Moscou muscle sa gamme d’avions civils

Alexander Korolkov
La Russie a dévoilé en grande pompe son tout dernier avion, dans un show à l’américaine. Le MS-21, un moyen-courrier, a été présenté le 7 juin à Irkoutsk, dans l’usine de production de l’appareil.

MS-21 est l’acronyme russe « d'Avion Principal du 21ème siècle ». Présent lors de la cérémonie, le premier ministre russe Dmitri Medvedev a énoncé les ambitions de l’appareil : « Je suis certain que le MS-21 occupera la place qui lui revient sur le marché global (…) La Russie doit rester en première ligue des constructeurs d’avions »

Il s’agit du premier appareil moyen-courrier monocouloir conçu et produit par la Russie après la disparition de l’URSS. Il est décliné en plusieurs versions, transportant de 163 à 211 passagers sur des distances allant jusqu’à 6400km. Il existe en deux motorisations : l’une avec un Pratt & Whitney (déjà existant), l’autre avec un moteur russe PD-14A encore en développement. La très importante utilisation de matériaux composites (35 % de la structure, pour une masse totale de 15 % inférieure aux standards précédents) est censée apporter au MS-21 un avantage compétitif en termes de consommation et de coûts.

Le gouvernement russe a injecté environ 3,5 milliards de dollars dans le développement de l’appareil, dont le coût unitaire avoisine les 90 millions de dollars. Le MS-21 doit faire son premier vol à la fin de cette année et les premières livraisons sont prévues pour la fin 2018. De telles caractéristiques placent l’appareil en concurrence directe avec les dernières versions de l’Airbus A320 et du Boeing 737, ainsi qu’avec le nouvel avion chinois Comac C919.

Irkut, le constructeur du MS-21, vise une part de 5 à 10% du marché mondial d’ici 2035. Irkut a déjà engrangé 175 commandes, venant principalement de compagnies aériennes russes. L’appareil a été conçu pour remplacer les avions de conception soviétique Tu-154 et Tu-204 (35 appareils encore en service), ainsi que la cinquantaine de Boeing 737 volant pour des compagnies russes, dont l’âge moyen atteint les 15/20 ans. Pour faire face à la demande, Irkut va porter la capacité de production à 70 exemplaires par an à partir de 2020 et vise 1080 exemplaires produits à l’horizon 2035. Les experts du secteur aéronautique prévoient une forte croissance de la demande pour les avions monocouloirs dans les prochaines décennies. Les usines Boeing et Airbus fonctionneront à pleine capacité, ce qui devrait permettre à Irkut de récupérer une partie de la demande. Le constructeur russe estime que sur les 1080 avions produits, 300 à 350 iront aux compagnies russes contre 650 à 700 pour des compagnies étrangères.

Le MS-21 emboîte le pas à un autre avion russe, le Sukhoi Superjet-100 (SSJ100) entré en service en 2011. Avion régional d’une centaine de places, le SSJ100 a été le tout premier avion civil russe entièrement conçu à l’époque post-soviétique, avec l’utilisation de nombreuses technologies étrangères (les Français Thalès pour l’avionique et Snecma pour les moteurs, en particulier). Selon l’ancien patron d’OAK (corporation d’Etat regroupant les constructeurs russes) Mikhaïl Pogossian, le gouvernement a investi 2 milliards de dollars dans la création du SSJ100. Aujourd’hui, 108 exemplaires ont été produits, principalement pour des compagnies aériennes russes, mais aussi pour le mexicain Interjet. Un tournant important a été pris à la fin 2015 lorsque l’irlandais CityJet a commandé 15 exemplaires, devenant la première compagnie européenne à miser sur l’avion russe. Au total, le constructeur Sukhoi a enregistré 170 commandes pour le SSJ100.

Petite ombre au tableau, le désir du partenaire italien Leonardo-Finmeccanica, qui détient 25% du projet SSJ100, de réduire sa participation à 10%, selon le quotidien Kommersant. La nouvelle direction du groupe italien trouverait l’avion « non rentable ». Ce serait un coup dur pour Sukhoi, estime l’expert aéronautique Boris Rybak, directeur de l’agence Infomost : « Il est fondamental pour le SSJ100 de continuer à collaborer avec des partenaires bien implantés à l’international. Le principal point faible des avions russes reste le service après-vente auprès des compagnies aériennes ». Irkut s’est justement fixé pour objectif principal de ne pas répéter cette erreur avec le MS-21.

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