À la recherche d’une recette pour la relance

Alexeï Koudrine (1er à partir de la droite) et Sergueï Glazïev (à sa droite) lors d’une réunion de travail à Sotchi.

Alexeï Koudrine (1er à partir de la droite) et Sergueï Glazïev (à sa droite) lors d’une réunion de travail à Sotchi.

PhotoPress
Le président Vladimir Poutine s’est entouré de deux équipes concurrentes dont la tâche est de concevoir un plan de redressement à long terme de l’économie russe.

Ce dernier printemps, Vladimir Poutine s’est adjugé les services de son vieil allié, l’ex-ministre des Finances Alexeï Koudrine, pour élaborer un plan de développement à long terme de la Russie : le président l’a chargé de prendre la tête de son « QG économique », le Centre de planification stratégique.

M. Koudrine n’a pas carte blanche. Parallèlement aux travaux de son équipe d’obédience « libérale », une autre équipe de tendance « dirigiste », adepte d’un contrôle étatique fort sur l’économie, a aussi reçu commande d’une stratégie visant au développement du pays. Ses auteurs sont des représentants de l’influent Club Stolypine, parmi lesquels le conseiller du président, Sergueï Glazïev.

Libéraux contre étatistes

La rédaction des stratégies concurrentes n’est pas achevée, ce qui n’empêche pas la tenue de débats sur la place publique. Les deux camps font depuis deux mois suffisamment de déclarations pour laisser entrevoir le contenu de leurs projets respectifs.

Les représentants du Club Stolypine, [une plateforme d’expertise axée sur la recherche de solutions nationales, ndlr], proposent de relancer l’économie par l’investissement public en faisant appel au budget et à l’émission de 150 milliards de roubles (2,06 milliards d’euros) par la Banque centrale. Ils préconisent en outre de mettre fin à la libre flottaison du rouble et de rétablir le contrôle des changes, afin de neutraliser les effets négatifs de la spéculation.

Une seconde étape prévoit de mettre le système fiscal au niveau des pays développés. Il est également question de mesures de contrôle « doux » des devises et de réformes judiciaires et foncières, ainsi que d’une réforme partielle du système de retraites.

Le camp Koudrine propose une tout autre conception. Selon lui, les investissements doivent être privés, et il revient à l’État de créer des conditions favorables à de tels investissements, d’assurer la stabilité macroéconomique, de modérer l’inflation, de résorber le déficit budgétaire, de mettre en place des réformes, ainsi que de désamorcer les tensions géopolitiques et d’attirer des investissements étrangers.

M. Koudrine et ses partisans sont convaincus que la stimulation active de l’économie en faisant marcher la planche à billets et en distribuant des crédits à taux faibles proposée par le Club Stolypine ne mènera à terme qu’à un envol de l’inflation et à de nouvelles tensions sur le cours du rouble.

Dilemme pré-électoral

Il semble exclu de faire la synthèse de deux programmes contradictoires en se contentant de les aménager. Le gouvernement devra choisir, et le dernier mot reviendra certainement à Vladimir Poutine. Jusqu’ici, le président russe s’est toujours montré dirigiste sur le plan politique, tout en préférant une approche libérale sur le plan économique.
Andreï Movtchan, directeur du programme Économie politique du Centre Carnegie de Moscou, considère que l’approche de Glazïev n’obtenu que de piètres résultats dans les pays qui l’ont mise en pratique, à l’exemple du Venezuela, et la Russie aurait peu de chances de faire exception. Au contraire, celle de Koudrine « est claire et bien que l’on puisse la contester dans les détails, ses recettes donneraient globalement une chance au pays de sortir de sa stagnation », affirme-t-il.

Quant au politologue Evgueni Mintchenko, il estime que dans la perspective des élections de 2018, Vladimir Poutine aura à cœur de créer son propre système de contrepoids dans la sphère de la planification stratégique. En phase de conception, les deux stratégies bénéficient du soutien du gouvernement, permettant d’envoyer des signaux positifs à l’ensemble de l’électorat, aussi bien aux dirigistes qu’aux libéraux.

Selon Rouslan Grinberg, directeur de recherche à l’Institut d’économie de l’Académie des sciences de Russie, l’émission de devises proposée par les étatistes aura des conséquences négatives pour la Russie : « L’utilisation de l’assouplissement quantitatif sans discernement qui est actuellement pratiqué en Europe et en Amérique pour stimuler les économies nationales est absolument inadapté à notre pays. La Russie produit peu et possède de nombreux marchés en situation de monopole ; par conséquent, toute émission de liquidités entraînera automatiquement un bond de l’inflation ».

Andreï Movtchan est d’avis que concrètement, ni l’approche de Koudrine ni celle de Sergueï Glazïev n’a de chance d’être mise en pratique, et que la Russie finira par emprunter une voie « médiane ». Laquelle ? Pour M. Movtchan, le gouvernement n’adoptera pas de réformes libérales, mais il maintiendra une politique monétaire équilibrée, ce qui finira soit par prolonger la stagnation, soit par entraîner une légère récession.

Le pays dispose heureusement de fortes capacités de résistance : ses réserves internationales restent confortables (environ 350 milliards d’euros) et le produit intérieur brut (PIB) par habitant est de 7 500 dollars. La Russie peut se permettre de perdre 1 ou 2% de PIB par an, en réduisant peu à peu son budget de la défense et celui des grands projets.

Texte intégral en anglais publié sur le site de Russia Direct

 

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