Relance de l’aéronautique : le défi

Credits photo : AFP/EAST NEWS

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Le Forum aéronautique d’Oulianovsk a montré les progrès réalisés par l’industrie russe, mais aussi les difficultés à accorder les intérêts financiers, industriels et politiques.

Un appareil Tu-204 en chaîne d’assemblage dans la gigantesque usine AviaStar d’Oulianovsk. Crédits photo : ITAR-TASS 

«L’avenir immédiat de l’industrie aéronautique est suspendu au sort de deux appareils, le Superjet 100 de Soukhoï et le Tupolev 204 : tel est l’enseignement tiré du premier Forum aéronautique d’Oulianovsk, qui s’est tenu en avril dernier.


Le Superjet, premier avion russe conçu dans la période post-soviétique et le premier aussi à intégrer de nombreux composants étrangers (dont un moteur français), a fait un bond en avant en effectuant le mois dernier ses premiers vols commerciaux avec la compagnie aérienne Armavia. Le second appareil, le Tu 204, qui a volé pour la première fois en 1989, tente difficilement une seconde carrière alors que seuls 69 exemplaires en ont été construits en 20 ans.


L’exploitation commerciale du Superjet de Soukhoï devrait permettre aux acheteurs potentiels de vérifier les paramètres de l’avion et de convaincre de futurs clients. Cet appareil régional de 100 places fait actuellement l’objet de 150 commandes. Mais son lancement a été quelque peu terni en avril par les propos du ministre des Transports Igor Levitine, selon lesquels 
Aeroflot, principal client avec 30 commandes, pourrait demander des dédommagements à Soukhoï pour les retards répétés de livraison et pour une efficacité énergétique moindre que celle annoncée. L’attitude d’Aeroflot, qui est contrôlé par le gouvernement russe, envers le Superjet, un projet également financé en très large majorité par des fonds publics, « diminue l’attrait du produit aux yeux des acheteurs potentiels, au risque que l’argent de l’ É tat soit dépensé en vain » , estime Maxime Piadouchkine, spécialiste du transport aérien. Pour le Tu-204, un moyen-courrier de 210 places, la situation est encore moins favorable. La commande qui devait ranimer sa production, c’est-à-dire 44 appareils par la compagnie Red Wings, semble depuis la fin avril tombée dans les limbes.


Le gouvernement voit plus loin, avec un plan de relance de l’industrie aéronautique basé sur trois appareils. Le premier est le Superjet. Le deuxième, le MS-21, est un moyen-courrier de 150 à 210 passagers en phase de conception et basé en partie sur le Tu-204. Sa commercialisation est prévue pour 2016. Le troisième, un avion de 300 places visant le segment « low-cost », se nomme « Samolet 2020 ».



Partenaires clés dans le Superjet (Safran a réalisé le moteur) les Français sont restés à l’écart du projet MS-21. Une source chez Safran glisse qu’il est
« logique que les Russes cherchent à voir si les Américains sont prêts à fournir davantage de technologies que les Européens ».


Plusieurs lignes de conflit ont surgi durant le forum, notamment lorsqu’un vétéran de l’industrie, Oleg Smirnov, s’en est pris
« à tous ces banquiers qui dirigent aujourd’hui notre industrie » , pique envoyée au PDG d’Aeroflot Vitali Saveliev et à Alexandre Lebedev, actionnaire de plusieurs compagnies aériennes. La logique industrielle consistant à concentrer la production dans un cluster s’oppose à la logique politique qui veut maintenir l’emploi sur des sites éparpillés (l’usine réalisant l’assemblage final du Superjet est située à Komsomolsk-sur-Amour, à 7 000 km à l’est de Moscou). Enfin, la logique financière des compagnies aériennes les pousse vers les appareils étrangers beaucoup moins coûteux à l’exploitation. Les fabricants russes doivent encore progresser pour prouver leur compétitivité.

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