La Russie tente de contourner les sanctions grâce à la finance islamique

Jakarta, 20 juillet 2015. Des roupies indonésiennes.

Jakarta, 20 juillet 2015. Des roupies indonésiennes.

Reuters
L’argent des investisseurs musulmans doit venir se substituer aux prêts des banques occidentales. Mais pour le faire, une réforme de la législation russe s’impose.

Les ressources des banques islamiques aideront à réaliser des projets d’infrastructures en Russie, a annoncé le 20 mai Sergueï Gorkov, patron de la banque Vnecheconombank, la plus grande institution de développement du pays, dans le cadre du sommet Russie – monde islamique : KazanSummmit qui s’est tenu à Kazan, capitale du Tatarstan (république russe sur la Volga).

« Le problème des investissements dans les infrastructures russes se pose avec acuité et le financement du monde islamique est vital pour la Russie », a souligné Sergueï Gorkov. Il estime que les premiers contrats dans ce domaine pourraient être signés dès l’automne prochain.

Le président de l’Ingouchie (république du Caucase russe peuplée de musulmans), Iounous-Bek Ievkourov, a indiqué pour sa part que Vnecheconombank finançait d’ores et déjà certains projets halal dans la région.

Toutefois, constatent les experts en droit, le problème est que la banque islamique n’est pas conforme à la législation russe. En effet, ce principe suppose le recours aux marchandises dans les opérations monétaires et interdit l’intérêt. Qui plus est, dans la finance islamique, le créancier partage les risques de l’emprunteur, ce qui doit à ce système l’appellation de « banking de partenaires ». Or, toutes ces mesures n’existent pas dans la législation russe.

Les principales raisons

« La finance islamique connaît une croissance de 15% à 20% par an, notamment dans les pays non musulmans, par exemple en Irlande », a rappelé Roustam Minnikhanov, le chef de l’administration du Tatarstan. Il a fait remarquer que dans ce domaine, la Russie avait pris du retard sur les autres pays. A l’issue du KazanSummit 2015 déjà, où il avait été déclaré pour la première fois que la Russie drainerait des capitaux islamiques, la Banque centrale du pays a mis en place un groupe de travail pour le développement de la finance islamique et approuvé les principaux repères dans ce domaine pour 2016 et 2017. Mais on en est restés là.

Dans les régions russes, le banking islamique se développe, avant tout au Tatarstan où la majorité des habitants sont musulmans. L’une des plus grandes banques de la région, AK Bars, a conclu jusqu’ici deux transactions sur la base des principes de la finance islamique, en contournant pratiquement la législation en vigueur. Toutefois, la banque n’a été frappée d’aucune sanctions.

Vnecheconombank est prête pour sa part à soutenir les projets d’exportation russes vers les pays musulmans, a poursuivi Sergueï Gorkov. Selon lui, les exportations de la Russie dans les pays de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) atteignent aujourd’hui plus de 2,6 milliards d’euros, mais pourrait encore augmenter de 50%.

« Nous constatons que l’Europe coopère intensément avec la finance islamique. Le président (Vladimir Poutine) a fixé l’objectif d’un rapprochement de la Russie avec le monde islamique, et ce rapprochement doit s’effectuer sur différents axes, notamment ceux de la finance, de la culture et tous les autres », a noté Roustam Minnikhanov.

Principaux obstacles

L’implantation du banking islamique est freinée par les législateurs russes. « La législation russe n’est pas encore prête à la mise en application de ces instruments », estime Evgueni Bouchmine, vice-président du Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe) responsable de la politique fiscale.

Toutefois, a-t-il souligné, dans un contexte où les sociétés russes se voient refuser des prêts par les banques européennes et américaines, la finance islamique pourrait être d’un grand secours. « Le banking islamique ne crée pas de « bulles » et rend les transactions plus stables par rapport aux autres systèmes », a fait observer Evgueni Bouchmine. Il a ajouté que le chiffre d’affaire mondial du secteur dépassait 2 200 milliards d’euros.

Le grand problème est que la législation russe interdit aux banques de déployer des activités commerciales, a expliqué à RBTH Ilia Bareïcha, juriste du cabinet d’avocats Iegorov, Pouguinski, Afanassiev et partenaires. Mais les banques islamiques achètent et vendent des actifs autorisés par le droit musulman. Ce qui fait qu’en recourant à la technique du financement islamique, les banques russes ont le droit de conclure des transactions sur un nombre très limité d’actifs, par exemple, dans le domaine des métaux précieux. « On a l’impression qu’il n’existe pas pour l’instant de demande afin de mettre en place un régime spécial pour le financement islamique au sein de la législation russe », a-t-il indiqué pour conclure.

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