux Nations unies, à Vitali Tchourkine.

La Russie critique l’Occident pour sa position déséquilibrée sur la Syrie et pour, d’après son expression, son soutien dissimulé au terrorisme.

Commentant les résultats de la réunion du Conseil de sécurité sur sa page officielle Facebook, le ministère russe des Affaires étrangères a accusé les auteurs du projet de résolution français « de vouloir interdire les vols dans le secteur d’Alep pour garantir une protection aux terroristes du Front al-Nosra ».

Les auteurs du projet « ont pour idée fixe un changement anticonstitutionnel du pouvoir en Syrie », a-t-il affirmé.

L’heure n’est pas à la diplomatie

Leonid Issaïev, enseignant à la chaire de politologie de la Haute école d'économie, estime que la résolution française n’avait aucune chance en raison des tensions actuelles.

« A cause des scandales qui ont éclaté après les tirs des Américains contre l’armée syrienne à Deir ez-Zor (le 17 septembre) et le bombardement d’un convoi humanitaire des Nations unies (le 19 septembre) à Alep, les parties campent sur des positions diamétralement opposées et ne sont pas prêtes au dialogue », a-t-il expliqué à RBTH.

Selon lui, la France n’a pas réussi à convaincre la Russie des avantages de son projet. « Il se peut que la résolution française permette de trouver un compromis, a noté Leonid Issaïev. Mais il faut que les passions s’apaisent. A l’heure actuelle, n’importe quelle initiative de la Russie sera mal accueillie par l’Occident et vice versa ».

Ce point de vue est entièrement partagé par Vassili Kouznetsov, président du Centre des études arabes et islamiques de l’Institut d’orientalisme.

« A l’heure actuelle, il ne faut pas s’attendre à un règlement diplomatique, a-t-il souligné. Non seulement en raison de la position destructrice des Etats-Unis qui accusent la Russie de tout ce qui se passe en Syrie, mais avant tout parce que les parties en conflit dans le pays n’aspirent pas au règlement ».

D’abord la guerre, ensuite les négociations

Sur fond d’échec du règlement, le président syrien Bachar el-Assad cherche à obtenir une victoire militaire à Alep, a poursuivi Leonid Issaïev. « Le régime syrien a fermement l’intention de saisir sa chance sur le théâtre des hostilités où la situation lui est plus favorable qu’aux rebelles », a-t-il indiqué.

Il estime que les autorités officielles de Damas ont l’intention d’entamer un règlement politique après leur victoire à Alep, ce qui leur offrira un avantage indiscutable aux négociations.

Vassili Kouznetsov n’est pas certain que les troupes du régime possèdent un potentiel suffisant pour prendre Alep, même avec le soutien militaire de l’Iran et des forces aérospatiales russes. Quoi qu’il en soit, les forces de Damas sont épuisées et même en cas de prise de la ville, il faudra de toute manière négocier, a-t-il affirmé.

Il fait également valoir l’importance des Nations unies en qualité de plateforme de négociations. Malgré les échecs actuels, il n’existe pas d’alternative au règlement du conflit dans le cadre de l’Onu.

« Le groupe de Staffan de Mistura a travaillé ferme et a élaboré un grand nombre de décisions pour la période de transition. Ainsi, quand le processus de paix aura été amorcé, il ne le sera pas à partir de zéro. C’est très important », a indiqué pour conclure Vassili Kouznetsov.

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