Union européenne ou Union douanière : le choix cornélien de l’Ukraine

Les présidents russe et ukrainien Vladimir Poutine et Viktor Ianoukovitch discutent l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière. Crédit : RIA Novosti

Les présidents russe et ukrainien Vladimir Poutine et Viktor Ianoukovitch discutent l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière. Crédit : RIA Novosti

L’Ukraine ne souhaiterait pas adhérer à l'Union douanière de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan au détriment de son intégration européenne. Cependant, selon le président ukrainien, le pays n'est pas assez « cool et riche pour ignorer une telle coopération ».

Des négociations entre les présidents russe et ukrainien Vladimir Poutine et Viktor Ianoukovitch se sont tenues le 4 mars dans la résidence du président russe située dans les environs de Moscou. La réunion s'est tenue à huis clos ; les médias étaient présents uniquement durant la partie protocolaire de l'événement, qui ne comprenait pas de séances de questions-réponses avec les journalistes.

Cependant, au cours de l'échange traditionnel de commentaires sous les flashs, un journaliste russe s’est invité dans la conversation entre les deux présidents, demandant à Poutine si l’on aborderait spécifiquement lors des entretiens le thème de ​​l'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière. Répondant à la question, le président russe a déclaré qu’ « en cas d'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière, la croissance économique de l'Ukraine serait de 1,5 à 6,5 pour cent en fonction de la profondeur de l'intégration ».

Au départ, la visite du président ukrainien en Russie était prévue pour décembre de l'année dernière. Le principal objectif des discussions était précisément l'adhésion de l'Ukraine à l’Union. Au dernier moment, la partie ukrainienne a annulé la visite, en arguant que M. Ianoukovitch avait besoin d’un délai supplémentaire pour se préparer.

Selon la rumeur, Moscou a placé Kiev en décembre au pied du mur en proposant de passer directement à la signature des documents sur le lancement du processus d'adhésion de l'Ukraine à l'Union douanière. Comme le notent les observateurs, Kiev ne peut pas se permettre de rester hors de l'Union, mais ne veut pas non plus la rejoindre, car ceci forcerait le pays à faire une croix sur son intégration européenne tant convoitée.

Au cours de sa visite en Russie le 4 mars, M. Ianoukovitch a apparemment essayé de convaincre Poutine que Kiev n’était pas opposé à participer à ce projet d'intégration, mais ne pouvait toutefois pas le faire selon les conditions de Moscou.

A la veille de sa visite, M. Ianoukovitch a déclaré à plusieurs reprises que l'Ukraine pourrait adhérer à l'Union douanière en tant qu'observateur, ou trouver un modèle de collaboration n’empêchant pas l'intégration européenne de Kiev. Selon lui, le niveau des échanges entre l’Ukraine et l'Union douanière en 2012 a atteint 63 milliards de dollars, et 50 milliards de dollars avec l'Union européenne.

« C’est là (dans la zone de l'union douanière, ndlr) que sont concentrés nos intérêts nationaux, nos intérêts économiques, et nous n’avons pas le droit d’y perdre des positions. Nous ne sommes pas assez ‘cools’ et riches pour ignorer une telle coopération », a déclaré M. Ianoukovitch.

LUnion douanière (UD)

  est le premier grand projet économique au sein de l’espace postsoviétique. Il s'agit d'une plateforme d'intégration commerciale et économique de la Russie, de la Biélorussie et du Kazakhstan. L’UD prévoit un territoire douanier unique, au sein duquel les échanges mutuels de biens ne sont pas soumis à des droits de douane et à des restrictions à caractère économique, à l'exception mesures spéciales de protection, antidumping et compensatoires.

Les pays membres de l’UD mettent en oeuvre un tarif douanier commun et d'autres mesures communes de régulation des échanges de biens avec les pays tiers. En s'unissant au sein de cette alliance, la Russie, le Kazakhstan et la Biélorussie peuvent même lancer un défi à l'Allemagne : leur PIB total est proche de celui du géant européen.

La Russie bénéficierait également de l’adhésion de l'Ukraine à l'Union. Grâce à elle, elle souhaiterait obtenir un accès préférentiel au réseau de transport de gaz ukrainien vers l’Europe. Le système gazier ukrainien est le deuxième d'Europe et l'un des plus grands au monde. C’est à travers les pipelines ukrainiens que le gaz russe est livré aux clients de 18 pays à travers l'Europe.

Toutefois, l’Union douanière et l'Union européenne sont pour l'Ukraine des directions s’excluant mutuellement. Comme l’a déclaré le président de la Commission européenne José Manuel Barroso lors d'une réunion avec M. Ianoukovitch en février à Bruxelles, l'Ukraine devra faire un choix, parce qu’« aucun pays ne peut être en même temps membre de l'Union douanière, et posséder une zone de libre-échange approfondie et complète avec l'Union européenne ».

Kiev espère signer un accord d'association avec l'UE lors du Sommet du Partenariat oriental en novembre de cette année.

Cependant, les experts sont sceptiques. L'année dernière, la chancelière allemande Angela Merkel a annoncé que pour le moment, l'Union européenne n’était pas en mesure d'accueillir de nouveaux membres, et qu’à l’avenir la vérification de la correspondance des candidats à l'UE au niveau requis de développement économique serait plus soigneuse.

« En fin de compte, l'Ukraine devra intégrer l'Union douanière dans une position affaiblie et selon les conditions dictées par Moscou », a déclaré à la Russie d’Aujourd’hui le vice-recteur de l'Université russe d'économie Plékhanov, Sergueï Markov.

Dans ce contexte, la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’Union douanière devient plus probable.

Toutefois, l’expert ukrainien et directeur du Centre d’études politiques appliquées Penta Vladimir Fesenko souligne qu’ « actuellement, la partie ukrainienne n'est pas prête à adhérer à l'Union douanière ». Selon lui, Kiev ne négociera avec Moscou de façon poussée que s’il devient tout à fait clair que l'accord avec l'Union européenne ne sera pas signé. Ce dernier point, estime-t-il, pourrait se préciser entre juin et octobre.

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