Le sud-est de l’Ukraine élit les dirigeants des républiques autoproclamées

Élections dans le sud-est de l'Ukraine. Crédit photo : Valéry Melnikov/RIA Novosti

Élections dans le sud-est de l'Ukraine. Crédit photo : Valéry Melnikov/RIA Novosti

Les habitants des Républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk se sont rendus aux urnes dimanche pour élire les dirigeants des organismes d’administration locaux. Les services de sécurité ukrainiens ont quant à eux ouvert une enquête pénale pour « activités destinées à changer ou renverser par la violence l’ordre constitutionnel ou s’accaparer du pouvoir ». Selon les analystes russes, Moscou pourrait utiliser ces élections comme levier de pression dans sa lutte politique avec Kiev.

Le dimanche 2 novembre ont eu lieu les élections dans les organes d’administration locaux des Républiques populaires autoproclamées de Donetsk et Lougansk. Seuls trois candidats se sont présentés pour le poste de président : le chef du gouvernement de la république Alexandre Zakhartchenko, le député au parlement de la République populaire de Donetsk (RPD) Iouri Sivokonenko, ainsi que l’homme d’affaires et représentant du mouvement « Iougo-Vostok » (Sud-Est) Alexandre Kofman. Deux partis politiques ont lutté aux législatives : « Donetskaïa respoublika » (République de Donetsk) et « Svobodny Donbass » (Donbass libre).

Élections

Les personnes ayant 16 ans et plus ont le droit de vote, à l’instar du référendum en Écosse. 51 observateurs internationaux de Russie, d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud, de Serbie, du Monténégro et l’eurodéputé français Jean-Luc Schaffhauser sont venus superviser ces élections.

Selon le représentant de la Commission électorale centrale de la RPD Roman Liaguine, plus de 500 mille personnes avaient déjà voté dans cette région à la mi-journée, en plus des 300 mille dans la République populaire de Lougansk (RDL). Les réfugiés du sud-est vivant dans des camps proches de la frontière du côté de la Russie ont également pu prendre part au référendum. D’après la Commission électorale, rien que dans la région de Voronej, le taux de participation avait atteint les 60% trois heures avant la fermeture des bureaux de vote.

Le service de presse du gouvernement du sud-est de l’Ukraine a déjà annoncé que les autorités officielles de Kiev avaient tenté d’empêcher la tenue du référendum. Le 1er novembre à 17h30, les troupes ukrainiennes ont notamment fermé les routes automobiles menant au territoire de la RPD par l’est et l’ouest afin d’empêcher ceux qui le voulaient d’accéder aux bureaux de vote le jour suivant. De plus, les autorités de la république ont déclaré avoir démantelé des groupes de commandos du bataillon ukrainien « Dniepr-1 ».

Poursuites en justice

Les services de sécurité ukrainiens ont ouvert une enquête pénale pour « activités destinées à changer ou renverser par la violence l’ordre constitutionnel ou s’accaparer du pouvoir ». Les autorités chargées du maintien de l’ordre ont également déclaré que les observateurs présents aux élections en provenance de l’Union européenne et d’autres pays deviendront persona non grata en Ukraine.

« Tout cela se passe sous le regard de pseudo-observateurs qui sont déjà ou deviendront personae non gratae sur le territoire de l’Ukraine », indique un communiqué des autorités judiciaires sur Facebook. En réponse, le premier ministre sortant de la RPD Alexandre Zakhartchenko a souligné que les policiers du sud-est du pays mèneraient leur propre enquête concernant « le génocide de la population du sud-est ».   

Position de la Russie

Malgré toutes les menaces de pression politique et économique en provenance de l’Occident, la Russie a soutenu l’organisation d’élections dans les organes de gestion locaux du sud-est de l’Ukraine, comme l’a confirmé quelques jours auparavant le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

« Les élections qui se tiendront le 2 novembre dans le territoire des Républiques populaires autoproclamées de Lougansk et Donetsk seront importantes d’un point de vue de la légitimation du pouvoir. Nous considérons qu’il s’agit de l’un des points les plus importants des accords de Minsk », avait-il déclaré. « Nous espérons que la liberté d’expression sera respectée et qu’aucune intervention extérieure n’essayera de l’entraver », a insisté le ministre.

Comme l’a expliqué à RBTH Alexandre Konovalov, président de l’Institut des évaluations stratégiques, Moscou avait auparavant reconnu les conclusions des élections officielles au parlement de Kiev malgré toutes les déclarations sur le caractère non-constitutionnel du changement de pouvoir, reconnaissant par la même occasion indirectement la légitimité des nouveaux dirigeants du pays.

« L’approbation des résultats des élections au sud-est signifieront la reconnaissances des Républiques autoproclamées elles-mêmes, ce que ne compte pas encore faire la Russie. Moscou apprécie qu’il existe une opposition aux nouvelles autorités en Ukraine, que certains manifestent leur indépendance. Le Kremlin ne sait toutefois pas encore clairement à quoi ressemblera à l’avenir le dialogue avec les nouvelles autorités des républiques autoproclamées, qui attendent vraiment beaucoup des relations avec la Russie », explique l’expert.  

Selon l’analyste, Moscou continue à envoyer des convois d’aide humanitaire dans la région et à soutenir économiquement sa reconstruction après les combats. « Le conflit continuera à couver dans quelques endroits et la Russie pourra, en cas de besoin, rejeter de l’huile sur le feu. Les élections dans ces deux républiques constituent pour Moscou un levier de pression politique sur Kiev », ajoute Konovalov.

Andreï Souzdaltsev, directeur de recherche du centre d’analyse de l’École des hautes études en sciences économiques, a expliqué à RBTH qu’il fallait saluer les tentatives de la population du Sud-Est de consolider ses pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. « La Russie n’a pas reconnu mais a soutenu le désir du peuple du sud-est d’exprimer son opinion grâce à un référendum. Le Kremlin exige des garanties afin d’assurer la trêve et de poursuivre le dialogue politique pour régulariser la crise. Si Kiev enfreint les accords de Minsk, Moscou pourrait reconnaître les résultats du vote. Dans les faits, cela signifierait la reconnaissance de l’indépendance de la région », estime l’expert.

Comme l’a souligné Souzdaltsev, une telle situation ne ferait que renforcer la crise en Ukraine et donnerait plus d’assurance aux forces politiques du sud-est pour poursuivre le combat. Elle pourrait également entraîner des changements importants dans la politique extérieure de la Russie. « La reconnaissance des élections pourrait remettre en question le statut d’allié des partenaires de Moscou dans les différents partenariats et unions économiques. Il est clair que le Kazakhstan et le Belarus ne reconnaîtront pas ces élections. Il est donc possible que les alliances du Kremlin s’effritent et mènent à un nouvel affaiblissement dans la politique étrangère du pays », précise-t-il.

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