Ambassadeur français : « Nous ne pouvons accepter que la Russie s'éloigne de l'Europe »

Crédit photo : Evgeny Biyatov / RIA Novosti

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Dans une interview accordée au quotidien russe Kommersant, l'ambassadeur de France en Russie, Jean-Maurice Ripert, explique comment les Français luttent contre le terrorisme et cherchent à jouer le rôle de médiateur dans le règlement de la crise ukrainienne.

On compare déjà les attentats de Paris, qui ont ébranlé la France et le monde entier, à ceux du 11 septembre aux États-Unis. Toutefois, en France, les assaillants étaient des gens qui avaient grandi au sein de la société française. Comment cela a-t-il pu arriver dans la citadelle de la démocratie européenne ?

La comparaison avec le 11 septembre n'a lieu d'être que dans le sens où aucun État ne peut se considérer comme hors d'atteinte du terrorisme. Malheureusement, la Russie le sait également, elle aussi a été victime des terroristes. La nationalité des criminels n'a cependant pas grande importance : c'est une guerre entre le terrorisme international et les démocraties, les pays qui veulent vivre librement. L'objectif des terroristes est de répandre la peur, d'intimider et d'ébranler les principes des sociétés démocratiques.

À cette provocation, il y a deux réponses. Tout d'abord, nous devons renforcer notre collaboration pour lutter contre le terrorisme international. En dépit de ce que j'ai pu lire dans la presse, nous continuons à coopérer activement avec la Russie dans la lutte contre le terrorisme. Ensuite, il est absolument nécessaire de mobiliser le système d'intégration à la société française.

La tragédie de Paris a éclipsé le conflit dans le sud-est de l'Ukraine. En fin d'année, le président Hollande a eu une rencontre inattendue avec le président Poutine et s'est positionné comme un médiateur entre la Russie et l'Occident. Cela montre-t-il que Paris joue un rôle particulier dans le règlement de la crise ukrainienne ?

La France, avec l'Allemagne, a agi de sa propre initiative. De plus, la France est intervenue parce qu'elle considère que la Russie est un partenaire fondamental et un pays important sur les plans politique, économique et culturel pour la construction de la sécurité en Europe.

Nous ne voulons pas accepter la rupture, le fait que la Russie s'éloigne de l'Europe ou l'Europe de la Russie. Le concept d'Eurasie ne me gêne pas, c'est une réalité. La Russie est un pont entre l'Europe et l'Asie. Naturellement, la Russie fait partie de l'Europe. Je pense que le président François Hollande et la chancelière Angela Merkel ont montré leur volonté de ne pas accepter une telle rupture. Mais, ceci étant, la France et l'Allemagne veulent rester fidèles aux principes fondamentaux de l'UE, notamment au principe du respect de l'intégrité territoriale des Etats ainsi qu'au droit de tous les pays et de tous les peuples à choisir leur propre avenir.

Nous considérons que la tragédie qui a lieu sur le territoire ukrainien est inacceptable. La situation humanitaire dans le Donbass est désastreuse. Cela ne peut pas continuer ainsi. La France, l'Allemagne et la Russie ont une relation de confiance avec les parties en conflit et elles pourront les convaincre de trouver une solution. Nous avons déjà été témoins de nombreux contacts diplomatiques et il est important qu'il y ait un contact direct entre les présidents Poutine et Porochenko. La France et l'Allemagne ne cherchent pas à imposer quoi que ce soit, mais elles peuvent essayer de faire pression, avec la Russie, sur tous les participants du conflit.

Pensez-vous que le format de négociations né en France (France, Allemagne, Ukraine, Russie, ndlr) puisse être transféré au Kazakhstan, si le sommet d’Astana a finalement lieu ? Qu'attendez-vous du processus de négociations ?

Le format Normandie n'est pas un groupe de négociations. Les négociations ont lieu sous l'égide de l'OSCE et doivent favoriser la mise en œuvre des accords de Minsk. En ce qui concerne le format Normandie, il doit faciliter ce processus. Le fait que l'accord ait été signé à Minsk et qu'un sommet soit prévu à Astana prouve que les partenaires de la Russie sont eux aussi préoccupés par la situation en Ukraine.

Quand la paix sera rétablie en Ukraine, on pourra parler du principal : l'avenir des relations entre la Russie et l'UE et les relations entre l'UE et l'Union eurasienne. C'est extrêmement important pour l'avenir de notre continent.

Les sanctions restent un piège pour nos relations. Comment faire pour en sortir ?

La position de la France a été très clairement exprimée par le président Hollande. Les sanctions ont été mises en place pour qu'on les supprime par la suite. Et elles doivent être levées après l'application des accords de Minsk. Reste la question de la Crimée. Nous ne reconnaissons pas l'annexion de la Crimée, que nous considérons comme illégale. Ainsi, il est probable que certaines sanctions restent en vigueur.

L'entretien a été retraduit du russe. Texte initialement publié sur le site Web du quotidien Kommersant.

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