Envers et contre tout : 25 ans de relations entre la Russie et Israël

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) et le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se serrent la main  lors d'une conférence de presse suite à leur entretien au Kremlin à Moscou.

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) et le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se serrent la main lors d'une conférence de presse suite à leur entretien au Kremlin à Moscou.

AP
Tel-Aviv bombarde les alliés de Moscou en Syrie, les deux pays divergent sur le problème palestinien, mais il semble qu’en 25 ans la Russie et Israël aient appris à préserver de bonnes relations malgré tout.

En neuf mois échelonnés en 2015 et 2016, le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou est venu à quatre reprises à Moscou pour rencontrer le président russe Vladimir Poutine. La dernière visite remonte au mois de juin. Avec le leader des Etats-Unis, l’allié stratégique d’Israël, Benyamin Netanyahou n’a eu pendant cette période qu’une seule rencontre. Qui plus est, au mois de mars, il a décliné une invitation à se rendre à Washington. A la différence du président américain Barack Obama, Vladimir Poutine a réussi à établir une bonne entente personnelle avec le chef du gouvernement israélien, au point que le journal allemand Der Tagesspiegel a qualifié leurs relations d’exemple « d’amitié entre hommes » dans la politique.

Moscou développe intensément sa coopération avec Tel-Aviv ces derniers temps. Les deux pays ont établi un régime sans visa en 2008 et ont signé un accord de coopération technico-militaire en 2010. La Russie achète à Israël non seulement des fruits et légumes, mais également des drones militaires. Une situation inimaginable à l’époque soviétique, quand le Kremlin classait le sionisme parmi ses principaux ennemis. Toutefois, il est évident que la Russie et Israël divergent aujourd’hui sur certains sujets.
 
La Syrie comme pomme de discorde

Les visites de Benyamin Netanyahou à Moscou ne sont pas uniquement dues à ses bonnes relations avec Vladimir Poutine. Depuis que la Russie a lancé son opération militaire en Syrie, en septembre 2015, les intérêts de Moscou se sont retrouvés confrontés à ceux de Tel-Aviv. Comme la Russie, Israël porte des frappes contre le territoire syrien, mais prend pour cible ceux que soutient Moscou : le mouvement Hezbollah, voire les troupes du président syrien Bachar el-Assad. La raison est que les alliés de ce dernier, Hezbollah et l’Iran, représentent une menace directe pour l’Etat hébreu.

« Le danger que représentent pour les frontières israéliennes les opérations des alliés d’Assad est bien plus important pour Israël que l’hypothétique arrivée au pouvoir des islamistes en Syrie, estime Irina Zviaguelskaïa, spécialiste d’Israël, professeur à l’Institut des relation internationales et experte de l’Institut d’orientalisme. Tel-Aviv est irrité par les opérations de l’Iran et du Hezbollah en Syrie, qui y accumulent de l’expérience militaire ». Israël détruit notamment les armes russes qui se sont retrouvées entre les mains du Hezbollah.
 
Capacité au compromis

Dans le même temps, poursuit Irina Zviaguelskaïa, Israël réalise que la Russie souhaite préserver la souveraineté de la Syrie. Israël aurait peut-être préféré que les pays occidentaux renversent Bachar el-Assad, mais il ne manifeste pas son mécontentement. L’inverse est également  vrai: la Russie comprend que la sécurité des frontières est ce qu’il y a de plus important pour Israël et ne s’oppose pas à la destruction de ses armes tombées entre les mains du Hezbollah. Les forces aériennes des deux pays coordonnent leurs opérations en Syrie.

La Syrie n’est pas le seul dossier sur lequel les avis des deux pays ne coïncident pas. Ainsi, la Russie, tout comme la plus grande partie de la communauté internationale, soutient la mise en place d’un Etat palestinien, tandis que la direction israélienne s’y oppose farouchement. Toutefois, le sujet ne fait naître aucun conflit entre les deux pays.
« A l’heure actuelle, nous avons avec Israël des relations à tel point amicales que nous pouvons nous permettre de ne pas être d’accord sur certaines questions. C’est normal », a constaté Irina Zviaguelskaïa. En 2016, la Russie et Israël parviennent à fermer les yeux sur les contradictions au nom des bonnes relations.
 
Un triste passé

Cela n’a pas toujours été le cas. Pendant la guerre froide, les relations entre les deux pays étaient entièrement dépendantes de la situation au Proche-Orient, où la Russie et Israël se trouvaient sur des côtés opposés de la barricade. Israël était l’allié des Etats-Unis, tandis que l’Union soviétique défendait dans le conflit arabo-israélien la cause des pays arabes et du mouvement palestinien.

En 1967, quand Israël a vaincu les armées de l’Egypte et de la Syrie, alliés soviétiques, à l’issue la Guerre des Six Jours, l’URSS a pris la décision de rompre tous les contacts officiels. Moscou exigeait que Tel-Aviv se retire aux frontières d’avant cette guerre et reconnaisse le droit des Palestiniens à avoir leur Etat, tandis que les hommes politiques israéliens opposaient un « niet » catégorique. Ce n’est qu’en 1991, plusieurs mois avant le démembrement de l’Union soviétique, que les relations diplomatiques ont été rétablies et que les contacts ont commencé à se développer.
 
« L’alya russe »

Une étape importante du rétablissement des relations fut l’annulation par Mikhaïl Gorbatchev de toutes les restrictions à l’émigration des Juifs soviétiques en Israël. A la fin des années 1980 et au début des années 1990, sur le fond de la désagrégation de l’URSS et d’appauvrissement des républiques qui en avaient fait partie, les citoyens de ces pays émigraient en masse. Cette vague d’émigration fut baptisée « alya russe » (alya signifiant rapatriement). Israël compte actuellement 1,2 million de ressortissants des anciennes républiques soviétiques, la plus grande diaspora pour un pays de 8,5 millions d’habitants.

L’ambassadeur d’Israël en Russie, Zvi Heifetz, a qualifié les Israéliens russophones de « pont vivant » entre les deux pays. En effet, Israël fait paraître des journaux et des magazines en russe, tandis que des députés russophones siègent à la Knesset, le parlement israélien.
 
La vie de la diaspora

« Tout le monde sait que nombre d’entre nous ne connaissent pas l’hébreu. Nous restons entre nous, a déclaré Ksénia Tserkovski, originaire de Moscou et qui a déménagé à Jérusalem au mois de février. Mais il me semble que l’Israélien moyen ait une attitude positive envers ses voisins soviétiques et postsoviétiques ».

Elle rappelle ce que pensent les Israéliens des « Russes »: ils sont assidus, travailleurs, supportent presque toutes les conditions et, en règle générale, ils sont cultivés. En effet, Israël apprécie l’enseignement et la formation russes et embauche avec plaisir les russophones pour donner des cours particuliers même s’ils ne maîtrisent pas très bien l’hébreu. Il existe des clichés moins flatteurs selon lesquels les Israéliens d’origine russe boivent beaucoup, jurent et les jeunes filles peuvent avoir des mœurs très libres.

Les Israéliens d’origine russe, poursuit Ksénia, préservent les relations avec leur pays d’origine, notamment avec la Russie, car nombre d’entre eux y ont laissé des parents et des amis. « A chacun de ceux à qui nous avons fait un geste de la main en nous retournant sur la passerelle de l’avion, nous avons laissé quelque chose de nous-mêmes et leur sort ne nous est pas indifférent », a-t-elle noté. Irina Zviaguelskaïa renchérit : « En Israël, il est plus facile de garder un lien avec la Russie que dans n’importe quel autre pays. En partant en Israël, les gens continuent de vivre dans les deux Etats. Assurément, cela attire ».

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