Le spectre de nouvelles ogives américaines crée des tensions en Europe

L'avion d'attaque Tornado IDS de la Force aérienne allemande transportant des missiles de croisière air-sol TAURUS KEPD 350.

L'avion d'attaque Tornado IDS de la Force aérienne allemande transportant des missiles de croisière air-sol TAURUS KEPD 350.

DPA/Vostock Photo
Les rumeurs sur l’intention des Etats-Unis de déployer 20 bombes nucléaires modernisées en Allemagne ont suscité une vive réaction des autorités russes, qui ont déclaré qu’elles transfèreraient des bombardiers et des missiles tactiques à la frontière occidentale. Les experts mettent en garde : la tension pourrait monter d’un cran en Europe.

La nouvelle de l’éventuel déploiement d’ogives nucléaires tactiques de type B61-12 dans la base allemande de Büchel a suscité une vive réaction du Kremlin. « C’est une nouvelle démarche, malheureusement une démarche très sérieuse, qui va dans le sens de l’escalade de la tension sur le continent européen », a déclaré le 23 septembre le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov. « Comme cela risque de violer l’équilibre stratégique en Europe, il est évident que la Russie sera contrainte de prendre des dispositions appropriées, des contre-mesures pour rétablir la parité », a-t-il déclaré, cité par l’agence RIA Novosti.

Le Bundestag (assemblée parlementaire allemande, ndlr) a décidé en 2010 que le gouvernement insisterait sur le retrait des armes nucléaires américaines d’Allemagne. Toutefois, celles-ci sont toujours dans la base de Büchel. Qui plus est, le nouveau plan prévoit de moderniser cet arsenal. En cas de guerre, les chasseurs-bombardiers allemands Tornado pourraient emporter ces bombes sur ordre de l’Otan.

Selon les médias russes, Moscou pourrait procéder au transfert des batteries de missiles Iskander-M dans la région de Kaliningrad (la plus occidentale de Russie) face à l’intention de doter les chasseurs-bombardiers allemands de nouvelles ogives nucléaires.

Viktor Ozerov, président de la commission de défense et de sécurité du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), a même affirmé que le déploiement de nouvelles armes nucléaires en Allemagne pourrait pousser la Russie à se retirer du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire (FNI).

L’Europe doit redouter une nouvelle guerre froide

La porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré dans une interview à la chaîne de télévision allemande ZDF que la Russie était préoccupée par l’éventuel emploi de l’arme nucléaire américaine par des pays ne disposant pas de leur propre arsenal. « Il s’agit de la violation des articles 1 et 2 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) », a-t-elle souligné.

Les Etats-Unis n’estiment pas qu’ils violent ce document. Toutefois, Shelley Laver, chef adjointe du service de presse de l’Administration nationale de la sécurité nucléaire (NNSA), s’est empressée de préciser que la fabrication des bombes de type B61-12 ne commencerait pas avant 2020.

Igor Korotchenko, directeur du Centre d’analyse du commerce international des armes et membre du Conseil public auprès du ministère russe de la Défense, estime qu’à la lumière des relations tendues entre la Russie et l’Occident, le déploiement d’armes nucléaires américaines modernisées en territoire allemand contribuerait à déstabiliser l’Europe, ce qui risque de déclencher une nouvelle guerre froide. Dans une interview à RBTH, il a fait observer qu’en cas de guerre, la base de Büchel constituerait une cible pour l’aviation stratégique ou les missiles russes.

Le Kremlin ne veut pas de confrontation

Les experts russes restent philosophes face à la réaction nerveuse du Kremlin. D’après Konstantin Sivkov, président de l’Académie des problèmes géopolitiques, les projets américains ne sont pas une surprise, car le programme de modernisation de l’aviation tactique de cinq pays non nucléaires membres de l’Otan en vue de leur permettre d’employer l’arme nucléaire a été adopté il y a deux ans et sera achevé en 2018.

« La seule chose que nous pouvons faire, c’est de doter les batteries Iskander d’ogives nucléaires, de fabriquer des missiles en quantité suffisante pour l’aviation stratégique et de moderniser et rééquiper notre avion Tupolev Tu-22M3 », a noté Konstantin Sivkov dans une interview à RIA Novosti.

Toutefois, le colonel à la retraite Viktor Litovkine, observateur militaire de l’agence TASS, estime que la Russie ne s’engagera pas dans une course aux armements suite aux projets concernant la base de Büchel. Selon lui, Moscou ne prendra aucune mesure radicale afin de « ne pas affaiblir davantage son économie ».

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