Visite de François Hollande à Moscou : percée sans coalition

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) accuielle son homologue français François Hollande au Kremlin le 26 novembre 2015.

Le président russe Vladimir Poutine (à droite) accuielle son homologue français François Hollande au Kremlin le 26 novembre 2015.

Reuters
Les présidents russe et français, Vladimir Poutine et François Hollande, ont eu des négociations à Moscou pour évoquer la possibilité de mettre en place une grande coalition dans la lutte contre le terrorisme en Syrie. Les entretiens n’ont pas débouché sur une telle coalition, mais certains politiques russes qualifient tout de même ces négociations de « percée ».
  •  la Russie et la France n’ont pas réussi à s’entendre sur la création d’une large coalition pour lutter contre l’Etat islamique (EI)
  •  Moscou et Paris ont toujours des visions différentes sur le rôle du président syrien Bachar el-Assad dans le règlement en Syrie
  •  Vladimir Poutine et François Hollande ont décidé de procéder à des échanges de renseignements et de coordonner leurs actions en Syrie dans la lutte contre les terroristes
  •  la Russie et la France doivent définir ensemble les groupes syriens qui seront la cible de frappes
  •  la Douma (chambre basse du parlement russe) a qualifié de « percée » les « ententes concrètes » des deux présidents

 

La visite de François Hollande à Moscou, réalisée jeudi soir, a été le dernier volet du marathon diplomatique entrepris par le président français après les attentats de l’EI à Paris, il y a deux semaines. Avant de rencontrer Vladimir Poutine, François Hollande a évoqué la nécessité d’intensifier la lutte contre les terroristes de l’EI avec les leaders des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, d’Allemagne et d’Italie.

La rencontre entre les présidents russe et français, qui a duré plusieurs heures, a fait ressortir, comme il fallait s’y attendre, l’impossibilité de former une large coalition comprenant les Etats-Unis et la Russie. A l’issue des négociations, Vladimir Poutine a déclaré lors d’une conférence de presse au Kremlin que les partenaires de la Russie – la coalition au Proche-Orient compte plusieurs dizaines de pays conduits par les Etats-Unis – n’étaient pas prêts à une telle initiative. Cette affirmation n’a pas suscité d’objection de la part de François Hollande. Aucune entente n’est intervenue non plus sur un autre sujet qui entrave l’émergence d’une éventuelle coalition : le sort du président syrien. François Hollande a indiqué que Bachar el-Assad n’avait pas sa place dans la Syrie du futur, tandis que Vladimir Poutine a fait remarquer que le sort du président relevait du peuple syrien.

Des paroles aux actes

Dans le même temps, malgré les différends, la rencontre a été qualifiée de « percée ». C’est le terme employé par Alexeï Pouchkov, chef de la commission des affaires internationales de la Douma, pour parler de l’entente de la Russie et de la France au sujet d’opérations communes en Syrie contre l’EI. François Hollande a notamment indiqué : « Nous sommes tombés d’accord pour augmenter les échanges d’informations de toute nature entre nos forces et afin de coordonner les frappes contre Daech ». Vladimir Poutine a souligné pour sa part qu’il était indispensable d’éviter de bombarder les territoires des formations qui luttent elles-mêmes contre les terroristes. « Deux grandes puissances du monde moderne, deux membres du Conseil de sécurité des Nations unies, ont déclaré entamer une lutte commune et non séparée contre l’organisation terroriste EI », a confié Alexeï Pouchkov à la chaîne de télévision Rossia 24. C’est l’abandon « des allusions et des déclarations » au profit « d’ententes concrètes » qu’il qualifie de percée.

Coopération avec la Russie

Les experts restent pourtant prudents tout en relevant l’importance des résultats de la rencontre. La décision de la France et de la Russie de coordonner leurs actions contre l’EI, « c’est beaucoup », a affirmé Dmitri Danilov, chef du département de la sécurité européenne de l’Institut de l’Europe. L’accord entre Paris et Moscou indique à tous ceux qui luttent contre l’EI « le chemin à suivre en entamant la coopération avec la Russie ». Vu l’impossibilité de matérialiser l’idée d’une large coalition, il serait possible de lancer la coopération contre les terroristes entre des pays séparés. Dans cette optique, les ententes de Moscou visant à coordonner leurs efforts antiterroristes pourraient servir de modèle aux autres pays membres de la coalition américaine.

Pour Evgueni Mintchenko, directeur de l’Institut international d’expertise politique, ce qui compte, c’est le fait même du lancement de négociations sur des opérations communes en Syrie. Jusqu’ici, a-t-il rappelé, les Etats-Unis et leurs alliés avaient toujours vivement critiqué la politique syrienne de Moscou. Aujourd’hui, l’Occident commence à se distancier de ces idées.

Dans le même temps, les analystes font observer que les ententes entre Paris et Moscou ne sont pour l’instant que préliminaires. Ils appellent à attendre de voir comment elles évolueront vers une coopération pratique. D’après Pavel Sviatenkov, expert de l’Institut de stratégie nationale (indépendant), « pour le moment, l’accord sur les échanges d’informations et sur la coordination n’ont rien de concret ».

Apaiser la crise russo-turque

La visite du président français peut également jouer un rôle positif dans les relations entre Moscou et la communauté euro-atlantique. Toujours selon Dmitri Danilov, la France pourrait devenir une sorte de « balancier ». A la lumière des nouvelles relations avec Moscou au sujet du conflit syrien, a-t-il noté, Paris pourrait influer sur la position des autres membres de l’Otan et de l’Union européenne. Ces derniers, quoiqu’indirectement, sont concernés par le conflit qui a éclaté entre la Russie et la Turquie après que l’armée de celle-ci eut abattu un bombardier russe à la frontière turco-syrienne. Dans un tel contexte, la France peut tenir un rôle positif et pacificateur.

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