État islamique : une année d’expansion sanglante

Des toursites rendent hommage aux 38 victimes de l'attaque terroriste à Sousse, en Tunisie. Source : Reuters

Des toursites rendent hommage aux 38 victimes de l'attaque terroriste à Sousse, en Tunisie. Source : Reuters

Il y a un an, l’État islamique en Irak et au Levant (EI), un groupe terroriste alors méconnu et mal compris, dévoila son projet mondial ambitieux de restauration du califat. Ce qui passait pour de la pure folie religieuse devint une sinistre réalité : l’expansion rapide de l’EI à travers le monde, du Bangladesh à la France et la Grande-Bretagne, montre que la véritable ligne de partage ne sépare plus l’Est et l’Ouest, mais l’EI et le reste du monde.

Cette situation a été mise en évidence par les récentes attaques violentes conduites par l’EI contre les Occidentaux et les nouvelles conquêtes territoriales (combats dans les environs de Damas), tandis que la Russie et l’Occident parviennent pas à former un front uni.

Le massacre de ressortissants occidentaux en Tunisie, la décapitation d’un PDG français, l’attentant à la bombe dans une mosquée du Koweït, qui s’est soldée par 27 victimes et 200 blessés, ont été suivis par une nouvelle série d’attentats. L’EI a revendiqué l’attaque à la voiture piégée contre deux chefs rebelles Houthi à Sanaa au Yémen, qui a tué 28 personnes dont huit femmes. Le lendemain, l’EI a décapité deux femmes en Syrie : pour la première fois, le groupe décapitait des femmes civiles.

En réalité, l’année entière a été marquée par un assaut sans précédent de ce groupe extrémiste religieux, bien organisé et mû par l’idéologie, qui massacre les « infidèles » dans l’espoir de gagner un aller simple pour le paradis, réservé exclusivement aux vrais croyants.

L’EI est la nouvelle menace sinistre qui recoupe toutes les lignes de division existantes. Alexandre Ritov, expert de l’Institut d'État des relations internationales de Moscou (MGIMO) et directeur adjoint de l’Institut de recherche de la mer Noire-Méditerranée auprès de l’Institut de l’Europe, évalue le niveau d’alerte qui devrait résonner à travers les continents :

« L’État islamique présente, indubitablement, un grave danger pour le monde entier et, surtout, pour le monde islamique. L’État islamique est une forme radicale de l’islam, rejetée par l’islam traditionnel. Ce qui se passe en Irak et en Syrie est un retour au fondamentalisme islamique médiéval.

C’est une menace pour les Occidentaux, pour les « croisés » et pour le « Grand Satan », mais aussi pour les apostats, qui dans la palette des ennemis islamiques, représentent des « traîtres » locaux à l’islam authentique. Le vrai islam, le vrai Coran, sont fondés sur la tolérance et n’ont rien à voir avec la violence propagée par l’État islamique ». 

Comment l’EI attire-t-il tant les nouvelles recrues provenant à la fois des pays très pauvres, comme le Bangladesh, et de France, bien plus riche ?

« Le mouvement révolutionnaire et la mentalité révolutionnaire font partie de notre monde. Ils sont enracinés dans le principe d’égalité. Contrairement au christianisme, il n’y a pas de hiérarchie dans la nature de l’islam. L’islam a l’image d’une religion démocratique qui compte un milliard de fidèles. Ce genre de radicalisme attire ceux qui cherchent à combattre l’inégalité, et c’est une répétition, une reproduction de l’esprit révolutionnaire passionné qui existait il y a 100 ans. Il est contagieux pour les jeunes esprits, pour la jeunesse qui veut la justice et considère que les actes radicaux lui donnent l’occasion de simplifier le monde. L’histoire semble se répéter », explique l’expert. 

Cet avis est partagé par Vladimir Sotnikov, directeur de recherche au Centre pour la sécurité internationale auprès de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales, basé à Moscou, pour qui l’EI est un phénomène mondial : 

« Après les récents attentats commis simultanément dans trois pays et qui se sont soldés par une centaine de victimes et plusieurs centaines de blessés, j’ai eu le sentiment que le monde était désormais divisé en deux : l’État islamique et tous les autres. C’est un danger majeur pour la sécurité mondiale. Cela doit devenir la priorité absolue pour la Russie et les États-Unis, qui doivent mettre leurs différends sur la crise ukrainienne de côté et unir leurs efforts pour lutter contre l’État islamique et fédérer les autres alliés dans ce combat ». 

Selon la position officielle de Moscou, la Russie ne voit pas d’autre alternative que de réunir toutes les parties prenantes dans le combat contre le terrorisme. Le groupe État islamique et la branche syrienne d’Al-Qaïda, Jabhat al-Nusra, ont été interdits par la justice en Russie.

L’EI était au cœur des discussions tenues lors de la récente visite du ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem à Moscou, où il a rencontré le président Vladimir Poutine. C’est sans doute la première fois que Moscou appelle aussi clairement à forger un front uni pour combattre l’EI.

Poutine aurait déclaré que ses contacts avec les dirigeants de Turquie et d’Arabie saoudite « montrent que tout le monde veut contribuer à la lutte contre ce fléau ». Il a également indiqué que l’effondrement du régime de Damas provoquerait une détérioration de la situation dans la région.  « Si le régime d’Assad chute, l’État islamique s’attaquera ensuite à l’Arabie saoudite et aux États du Golfe », a déclaré Poutine. 

Il est inutile de déclarer simplement que l’EI est un « phénomène religieux », car seul un effort rapide et coordonné pourrait endiguer la propagation et l’expansion de ces militants violents. Après la tragédie du 11 septembre, le président Poutine a été le premier à appeler le président Bush. Aujourd’hui, peu importe qui décroche le téléphone en premier. Le plus important est de faire cet appel, trop longtemps différé. 

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