Donbass : les élections de la discorde

Des habitants locaux portent le drapeau de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR) lors d’une marche à l’occasion du premier anniversaire du référendum tenu le 11 mai 2014 et qui a donné naissance à la DNR.

Des habitants locaux portent le drapeau de la République populaire autoproclamée de Donetsk (DNR) lors d’une marche à l’occasion du premier anniversaire du référendum tenu le 11 mai 2014 et qui a donné naissance à la DNR.

EPA
Les dirigeants des républiques autoproclamées du sud-est de l'Ukraine ont publié des décrets sur les élections locales, qui seront organisées dans les territoires qu’ils contrôlent indépendamment des élections dans le reste de l'Ukraine. Kiev a déjà critiqué ces décisions, accusant Donetsk et Lougansk de violation des accords de Minsk. Les experts estiment que la tenue des élections dans le sud-est de l'Ukraine pourrait conduire au gel du conflit et à la reconduction des sanctions contre la Russie.

Les dirigeants des républiques populaires autoproclamées de Lougansk et de Donetsk ont signé des décrets portant sur la tenue des élections locales le 1er et le 18 octobre respectivement. La RPL et la RPD assurent que la tenue de ces scrutins ne constitue pas une violation des accords de Minsk.

Les élections doivent se dérouler en plusieurs étapes pour s'achever en 2016. L'organisation du scrutin dans les régions rebelles du Donbass est l'un des éléments clés des accords de Minsk visant à régler le conflit. Toutefois, ces dernières estiment que les « modalités » de sa tenue devaient faire l'objet d'un dialogue, or celui-ci n'a toujours pas eu lieu. Les élections doivent également être organisées conformément à la législation ukrainienne et aux dispositions de la loi spéciale sur le statut du Donbass. 

De son côté, Kiev a décidé que cette loi entrerait en vigueur non pas avant les élections, comme le prévoient les accords de Minsk, mais après, et uniquement si elles sont organisées selon les termes définis par les autorités ukrainiennes. « Niet » catégorique des représentants de la RPD et de la RPL, qui contestent le fait de n’avoir pratiquement aucune place dans le scénario de Kiev. Le quotidien russe RBC informe que les républiques insurgées insistent sur le déroulement des étapes politiques tel que défini par les accords de Minsk : concertation et adoption par Kiev d'une nouvelle loi sur les élections, entrée en vigueur de la loi sur le statut spécial, réforme constitutionnelle et amnistie. C'est sur cette base qu'elles sont prêtes à discuter d'un compromis éventuel sur la tenue des élections de façon à satisfaire la position de Kiev également.

« Fondements de l'État »

Commentant les décisions des dirigeants des républiques autoproclamées, le président ukrainien Petro Porochenko a appelé à renforcer les sanctions contre la Russie et a comparé le vote annoncé aux élections des chefs des républiques du 2 novembre de l'année dernière. Il considère que ces élections sont la cause de l'escalade militaire de 2014 et de l'échec des premiers accords de Minsk, signés en septembre 2014.

Le dirigeant de la RPD Alexandre Zakhartchenko a déclaré que les élections « étaient importantes pour l'État en tant que tel ». « Avec ces élections, nous achevons l'étape de construction de l'État même. C'est la pierre qui nous sert de fondations, maintenant nous allons construire les murs et le toit. En organisant ces élections, nous montrerons que nous sommes un État à part entière, autosuffisant », a déclaré Zakhartchenko, en soulignant que les élections seraient honnêtes et démocratiques et se tiendraient en présence d'observateurs.

Marchandages

Bien que la date des élections soit annoncée, les experts estiment que le Donbass et Kiev peuvent encore trouver un compromis sur la question. La prochaine réunion au « format Normandie » (entre les présidents russe, allemand, français et ukrainien) qui se tiendra à Paris le 2 octobre sera à ce titre décisive. Andreï Souzdaltsev, vice-doyen de la faculté d'économie et de politique internationales de l'École des hautes études en sciences économiques, estime que les élections font « l'objet de marchandages » pour le « quatuor de Normandie », compte tenu de l'importance que revêt cette question aux yeux de Kiev et de la déclaration sur l'éventualité de nouvelles sanctions contre la Russie en cas de tenue du scrutin. Si un consensus est atteint au sujet de ces élections, celui-ci pourrait conduire à un gel durable du conflit et au retrait effectif des troupes.

Toutefois, si aucun consensus n'est trouvé, il ne faut pas s'attendre à la reprise des hostilités, car « l'escalade du conflit porterait un grave préjudice tant à l'Ukraine qu'à la Russie », estime l'expert. Le conflit sera gelé de toute manière, mais à la manière de la Transnistrie où, en absence d'une solution politique, une entité étatique non-reconnue existe de facto depuis plus de 20 ans.

Transnistrie bis

Le politologue ukrainien et directeur de l'Institut ukrainien des stratégies globales Vadim Karassev estime que « la possibilité hypothétique de voir ces élections se conformer à la législation ukrainienne » existe toujours et l'associe également à la rencontre prévue le 2 octobre. 

Dans le cas contraire, l'expert s'attend également à une reproduction du « scénario de la Transnistrie » : « Si les élections sont organisées de manière indépendante, les accords de Minsk échoueront et le conflit sera gelé. Que signifierait l'échec des accords de Minsk ? Les sanctions économiques [des pays occidentaux contre la Russie] seront reconduites fin janvier, l'Ukraine ne reprendra pas le contrôle de ses frontières et une frontière semi-officielle s'installera le long de la ligne de contact. Bref, ce sera une autre Transnistrie ».

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